Ainsi donc, un an après qu’il eut été relevé provisoirement de ses fonctions avec traitement, on a appris mardi que le directeur général de la Sûreté du Québec (SQ), Martin Prud’homme, avait été blanchi de toute accusation criminelle. 

Un peu prise au dépourvu, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a lâché la bombe en répondant à une question de Paul Arcand, qui n’est pas passé à côté de l’occasion, ayant à portée de main une ministre qui, par surcroît, ne fait pas partie du club de la langue de bois. 

Selon nos informations, la décision de ne pas porter d’accusation contre M. Prud’homme a été rendue au début du mois, pratiquement un an jour pour jour après qu’il eut été relevé de ses fonctions, le 6 mars 2019. C’est la ministre Guilbault elle-même qui en avait fait l’annonce il y a un an. 

M. Prud’homme n’a pas voulu commenter ce développement dans son dossier. Il faut dire que le policier de 51 ans et ancien sous-ministre fait toujours l’objet d’une enquête administrative éthique et déontologique, comme le prévoient les règles du Secrétariat des emplois supérieurs du Québec. 

Plusieurs croient que s’il reçoit le moindre blâme, cela en sera fini de sa carrière à la tête de la SQ, et même d’un autre corps de police, si jamais l’occasion se présentait.

Toujours dans le noir ?

Des sources ont confié à La Presse que, durant la dernière année, Martin Prud’homme n’a jamais été rencontré ou contacté par les enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Ceux-ci enquêtent depuis un an et quatre mois sur les fuites médiatiques à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et sur l’enquête Projet A – menée par cette même UPAC pour découvrir les responsables des fuites de l’enquête Mâchurer, qui avait mené à l’arrestation du député Guy Ouellette en octobre 2017.

Car c’est dans le contexte de l’enquête du BEI sur les fuites à l’UPAC que Martin Prud’homme aurait été relevé de ses fonctions. On ne sait pas exactement encore aujourd’hui ce qu’on lui reprochait, mais il semble que cela n’aurait rien à voir avec des communications qu’il aurait eues avec son beau-père, l’ancien commissaire à l’UPAC, Robert Lafrenière, ou des demandes qu’il aurait refusées dans le cadre de l’enquête Projet A, comme le veulent certaines informations qui ont circulé depuis un an.

Mais il faudra bien un jour que l’on sache sur quoi les « allégations criminelles » dont a fait l’objet le directeur de la SQ étaient fondées et si le gouvernement avait assez de matière pour décider de le relever de ses fonctions manu militari.

C’est ce même gouvernement, par l’entremise du Secrétariat aux emplois supérieurs, qui décidera de la suite. Dans combien de temps la décision sera rendue, et quelle sera-t-elle ? Les ego et la partisanerie seront-ils mis de côté ?

Promiscuité décriée

Depuis le début de la crise des fuites qui a emporté avec elle Martin Prud’homme et son beau-père, ils ont été nombreux à décrier la promiscuité qui existe entre les membres d’un même groupe qui occupent des postes-clés dans les différents organismes de l’État, et la politique — ou le poids politique — qui entoure toutes ces nominations.

De même qu’il est parfois très difficile pour d’anciens policiers municipaux, que l’on surnomme les « bleus », de trouver un nouvel emploi une fois retraités dans des organismes dont les dirigeants sont d’anciens « verts », c’est-à-dire d’anciens policiers de la Sûreté du Québec (SQ).

À ce sujet, si les lecteurs et lectrices croient que depuis la crise des allégations dans les affaires internes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), les clans n’existent plus dans les différents corps de police ou seront appelés à disparaître, ils devront déchanter.

Mais cette petite parenthèse ouverte et aussitôt refermée n’a rien à voir avec les allégations criminelles à l’origine de la suspension du directeur général de la SQ.

États de service

Les personnes qui se pencheront maintenant le volet déontologique et sur l’éthique de Martin Prud’homme devront tenir compte de ses états de service.

C’est lui que Québec a envoyé à la tête du SPVM pour redresser le navire en perdition en décembre 2017, et son bref passage d’un an a été apprécié par les troupes.

Une fois à la tête du SPVM, il a amené avec lui Sylvain Caron, qui est toujours directeur du corps policier, et Johanne Beausoleil, actuellement directrice générale par intérim de la SQ.

Nommé directeur général de la SQ en 2014, Martin Prud’homme a dirigé les opérations des policiers provinciaux lors des inondations historiques du printemps 2017, alors que plus de 250 municipalités ont été touchées, plus de 5000 résidences inondées et plus de 4000 personnes évacuées.

Le niveau des Grands Lacs est élevé et déjà, les autorités au Québec suivent la situation de près. La semaine dernière, la ministre Guilbault a déclaré qu’en cas d’évacuations causées par les inondations, le gouvernement ne permettrait pas aux villes d’ouvrir des centres d’hébergement, en raison de la pandémie de la COVID-19. Inondations et COVID-19, un cocktail face auquel Martin Prud’homme pourrait être utile plutôt que d’être payé à ne rien faire à la maison.

Un cocktail qui devrait au moins pousser le Secrétariat des emplois supérieurs à statuer rapidement sur son cas. 

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.