(Ottawa) Justin Trudeau est bien conscient que les Canadiens sont impatients de voir la crise des blocages ferroviaires se régler, mais il soutient qu’il faut du temps pour respecter les traditions de la première nation Wet’suwet’en, en Colombie-Britannique.

S’adressant à des journalistes à Halifax, mardi matin, le premier ministre a reconnu que l’opposition de certains chefs héréditaires de Wet’suwet’en au passage du gazoduc Coastal GasLink avait occasionné des désagréments pour de nombreux Canadiens au cours des dernières semaines. Il a déclaré que son gouvernement s’était concentré sur la recherche d’une solution et que les tensions actuelles découlent de la sombre histoire du Canada en matière de mauvais traitements des peuples autochtones.

« Nous savons que des siècles de marginalisation, de politiques gouvernementales oppressives et (de promesses) rompues ont créé une situation intenable », a admis M. Trudeau.

Ce n’est pas un processus facile […] mais nous devons rester positifs, parce que la seule voie à suivre pour notre pays est que nous travaillions tous ensemble – et c’est là-dessus que nous continuerons à concentrer nos efforts.

Justin Trudeau

Les chefs héréditaires de Wet’suwet’en sont parvenus à une entente de principe au cours du week-end avec une ministre fédérale et un ministre provincial, mais les détails ne seront pas divulgués avant que le peuple Wet’suwet’en soit consulté, ce qui pourrait prendre jusqu’à deux semaines. M. Trudeau a indiqué mardi que son gouvernement respecte ce processus et ne discutera pas des détails de l’entente tant que les Wet’suwet’en « n’auront pas eu l’occasion de la partager et d’en discuter à l’interne ».

« La réconciliation, c’est d’abord et avant tout basé sur le respect et le partenariat. Et une partie de l’entente signée avec les chefs du Wet’suwet’en, ça a été qu’ils allaient pouvoir consulter leur communauté sur le contenu de cet accord avant d’en parler publiquement ou avant de le signer de façon finale, a-t-il dit. Nous respectons ce désir des Wet’suwet’en. C’est un enjeu qui les préoccupe de façon primordiale. Et on va leur permettre de faire leur travail dans le respect qu’ils méritent. »

Le premier ministre a toutefois éludé une question sur la façon dont cette entente pourrait influencer l’accomplissement du projet de gazoduc Coastal GasLink.

« Le projet ira de l’avant »

Toutes les parties ont clairement indiqué que l’entente de principe ne touche que les droits de propriété en général ; la question du gazoduc proprement dit reste en litige.

Le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, soutenait lundi que le projet de gazoduc irait de l’avant. « Ce projet est en cours. Il a été approuvé et ratifié. Il va être achevé », a martelé le chef du gouvernement néo-démocrate à l’Assemblée législative.

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Un point de contrôle était installé près du camp Unist'ot'en en Colombie-Britannique qui bloquait l'accès au projet Coastal GasLink.

M. Horgan a indiqué que l’entente de principe avec les chefs héréditaires de Wet’suwet’en était « tournée vers l’avenir » – elle traite de leur rôle dans les futures négociations sur les droits fonciers. « À aucun moment on n’a voulu convaincre les gens de changer d’avis. Nous avons eu une discussion franche. Il y avait désaccord. Le projet ira de l’avant. La dissidence est appropriée ; la dissidence illégale ne l’est pas », a soutenu M. Horgan en chambre.

M. Trudeau a rappelé mardi que les gouvernements fédéral et provincial avaient déjà travaillé avec la nation Wet’suwet’en sur des questions de droits, citant notamment un accord signé avec Ottawa en 2018 donnant à cette Première Nation pleine juridiction sur ses propres services à l’enfance et à la famille. « Nous comprenons qu’il s’agit d’une situation difficile pour tout le monde, mais nous devons rester attachés à la réconciliation, au respect et au partenariat qui doivent sous-tendre la voie à suivre. »

Pendant ce temps, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a commencé à rappeler la plupart des 450 travailleurs temporairement mis à pied le mois dernier au plus fort des barrages ferroviaires qui ont paralysé le réseau de l’entreprise dans l’est du pays.

Les barrages ont immobilisé plus de 1400 trains de marchandises et de voyageurs et, selon les estimations des analystes, ont coûté à l’entreprise des millions de dollars. Le chef de la direction du CN, Jean-Jacques Ruest, a estimé que le rattrapage prendra plusieurs semaines.