L’industrie touristique des Laurentides découvre avec soulagement que les Québécois ne vont pas seulement en Gaspésie et dans Charlevoix, ils envahissent aussi les Laurentides, qui sont depuis longtemps le terrain de jeu des Montréalais.

La saison estivale qui s’annonçait morose avec l’annulation de tous les grands évènements prend des allures de conte de fées, surtout à Mont-Tremblant.

Le maire Luc Brisebois jubile : « Les gens ont un engouement spécial pour notre région à cause du confinement : les hôtels, les chalets, les condos, on reçoit des milliers d’appels ! Ils veulent sortir et prendre de l’air. Les agents immobiliers n’ont même pas de maisons. Il y en a qui veulent acheter, d’autres qui louent carrément pour un an. »

Mont-Tremblant, qui englobe Saint-Jovite, le vieux village et la station de ski, a délivré l’équivalent de près de 80 millions de dollars en permis de construction depuis le début de l’année, comparativement à 57 millions, à pareille date, en 2019. « Puis, l’an passé, c’était l’année record de Mont-Tremblant », souligne le maire Brisebois.

Des affaires d’or… depuis mars

Il faut aussi rappeler que les Laurentides n’ont pas eu à attendre la réouverture de l’économie et le retour de l’été pour faire vivre leur industrie touristique. Dès l’éclatement de la pandémie, un grand nombre de villégiateurs ont abandonné leur résidence urbaine pour se confiner dans leurs condos et leurs chalets. Et c’est ainsi que plusieurs commerces des Laurentides ont fait des affaires d’or depuis le mois de mars.

Pour relancer l’économie, Mont-Tremblant a injecté 150 000 $ dans la construction de 20 terrasses en bois dans la rue, devant les commerces, pour animer le centre-ville et le vieux village et permettre aux restaurateurs d’accueillir autant de clients que d’habitude malgré les mesures de distanciation. De nombreux règlements ont été assouplis pour faciliter les choses. Les permis de terrasse, par exemple, qui prennent un temps fou à obtenir en temps normal, ont été délivrés en deux jours grâce à une entente entre Mont-Tremblant et Québec.

D’autres terrasses seront construites prochainement au pied de la montagne, promet le maire.

Nous autres, on n’est vraiment pas touchés par la COVID-19. De façon générale, ça va très bien. Les gens sont très respectueux des consignes.

Luc Brisebois, maire de Mont-Tremblant

« C’est sûr qu’on a des gens qui viennent de l’extérieur, mais on fait des rappels. On invite les commerçants, les restaurateurs et les visiteurs à respecter les mesures sanitaires parce que nous autres, on ne veut pas revivre une deuxième vague », ajoute le maire.

En visite pour la première fois

Les Laurentides sont la troisième région touristique en importance au Québec. Mais les deux premières, Montréal et Québec, risquent fort d’être détrônées cette année à cause de la pandémie.

Dans les Laurentides, le pôle d’attraction numéro 1, c’est Mont-Tremblant. Il y vient plus de 3 millions de visiteurs par année, une moitié en été, l’autre en hiver. De ce nombre, 60 % proviennent du Québec, 20 % de l’Ontario et le reste de l’étranger, que ce soit des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Asie ou de l’Amérique du Sud. Cela en fait la troisième destination internationale du Québec.

Les touristes étrangers sont absents cette année, c’est logique, mais les Québécois sont plus nombreux que jamais. Et phénomène intéressant, beaucoup viennent pour la première fois.

« Malgré le fait qu’on a perdu de gros évènements, comme l’Ironman, on réalise qu’il y a beaucoup de Québécois qui profitent de la situation pour venir nous visiter pour la première fois. Donc, des gens qui étaient habitués à aller dans le Maine ou en Europe ou ailleurs », explique Daniel Blier, directeur général de Tourisme Mont-Tremblant.

Dans notre secteur, le tourisme va très bien. Mais, il y a deux mois, vous m’auriez posé la question, nos membres étaient très anxieux.

Daniel Blier, directeur général de Tourisme Mont-Tremblant

Une journée à la plage

À Sainte-Agathe, le maire se réjouit de voir que la COVID-19 n’a pas gâché la saison touristique. « Ça se passe bien, dit Denis Chalifoux. Nous, à Sainte-Agathe, on a des touristes, mais on a plutôt des villégiateurs et des gens qui viennent passer la journée à la plage ou faire un tour en ville et qui, après, retournent à la maison. On n’est pas Mont-Tremblant. »

La ville permet aussi aux restaurateurs de prendre leurs aises sur le trottoir et dans la rue, en disposant des tables et des chaises.

Deux des trois plages publiques sont réservées aux résidants. Mais la plus grosse, la plage Major, est ouverte à tout le monde. Sa capacité a été réduite à 1200 personnes, coronavirus oblige. Et des agents de sécurité ont été engagés pour veiller à ce que les mesures de distanciation soient respectées.

Inquiétudes à Val-David

À Val-David, village de 5000 habitants, les touristes sont aussi de retour, mais la saison ne s’annonce pas aussi bonne que l’an dernier. Cela s’explique entre autres par l’absence des grands évènements, comme 1001 pots, une exposition de céramique très courue, et la transformation du marché public qui a rayé de sa programmation les dégustations et autres activités touristiques.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

À Val-David, on note une diminution du nombre de touristes cette année, notamment en raison de l’absence de grands évènements.

« Une des grosses attractions du village, c’est le parc régional, dit la mairesse Kathy Poulin. Donc l’ouverture s’est faite de façon graduelle, autant pour nous permettre de nous adapter que pour donner le ton. On ne voulait pas être pris d’assaut par les touristes. Le message a passé. »

Résultat : il y a moins de monde dans le village et dans les commerces, ce qui suscite des inquiétudes chez les commerçants.

« Il y a aussi le fait que ce n’est pas le même genre de touristes. Les touristes de l’extérieur du Québec, dont le budget est plus grand, ne sont pas présents », rappelle la mairesse.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Ambiance dans la rue Principale à Saint-Sauveur au début du mois

Qui dit touristes dit COVID-19

Si l’arrivée des touristes est une excellente nouvelle pour les Laurentides, la région doit maintenant composer avec les risques de contamination.

L’augmentation soudaine du nombre de cas à l’hôpital de Saint-Jérôme illustre ce défi parce que c’est dans cet établissement que sont envoyées les personnes infectées au coronavirus dans la région. Aux dernières nouvelles, on dénombrait 173 cas chez le personnel et les patients depuis le début de l’éclosion, en juin.

Cependant, on ne sent pas de panique ou de méfiance des étrangers chez les élus et les responsables touristiques qui se préparent sereinement à la ruée des touristes.

« On dit juste aux gens : “Vous venez chez nous ? Vous êtes les bienvenus, mais faites exactement ce que vous faites chez vous, et soyez responsables”, lance Denis Chalifoux, maire de Sainte-Agathe. On ne vit pas sur la planète Mars dans les Laurentides ! »

Le masque, « la meilleure des choses »

M. Chalifoux espère que le gouvernement ira de l’avant avec l’imposition du port du masque dans les lieux publics intérieurs partout au Québec. « C’est la meilleure des choses, dit-il. Ça a à faire avec notre sens des responsabilités. On se protège soi, on protège le voisin aussi. Je pense que ça devrait être obligatoire. Si on ne veut pas retomber en pause, il faut être responsable. »

En attendant, les commerçants ont mis en place les mesures exigées par la Santé publique pour être en mesure d’accueillir les visiteurs. Et la ville a embauché la société Garda pour patrouiller sur la plage Major, accessible au public.

L’enjeu majeur, c’est le contrôle de l’alcool. Vous comprendrez que quand on a consommé un petit peu, on a tendance à plus se coller. C’est partout, pas juste à Sainte-Agathe.

Denis Chalifoux, maire de Sainte-Agathe

Cela dit, Sainte-Agathe ne veut pas jouer à la police.

« Quand les gens ont consommé un petit peu, même si nos sauveteurs ou nos préposés aux plages ou les agents de Garda les avisent qu’ils commencent à se tasser un peu trop, ils se font envoyer promener, des fois. Donc, on ne s’obstine pas avec eux autres », précise le maire Chalifoux.

À Val-David, ce problème n’existe pas parce que le village n’a pas de plage publique. Mais le respect des consignes doit tout de même être souvent rappelé. « C’est certain que, comme partout ailleurs, on observe un relâchement chez certaines personnes et il faut continuer de passer le message, dit la mairesse Kathy Poulin. C’est dommage, car il y a une minorité qui n’observe pas les mesures. »

Mme Poulin est aussi pleinement favorable à l’imposition du port du masque dans les lieux publics intérieurs sur l’ensemble du territoire québécois.

« Ça va faciliter la situation parce qu’en ce moment, il y a de l’ambiguïté, observe-t-elle. Il y a des commerçants qui se font demander de l’imposer, mais c’est très complexe, car ça demande des ressources supplémentaires. Alors, c’est une excellente décision d’avoir enfin une position claire. Quant à la façon dont ça va être appliqué et respecté, ça reste à voir. »

Le maire de Mont-Tremblant, Luc Brisebois, a même songé à imposer le port du masque dans les lieux publics intérieurs de sa municipalité, comme l’a fait Valérie Plante. Il s’est toutefois ravisé en apprenant que cela prenait l’approbation régionale de la Santé publique. « Dans toutes choses, quand on met un règlement en vigueur, il faut avoir les effectifs pour le faire respecter », dit-il.

De la broue dans le toupet

De son côté, le directeur de Tourisme Mont-Tremblant, Daniel Blier, applaudit à la mise sur pied par le gouvernement du Québec d’une escouade de 1000 agents qui aura pour but d’informer et de sensibiliser les gens sur les règles sanitaires.

« Ça va nous aider parce que la plupart des gens qui ont des activités ont déjà, en bon québécois, de la broue dans le toupet avec la mise en place des mesures. »

Il y a aussi un manque de personnel à Mont-Tremblant, principalement dans les restaurants.

Daniel Blier, directeur de Tourisme Mont-Tremblant

Lui aussi voit d’un très bon œil l’adoption d’une directive gouvernementale pour rendre le port du couvre-visage obligatoire dans les lieux publics intérieurs. « À partir du moment où la règle est la même pour tout le monde, c’est plus facile, estime-t-il. Encore une fois, c’est une mesure qui va nous permettre de sortir de cette situation-là le plus tôt possible. Alors, on ne peut pas être contre. »

En ce qui concerne la fermeture des bars à 1 h du matin, par contre, il est moins enthousiaste.

« C’est malheureux parce qu’on est une destination de villégiature. Les gens viennent ici pour profiter de l’été. Pour quelques cas isolés qui ont fait la manchette, c’est tout le monde qui paye. Mais, en même temps, il vaut mieux le faire plus tôt que trop tard parce que notre industrie est tellement fragile. On a passé une période très difficile pendant trois mois et demi. Si on devait revenir en arrière, je pense que ce serait catastrophique. »