Une cycliste montréalaise est morte en Colombie-Britannique le premier jour de ce qui devait être une traversée du Canada à vélo. Plusieurs proches de la victime ont accepté de parler à La Presse dans l’espoir de sensibiliser la population à l’importance du partage de la route.

Les témoignages se sont multipliés depuis lundi dernier à la mémoire de Daphné Toumbanakis, une « très grande jeune femme », étudiante brillante à l’Université de Montréal et passionnée de tango et de vélo, qui avait notamment roulé dans les Balkans et en Colombie.

« La veille de son départ, elle m’a dit : “Maman, ne t’en fais pas. J’ai fait du vélo en Colombie” », raconte sa mère, Sonya Bélanger.

« Je ne suis pas en colère contre le chauffeur. Je veux juste inviter les gens à faire attention en voiture, à ne pas utiliser le cellulaire », explique Mme Bélanger.

La Montréalaise de 23 ans devait traverser le pays de Vancouver à Montréal en 50 jours. Elle a entamé le périple lundi avec un ami. Puis ce même jour, vers 17 h 45, elle a été happée par une camionnette alors qu’elle roulait sur la route Lougheed, non loin de Vancouver.

L’autoroute est munie d’un accotement et tout indique que la Montréalaise s’y trouvait au moment de l’impact. Le pare-chocs du véhicule est abîmé en son centre, selon des images de CTV, ce qui donne à penser qu’il n’a pas fait qu’effleurer la cycliste, mais l’a plutôt heurtée de plein fouet.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a ouvert une enquête. La vitesse ou l’alcool ne sont pas en cause, selon la police. Le conducteur collabore. Mais les policiers n’écartent pas la possibilité qu’il ait été distrait.

S’il vous plaît, soyez attentifs et lâchez votre téléphone. Je ne sais pas si c’est ça qui est arrivé, mais le conducteur n’a pas suivi la courbe, il ne l’a pas vue, il a peut-être eu une distraction.

Sonya Bélanger, mère de Daphné Toumbanakis

« Ce n’est pas quelqu’un qui l’a frôlée, il lui a foncé dessus. Il n’a pas pris sa courbe », ajoute Mme Bélanger.

Une cycliste d’expérience

La mort de Daphné Toumbanakis est d’autant plus incompréhensible que la jeune femme avait une grande expérience du cyclotourisme.

« Elle avait fait ça des centaines de fois. Elle avait traversé les Balkans, la Grèce, la Gaspésie, roulé en Colombie, aux États-Unis », se rappelle Jean-François Dufresne, conseiller à l’action humanitaire et communautaire à l’Université de Montréal.

L’homme travaille auprès des différents comités étudiants de l’Université. C’est dans ce contexte qu’il a rencontré Daphné, qui a notamment été impliquée dans la Semaine interculturelle.

Il côtoie quotidiennement des jeunes allumés et impliqués, et même parmi eux, la jeune femme sortait du lot. « C’était vraiment une très grande jeune femme. Je vous jure que la perte est immense pour nous. »

« On peut difficilement imaginer qu’elle se soit mise en danger elle-même. Et c’est l’ironie : tu traverses la Colombie, les Balkans, et ça survient au Canada, lâche Jean-François Dufresne. C’est ce que beaucoup de gens ont de la difficulté à comprendre. »

« Honteux »

L’un des amis de Daphné, lui, le comprend trop bien. Pascal-Olivier Dumas-Dubreuil a traversé le Canada comme s’apprêtait à le faire Daphné. Et il a eu peur, très peur, même.

Moi, quand j’ai traversé le Canada, après deux jours, je craignais tellement pour ma vie que j’ai acheté un spaghetti de piscine et je l’ai mis sur le côté de mon vélo.

Pascal-Olivier Dumas-Dubreuil, ami de Daphné Toumbanakis

« Les camions passaient tellement près que c’était dur de retenir le guidon. On sent que le vélo est aspiré sous les roues », raconte-t-il.

De nombreux cyclistes font la traversée du pays chaque année, remarque Dumas-Dubreuil. Pourtant, ils doivent souvent rouler sur des routes dangereuses, faute de solutions de rechange. Selon lui, les autorités ont un rôle à jouer pour rendre les routes plus sécuritaires.

« C’est un peu honteux que ce soit au Canada qu’elle ait perdu la vie », lâche-t-il.

Depuis l’accident, les témoignages à la mémoire de Daphné se sont multipliés sur les réseaux sociaux. « C’est incroyable. Je tombe en bas de ma chaise », dit sa mère émue par les nombreuses marques d’affection. « Elle vivait la vie intensément. Elle a laissé sa marque un peu partout, beaucoup plus que je pouvais me l’imaginer. »

Elle-même cycliste, elle souhaite que les mentalités évoluent, que les élus en fassent davantage pour assurer la sécurité des cyclistes et que certains automobilistes « enragés » changent leurs comportements.

Quand elle a appris la mort de sa fille mardi au petit matin, elle a eu un accès de rage contre ce sport qui peut être à la fois si beau et si effrayant, dans lequel on met sa vie entre les mains d’automobilistes.

« J’avais envie de lancer mon vélo de mon balcon, raconte Mme Bélanger. Je vais sûrement remonter dessus. Mais ça ne sera plus jamais pareil. »