Des groupes de défense des minorités visibles saluent la création d’un poste de commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination à la Ville de Montréal. Parallèlement, l’annonce par le premier ministre François Legault de la création d’un groupe d’action contre le racisme a surtout provoqué du scepticisme.

« La mairesse Plante a reconnu qu’il y avait du racisme systémique, mais il faut plus qu’une reconnaissance, il faut des changements concrets, visibles, explique Max Stanley Bazin, porte-parole de la Ligue des Noirs. On ne veut pas qu’il y ait un commissaire, et que rien ne se passe au bout du compte. »

L’annonce lundi par le premier ministre François Legault de la création d’un groupe d’action contre le racisme a été critiquée par des groupes de défense, qui ont rappelé qu’elle arrive environ un an après l’adoption sous le bâillon de la controversée Loi sur la laïcité de l’État.

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Le 14 juin avait lieu une manifestation contre la loi 21 devant les bureaux du premier ministre

« La loi 21 est discriminatoire et provoque à ce jour de la détresse chez des Québécois qui font partie des minorités visibles, donc le gouvernement ne peut pas aujourd’hui venir nous dire qu’il est préoccupé par le sort des minorités, dit Stephen Brown, membre du conseil d’administration du Conseil national des musulmans canadiens (CNMC). J’ai l’impression que M. Legault agit surtout parce que le sujet est dans l’actualité. »

M. Brown s’explique mal que le premier ministre continue à nier la présence de racisme systémique malgré de nombreux rapports qui ont conclu à son existence au fil des ans.

« Un raciste systémique, c’est un racisme qui existe de façon plus ou moins régulière à l’intérieur de certains systèmes, comme dans la police avec le profilage racial, comme dans l’embauche, l’accès au logement. Si on n’est pas capable de nommer le racisme systémique, ça m’étonnerait qu’on soit capable de le résoudre. Il faut reconnaître le problème avant de pouvoir le régler. »

Lundi, Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, a appelé le gouvernement Legault à proposer rapidement aux Premières Nations des solutions plutôt que de tenir une nouvelle consultation.

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Ghislain Picard

Proposer une autre consultation m’apparaît pour le moins superflu et pourrait bien être considéré comme inacceptable par une bonne partie de la population des Premières Nations, déjà trop souvent consultée et toujours en attente de mesures concrètes.

Ghislain Picard dans un communiqué

Philippe Meilleur, directeur général de l’organisme Montréal autochtone, croit quant à lui que le gouvernement agit maintenant « car il a peur d’avoir des manifestations violentes comme aux États-Unis ».

M. Meilleur note que les gouvernements sont au courant du problème du racisme envers les autochtones depuis longtemps. Il cite la commission royale en 1990, la Commission de vérité et de réconciliation en 2014, la commission sur les femmes assassinées et disparues et la commission Viens sur le racisme systémique envers les autochtones du Québec.

« Après toutes ces commissions, je n’ai jamais vu de changement, dit-il. On parle ici des témoignages de milliers d’autochtones. Par la suite, pour des raisons partisanes, c’est tabletté. Les rapports existent. Il faut talonner les élus de Québec et de Montréal sur pourquoi ils ne les ont pas déjà mis en application. »

En refusant de reconnaître la présence de racisme systémique dans la société, le gouvernement Legault « joue sur les mots », croit quant à elle Alexandra Pierre, présidente de la Ligue des droits et libertés (LDL).

Dans sa non-volonté à nommer les choses, c’est difficile de voir comment le gouvernement Legault pourrait arriver avec des solutions qui sont les bonnes, mais laissons la chance au coureur.

Alexandra Pierre, présidente de la Ligue des droits et libertés (LDL)

Le bien-être des communautés visibles ne doit pas être vu comme un enjeu marginal : il concerne la vie de centaines de milliers de Québécois, rappelle-t-elle.

« Ça touche une large partie de la population. Le gouvernement a une obligation de résultat, une obligation d’agir. »

Pour Max Stanley Bazin, la question est de savoir de quels pouvoirs jouiront les membres du groupe d’action mis sur pied par Québec ainsi que le commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination.

« Est-ce qu’ils vont avoir le pouvoir de sanctionner ? Est-ce que ce sera seulement des sanctions bonbon ? Il faut que ça soit significatif et exemplaire pour dissuader les gens de faire ce qu’ils faisaient avant », dit-il.