À l’approche du 8 mars et de la Journée internationale du droit des femmes, plusieurs organismes de défense s’unissent pour forcer Québec à agir afin de résoudre la crise du logement qui affecte gravement des milliers de femmes vulnérables et leurs enfants.

La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF), le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), et l’R des centres de Femmes s’allient au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et au Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ) dans le but de faire bouger les choses.

En conférence de presse, le collectif a interpellé dimanche matin le gouvernement de François Legault. Il lui réclame d’« investir les sommes nécessaires dans un grand chantier de logements sociaux dès son prochain budget » qui doit être dévoilé le 10 mars et d’« instaurer, au plus vite, un contrôle obligatoire et universel du prix des loyers ».

Soulignant un taux d’inoccupation de 1,8 % à l’échelle du Québec et une augmentation des loyers de 8,7 % entre 2017 et 2019, soit près du double du taux d’inflation, le FRAPRU estime qu’il faut un minimum de 50 000 nouveaux logements sociaux d’ici 5 ans.

« Ce qu’on constate, c’est que le marché privé ne répond pas aux besoins des ménages locataires au Québec. Au contraire, le marché a des effets inflationnistes sur le logement », observe Céline Magontier, responsable des dossiers touchant la cause des femmes au FRAPRU.

Selon elle, un contrôle des loyers et un registre sont essentiels pour freiner les hausses abusives imposées par certains propriétaires. De plus, Mme Magontier dénonce l’important retard accumulé dans la construction de nouveaux logements sociaux.

« L’année dernière, il n’y a que 835 logements sociaux qui ont été construits. À ce rythme-là, ça va prendre plus de 161 ans pour répondre seulement aux 135 000 ménages qui ont des besoins impérieux de logement », calcule-t-elle qualifiant de « scandaleux » le fait que la CAQ n’investisse pas davantage en contexte de « crise généralisée du logement ».

La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec, Andrée Laforest, n’était pas disponible dimanche pour réagir à la demande du collectif. Par courriel, son attachée de presse a fait parvenir une réponse à La Presse canadienne dans laquelle le gouvernement s’engage à respecter la promesse électorale de la CAQ « de livrer les 15 000 unités de logement promises par le gouvernement précédent, mais jamais livrées ».

On ne fait toutefois aucune mention de nouveaux investissements pour régler la crise du logement.

La violence ou la précarité ?

Du côté des ressources d’hébergement pour femmes, on déplore que près de 15 000 demandes de femmes en difficulté aient dû être refusées en 2018-2019 seulement. Des dizaines de milliers de femmes se trouvent donc piégées entre un milieu de vie malsain, voire dangereux, et la perspective de se retrouver à la rue par manque de logements.

Une réalité d’autant plus concrète que de nombreux cas de violence conjugale ont récemment fait les manchettes au Québec et qu’une dizaine de femmes sont tuées par leur conjoint ou ex-conjoint chaque année.

Certaines femmes vont dire “tant qu’à ne pas trouver de logement et à aller vivre dans une misère épouvantable et ne pas avoir les moyens de faire vivre mes enfants dignement, je vais retourner avec le conjoint violent”. C’est un choix absolument cruel qui se pose aux femmes, en fait c’est un non-choix.

Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Par ailleurs, la mission même des ressources d’hébergement d’urgence pour les femmes en détresse se trouve détournée. Si par le passé, ces maisons accueillaient temporairement les victimes et leurs enfants, soit pendant environ un mois, les séjours se prolongent désormais jusqu’à trois ou quatre mois. Des délais qui privent d’autres victimes d’une place pour sortir de leur milieu toxique.

Discrimination

Comme si la pénurie de logements n’était pas suffisante, de nombreuses femmes doivent en plus combattre la discrimination dans leur quête d’un appartement convenable. Dans toutes les régions du Québec, des femmes sont discriminées parce qu’elles reçoivent de l’aide sociale, qu’elles sont autochtones, immigrantes ou parce qu’elles ont des enfants.

Parfois, des intervenantes doivent prendre le relais et appeler des propriétaires pour faire respecter les droits des femmes, affirme la directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes Manon Monastesse.

« C’est le cas à Chibougamau pour les femmes autochtones et à Montréal pour des femmes immigrantes qui ont plusieurs enfants », donne-t-elle en exemple.