En toute discrétion, la GRC a ajouté depuis le 1er mai des dizaines de modèles d’armes à feu à sa liste de 1500 armes « de type militaire » qui sont désormais prohibées au Canada. Les propriétaires déplorent de n’avoir aucune façon de savoir s’ils se retrouvent subitement dans l’illégalité s’ils les utilisent.

« Le caractère imprécis du règlement a pour effet de mettre d’honnêtes citoyens dans une situation d’infraction criminelle malgré eux. Ils sont susceptibles d’être poursuivis devant les tribunaux », affirme l’avocat Guy Lavergne, qui représente la National Firearms Association, un groupe de pression proarmes.

Le 1er mai dernier, le gouvernement Trudeau a interdit par décret 1500 armes « de conception tactique ou militaire » qui « ne conviennent pas à une utilisation civile », selon le gouvernement. La liste exhaustive a été publiée dans la Gazette du Canada. Or, la GRC a depuis ajouté près de 400 armes à feu à la liste, mais a attendu plus de trois semaines avant de mettre à jour le Tableau de référence des armes à feu (TRAF) , le document officiel qui en fait la nomenclature.

Les armes ajoutées ont apparemment été mises au ban parce qu’elles ont l’apparence de fusils « tactiques » de type AR-15. Des variantes n’ayant pas l’apparence d’armes de guerre, mais qui utilisent la même mécanique et qui ont la même cadence de tir, sont toujours autorisées sans permis spécial.

« Même les commerçants comme moi n’ont aucune façon de savoir facilement quelle arme est permise, quelle arme ne l’est pas », dit Daniel Blanchette, propriétaire de la boutique Dan Chasse, un des plus importants détaillants d’armes à feu de la province.

Parmi les armes nouvellement interdites se trouvent des carabines Mossberg de très petit calibre (.22 LR), utilisées essentiellement pour le tir d’entraînement ou la chasse au petit gibier.

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La version « tactique » de la carabine Mossberg 702 Plinkster de calibre .22 (sur la photo) a été discrètement ajoutée par la GRC à la liste des armes prohibées en mai, mais sa version classique, qui partage la même mécanique et la même cadence de tir semi-automatique, demeure non restreinte.

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La version classique de la carabine Mossberg 702 Plinkster de calibre .22

Des fusils de chasse semi-automatiques de calibre 12 qui ont une apparence « tactique » ont aussi été ajoutés sans avertissement à la liste des armes interdites d’utilisation.

Les armes tombent prohibées d’un coup sec sans que personne nous avertisse.

Daniel Blanchette, propriétaire de la boutique Dan Chasse

« Ce n’est qu’au moment de conclure la transaction avec l’acheteur qu’on le sait, parce que le système d’enregistrement ne nous autorise pas à faire le transfert. Quand ça bogue, on comprend alors que l’arme vient d’être prohibée », explique M. Blanchette.

Critères flous

La recherche d’une arme spécifique par mot-clé dans le TRAF peut par ailleurs nécessiter 15 minutes de recherche à un ordinateur récent, a constaté La Presse. Dans le cas des nouvelles armes prohibées, les critères utilisés pour les bannir ne sont pas clairement spécifiés dans le document.

« Ces armes ont été identifiées en raison de leur conception moderne, de leur capacité de décharge rapide et soutenue et de leur grande disponibilité au Canada », précise Loïc Paré, porte-parole du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Bill Blair.

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Bill Blair, ministre de la Sécurité publique

Elles sont notamment munies d’une poignée de type pistolet, d’une crosse ajustable, d’un frein de bouche et d’un rail pour ajouter des équipements de visées, qui rendent leur conception plus dangereuse aux yeux du gouvernement.

Le cabinet du ministre Blair dit qu’il « envisage des options » pour créer une liste qui sera constamment renouvelée « afin d’assurer la clarté pour le public, les forces de l’ordre et les fabricants ». « Nous aurons des informations supplémentaires à partager sur cette pièce en temps voulu », indique M. Paré.

D’ici là, Daniel Blanchette craint de vendre des dizaines d’armes illégalement sans le savoir à des chasseurs qui ne veulent que se conformer aux lois. « J’ai un paquet de clients qui vont devenir des criminels du jour au lendemain, tout ça pour permettre au gouvernement Trudeau de se faire du capital politique, dit-il. Au bout du compte, ça ne va pas empêcher les criminels de se procurer des armes sur le marché noir », croit le commerçant.