Le premier d’une série de vols nolisés transportant des travailleurs agricoles étrangers s’est posé à Montréal samedi matin. La pandémie de la COVID-19 complique toutefois leur venue. À l’heure actuelle, une fraction des ouvriers guatémaltèques et mexicains espérés par les agriculteurs québécois possède les documents nécessaires pour entrer au pays.

Ce premier avion, en provenance de la ville de Mexico, a atterri vers 10 h 05 samedi matin sur le tarmac de l’aéroport Montréal-Trudeau avec 165 travailleurs temporaires à bord.

Si tout se passe comme prévu, neuf autres vols seront affrétés au cours des sept prochains jours en provenance du Mexique et du Guatemala. Et trois vols de plus sont prévus la semaine suivante.

À bord d’autocars, les ouvriers agricoles ont ensuite pris le chemin vers les différentes entreprises où ils ont été embauchés. Ils devront respecter une période d’isolement de 14 jours avant de pouvoir travailler dans des fermes.

C’est un début. Maintenant, c’est la quarantaine qui commence. C’est une autre étape qui ne sera pas facile, ni pour les employeurs ni pour les travailleurs. Et on ne sait pas combien de travailleurs pourront venir.

Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles du Québec, qui représente les 42 000 agriculteurs de la province.

S’ils violaient leur quarantaine, ce sont les travailleurs et non les employeurs qui pourraient écoper d’une amende pouvant atteindre 750 000 $.

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Les travailleurs agricoles étrangers ne seront pas officiellement testés pour la COVID-19. Ottawa impose aux entreprises agricoles d’offrir l’espace nécessaire dans leurs bâtiments d’hébergement pour permettre une distanciation sociale de deux mètres en tout temps.

Pénurie de main-d’œuvre en vue ?

Les agriculteurs québécois comptent généralement sur l’aide de 16 000 travailleurs saisonniers chaque année.

Selon les estimations de la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d’œuvre agricole Étrangère, mieux connue sous l’acronyme FERME, seulement 2450 travailleurs ont obtenu jusqu’à présent leur visa pour voyager au Canada en raison des ralentissements bureaucratiques au Mexique, où sont traitées toutes les demandes de visa, y compris celles du Guatemala.

En revanche, environ 3500 d’entre eux sont déjà dans la province. Il y a donc, pour l’instant, un manque à gagner de 10 000 travailleurs.

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Des travailleurs agricoles installent des filets protecteurs dans un champ de la Montérégie, en juin 2019.

« On est optimiste, mais c’est sûr qu’il va y avoir une baisse », explique le directeur général de FERME, Fernando Borja.

Ce dernier explique que le ministère mexicain du Travail, chargé d’acheminer la documentation des travailleurs à l’ambassade canadienne, est fermé en raison de la pandémie. Impossible, pour le moment, pour d’autres travailleurs de s’ajouter à la liste.

La plantation des premiers semis devrait débuter dans moins de deux semaines pour certains cultivars. « Plus les jours avancent, plus difficile ça va être », souligne M. Borja.

Ne sachant pas le nombre d’employés qu’ils auront au moment des récoltes, certains agriculteurs pourraient choisir de réduire leurs surfaces de culture ou même de ne rien planter. « C’est sûr qu’il y a des employeurs qui maintenant doivent prendre des décisions difficiles : est-ce qu’ils vont mettre beaucoup d’argent ou non dans ce qu’ils vont mettre en terre », affirme M. Borja.

Pas testés

Fernando Borja assure qu’il y aura un contrôle des symptômes des travailleurs avant de monter à bord des avions, puis une fois arrivés au Québec.

FERME a embauché un médecin au Guatemala qui sera responsable de mener des examens médicaux avant le départ pour s’assurer que les travailleurs ne présentent pas de symptômes.

Au Mexique, le ministère mexicain de la Santé va rencontrer les travailleurs à l’aéroport. Les travailleurs signeront un document pour indiquer qu’ils ont bien compris les règlements.

Si des symptômes se déclaraient durant le vol ou à l’arrivée, les travailleurs seront isolés à l’hôtel.

Les travailleurs étrangers temporaires ont été exemptés de l’interdiction d’entrer au Canada décrétée par le gouvernement de Justin Trudeau afin de limiter la propagation de la COVID-19.

Ottawa a mis en place un protocole sanitaire pour encadrer la venue des travailleurs, ainsi que des compensations financières pour prendre en charge une grande part de leur salaire pendant l’isolement.

Par contre, aucune mesure n’a été mise en place pour dissuader les employeurs à avoir recours à leur main-d’œuvre avant la fin de la quarantaine.

« Nous étudions également des options pour imposer des pénalités à des employeurs de ressortissants étrangers en vertu d’autres régimes de réglementation, comme le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, puisque nous nous soucions grandement de la santé des Canadiens », peut-on cependant lire dans une lettre écrite par les ministres du cabinet Trudeau destinée aux employeurs des travailleurs étrangers temporaires datée du 1er avril.

Sujets à la Loi sur la quarantaine

À Ottawa, le chef bloquiste Yves-François Blanchet s'est inquiété du fait que ces travailleurs n'aient pas, selon lui, subi de test de dépistage avant de décoller. Il s'est demandé comment on s'assurerait que les risques de propagation soient contenus.

« Il est essentiel, pour le sentiment de sécurité, et pour le meilleur intérêt des exploitations agricoles qui ne peuvent pas s'exposer au risque, que le gouvernement fédéral assume ce qui est sa responsabilité : que lorsque les services douaniers canadiens libèrent les travailleurs étrangers, ils soient exempts de tout risque de propagation de la COVID-19 », a-t-il dit en conférence de presse à Ottawa.

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Le chef bloquiste Yves-François Blanchet

En réponse à cette préoccupation, la vice-première ministre, Chrystia Freeland, a souligné « que tous les travailleurs temporaires doivent respecter la Loi sur la quarantaine, comme tous les gens qui arrivent au Canada de l’étranger », et que tous devaient donc être isolés.

« Hier [vendredi], la Gendarmerie royale du Canada a annoncé qu’elle allait travailler en étroite collaboration avec tous les corps policiers locaux, incluant la Sûreté du Québec, pour s’assurer du respect de la Loi sur la quarantaine », a-t-elle affirmé en conférence de presse.

À l'Agence des services frontaliers du Canada, on a signalé que « ces voyageurs sont traités selon des mesures de contrôle renforcées », que des agents supplémentaires étaient prévus pour ces arrivées, et qu'afin de les traiter « le plus efficacement possible, leurs permis de travail ont été imprimés au préalable ».