Après avoir annoncé par erreur que la liaison saisonnière avec les Îles-de-la-Madeleine serait « suspendue indéfiniment » après le 7 septembre, Air Canada a confirmé qu’elle serait maintenue, mais seulement pendant l’été. Les transporteurs régionaux et le maire de la région se disent inquiets.

Ne comptez pas sur Nolinor pour prendre la place d’Air Canada dans les aéroports régionaux. « C’est un pattern qui se répète », déplore son président, Marco Prud’Homme. Pascan Aviation, elle, est tout à fait disposée à le faire. Mais les deux s’entendent sur un point : une aide gouvernementale à Air Canada rendrait la tâche difficile.

« Ce n’est pas la première fois, rappelle M. Prud’Homme. Chaque fois, Air Canada menace de quitter les régions. Chaque fois, le gouvernement lui vient en aide. […] On ne peut pas blâmer Air Canada, ça marche. »

Il y a quelques années à peine, Nolinor a été impliquée dans un projet de nouveau transporteur aérien régional.

« On s’est brûlés plusieurs fois, note son président. Au début, quand j’étais plus jeune, Gaspé ou les Îles-de-la-Madeleine appelaient, et je n’en dormais plus la nuit, je me mettais à penser à la façon de trouver des avions, etc. Puis, du jour au lendemain, le gouvernement faisait une entente avec Air Canada, et tout le monde nous oubliait. »

Selon lui, si Air Canada devait décider de reprendre du service avec l’aide des gouvernements, il deviendrait rapidement impossible pour un autre transporteur de rivaliser. « Tu vas concurrencer Air Canada comment ? Ils ont les liaisons, Aéroplan… »

Yani Gagnon, vice-président et chef de la direction financière chez Pascan Aviation, est moins pessimiste. Son entreprise a l’intention de discuter avec chacune des régions pour voir comment elle pourrait augmenter son offre.

« C’est notre métier, ça fait 20 ans qu’on couvre le territoire », rappelle-t-il.

Surtout, il ne « voit pas comment le fédéral pourrait justifier de donner l’argent à Air Canada ou de lui en prêter pour concurrencer de petits joueurs dans le marché régional ».

Typiquement, voler de Gaspé à Paris coûtait moins cher en achetant auprès d’Air Canada un billet avec correspondance à Montréal que de faire appel à deux transporteurs pour les vols Gaspé-Montréal et Montréal-Paris. M. Gagnon ne croit pas que ce sera encore le cas quand Air Canada reviendra, le cas échéant.

Au fil des années le « Goliath » Air Canada a souvent fléchi les genoux dans le marché régional, avant d’être relevé par une aide gouvernementale, explique M. Gagnon. « Si ça se passe encore, et que le gouvernement lui vient en aide, on va monter aux barricades. Ce n’est pas ça, une solution gagnante pour tout le monde. »

Trudeau « déçu »

Appelé à réagir pour la première fois vendredi à l’annonce de la réduction de desserte d’Air Canada, Justin Trudeau n’a suggéré aucune solution pour renverser la vapeur, se contentant d’« espérer » qu’Air Canada reprendra ses liaisons.

« On sait qu’Air Canada profite des liens les plus profitables au pays, mais on s’attend aussi à ce qu’ils desservent des personnes qui vivent dans des régions plus éloignées. C’est donc quelque chose qu’on espère, qu’ils vont pouvoir remettre à desservir ces régions-là au fur et à mesure que l’économie commence à reprendre », a-t-il affirmé.

Questionné sur la possibilité d’appuyer une solution aérienne québécoise, le premier ministre n’a pas semblé prêt à explorer cette idée. « C’est important que les Canadiens qui vivent dans toutes les différentes régions soient desservis par les compagnies aériennes. Ce qui frappe au Québec frappe aussi dans les Maritimes ; c’est donc quelque chose qu’on regarde avec Air Canada. On espère qu’ils vont pouvoir reprendre le service bientôt », a-t-il répondu.

Les Îles en été seulement

La Presse a annoncé vendredi matin que la liaison saisonnière avec les Îles-de-la-Madeleine, qui permet notamment aux touristes de s’y rendre l’été, serait « suspendue indéfiniment » après le 7 septembre. Or, cette information confirmée par Air Canada était une erreur, selon Pascale Déry, porte-parole de l’entreprise. « C’est un service saisonnier qui revient », affirme-t-elle. Par contre, la liaison ne sera maintenue que trois mois par année, pendant l’été.

Joint vendredi, le maire des Îles-de-la-Madeleine ne s’est pas réjoui de ce développement. Il estime que l’incertitude quant à la présence d’Air Canada en région nuira au tourisme et à l’économie.

Qui va réserver un billet d’avion pour l’été prochain ? Qui va croire Air Canada ? S’ils viennent, tant mieux. Mais il faudra trouver une solution durable.

Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec, a sonné l’alarme en point de presse, vendredi matin à Montréal. Il ne faut pas attendre l’automne avant de s’asseoir autour d’une table pour trouver des solutions, a-t-elle martelé. C’est important de le faire le plus rapidement possible pour la période touristique, et aussi parce que les régions devraient « avoir un minimum de services garantis ». Le développement de nos régions est fondamental et passe par l’accès et la mobilité, a-t-elle ajouté.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

Mme Anglade a aussi souligné qu’elle ne croyait pas que c’était au gouvernement fédéral de régler ce problème. « Le gouvernement du Québec doit exercer son leadership », a lancé la cheffe de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale.

— Avec Gabriel Béland, Louis-Samuel Perron et Véronique Lauzon, La Presse