(Saguenay) Ils sont jeunes, motivés et courageux. Une soixantaine de pompiers forestiers de l’Alberta sont arrivés à Saguenay mardi pour aider le Québec à combattre ses pires incendies de forêt en 10 ans.

Matthew McDonald était à la maison à Lac La Biche samedi lorsqu’il a reçu un appel. « Ils m’ont dit : ‟Fais tes valises, tu pars au Québec lundi matin.” On peut dire non. Mais quand on reçoit un appel comme ça, on veut vraiment aider », a expliqué l’homme bâti comme une armoire à glace.

Les Albertains ont atterri mardi à l’aéroport de Bagotville. Ils pourraient être au front dès mercredi. Ils viendront prêter main-forte à des pompiers québécois et ontariens. Tous tentent d’éteindre le plus important incendie de forêt en activité au Québec, qui brûle toujours à environ 120 km au nord de Saguenay.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Les pompiers de l’Alberta qui viennent prêter main-forte aux pompiers québécois et ontariens ont atterri mardi à l’aéroport de Bagotville.

« On ne sait rien du feu », admet candidement la pompière Sarah Julene, 24 ans. « On sait qu’il est gros et que vous avez besoin d’aide. On ira où on peut aider. »

Mais les nouvelles sont encourageantes ici. Mardi, l’incendie du secteur de Chute-des-Passes est passé de non maîtrisé à contenu. La Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a aussi réévalué la superficie du brasier à la baisse : il ne couvrirait plus les 72 000 hectares initiaux, mais plutôt 62 000 hectares de forêt.

« La pluie lundi et mardi nous a aidés à baisser l’intensité du feu. La progression du feu est arrêtée », explique Josée Poitras, porte-parole de la SOPFEU. L’organisme estime néanmoins qu’il faudra des semaines, sinon plus de deux mois, pour venir à bout du brasier. Et tout peut changer du jour au lendemain.

Cet incendie est le plus important depuis celui du lac Smoky, en Mauricie, qui avait engouffré 103 000 hectares de forêt en 2010. « Actuellement, en 2020, on vit une situation qu’on n’a pas vue depuis les 10 dernières années », selon le directeur général de la SOPFEU, Éric Rousseau.

Un immense territoire vide

La Presse a survolé mardi l’immense territoire entre Saguenay et le brasier. Québec a décrété un périmètre de sécurité de plus de 5000 km2, une sorte de zone interdite protégée par des barrages de la Sûreté du Québec.

Les routes forestières sont vides. Il n’y a aucun signe de vie autour des chalets, aucune voiture garée. Les lacs et les rivières défilent avec, au loin, des colonnes de fumée qui s’approchent.

Soudainement, le cockpit du Cessna s’emplit d’une odeur d’épinette. Nous sommes à plus de 5000 pieds dans les airs. En dessous, non loin, la forêt brûle.

La centrale de la Péribonka tient bon, comme une sentinelle. Les autorités craignaient de la voir engloutie par le feu. Des colonnes de fumée s’élèvent à proximité. Mais des arbres ont été coupés pour la protéger, sur une longue bande qui ressemble du haut des airs à une tranchée.

Au sol, les pompiers forestiers ont pu travailler mardi pendant la journée entière. Les 10 millimètres de pluie tombés dans le secteur les ont aidés. D’autres averses pourraient aussi s’abattre sur le secteur d’ici mercredi matin.

Vendredi, ils seront 200 pompiers sur le terrain à combattre les flammes, dont 60 de l’Alberta et 40 de l’Ontario.

« Ce ne sont pas les bombardiers à eau qui éteignent les feux, c’est les gens sur le terrain », explique Réjean Gagnon, professeur retraité à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et ancien directeur du Consortium de recherche sur la forêt boréale commerciale.

« Les bombardiers le maîtrisent, le contiennent. Mais les pompiers sur le terrain vont éteindre dès que le feu a diminué d’intensité. »

Un printemps chaud et sec

Qu’est-ce qui explique que les incendies de forêt soient particulièrement ardents cette année dans la province ? « Ce qui est particulier, c’est qu’on a un printemps sec, avec peu d’humidité dans l’air. Ça fait des feux chauds, répond M. Gagnon. Les combustibles sont secs et ça dégage énormément de chaleur. Ces feux sont difficiles à arrêter. »

Ce qui est sûr, c’est que l’incendie aura d’importantes conséquences sur l’industrie forestière locale, sur les villégiateurs, mais aussi sur les Innus qui fréquentent ces forêts. L’incendie sévit sur leur territoire traditionnel.

Il y a des sites de campement qui ont été rasés par le feu, il y a des endroits où il y avait des sépultures et il y a certainement des impacts.

Charles-Édouard Verreault, vice-chef de la communauté innue de Mashteuiatsh

« Il va y avoir aussi déplacement de la faune. Et une fois que le feu aura passé, ça va être les coupes forestières pour récolter le bois brûlé. On s’attend à ça pour les prochaines années. »

Lui-même a un oncle qui a un camp de chasse dans la zone interdite. L’homme a dû rentrer dans la communauté pour échapper au brasier. « Le feu était à 1 ou 2 km de son camp, explique M. Verreault. On n’a aucune idée de ce qui va en advenir. »