« Que le gouvernement accompagne davantage… »

« Que le gouvernement analyse… »

« Que le gouvernement rappelle… »

« Que le gouvernement considère… »

« Que le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques évalue… »

« Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation travaille à mieux informer et conseiller… »

Vous voulez que je continue ?

Les 32 recommandations du rapport de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles sont toutes comme ça et ressemblent un peu toutes à ceci : « Que le gouvernement essaie de peut-être essayer de faire quelque chose, c’est selon… »

J’exagère à peine.

La Commission sur les impacts des pesticides sur la santé publique et l’environnement, lancée dans la foulée de l’affaire Louis Robert, aurait pourtant pu faire tellement plus. Tout le Québec agricole s’est mobilisé pour y participer : 76 mémoires contenant plus de 700 recommandations et les témoignages de 26 groupes lors d’une semaine d’audiences publiques à Québec l’automne dernier.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

La Commission sur les impacts des pesticides sur la santé publique et l’environnement a reçu 76 mémoires dans lesquels plus de 700 recommandations ont été proposées.

Malgré les différences d’opinions sur mille sujets, il y avait des consensus, ou du moins des points de vue largement partagés, incluant la nécessité de protéger la santé des agriculteurs ou de s’assurer que l’industrie des pesticides ne contrôle pas l’utilisation, la réglementation et la recherche sur ses produits. 

Après l’affaire Robert, le sonneur d’alerte sur les conflits d’intérêts des agronomes, notamment, il y a eu un véritable vent d’indignation au sujet de cette profession dont les membres travaillent souvent à la fois à prescrire l’utilisation des pesticides et à les vendre. Et qui, parfois aussi, présents dans certains organismes de recherche supposément indépendants, nuisent à la diffusion d’études désavouant l’efficacité des pesticides. On se rappelle par exemple le scandale du CEROM, le Centre de recherche sur les grains, où certains ont tenté de faire oublier les résultats de recherches concluant que l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes n’avait qu’une influence minime sur les rendements en agriculture.

Et que disent les recommandations de la commission de l’Assemblée nationale à cet égard ?

« Que le gouvernement du Québec s’assure que la recherche financée par des fonds publics respecte de hauts standards d’indépendance et de bonne gouvernance. »

Parce qu’il ne le fait pas déjà ?

Autre recommandation : 

« Que le gouvernement du Québec s’assure de la complémentarité entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, de manière à ce que l’industrie puisse être impliquée dans la recherche appliquée, tout en pouvant mettre en valeur les résultats scientifiques de la recherche fondamentale. »

Ici, vous me perdez, chers députés.

Vous voulez quoi ?

On dirait qu’on veut surtout répondre aux craintes de l’industrie d’être totalement tassée de la recherche appliquée. Et de rassurer les puristes sur le fait que, oui, il y a une importance à la recherche fondamentale. 

Mais au bout du compte, sommes-nous rassurés de quoi que ce soit ? Allons-nous avoir, oui ou non, des recherches indépendantes qui permettent réellement à l’agriculture propre d’avancer ? 

Oh, et les recommandations contiennent aussi ceci : « Que le gouvernement révise le Code de déontologie des agronomes de manière à mieux encadrer son application, notamment en clarifiant la notion d’indépendance. »

Quand on sait qu’en 2018, 15 agronomes québécois – sur 435 – ayant des liens avec l’industrie des pesticides ont signé à eux seuls près de la moitié des 1500 ordonnances d’atrazine, un puissant herbicide considéré comme très risqué, on veut plus que ça.

On veut que les députés recommandent au gouvernement d’interdire de telles pratiques.

Surtout, est-il nécessaire de le préciser, qu’on est dans un rapport de commission faisant des recommandations. 

Si ça, c’est déjà dilué au maximum pour ne pas heurter personne, imaginez la suite. Pensez-vous vraiment qu’on puisse voir des directives gouvernementales solides, musclées, efficaces, courageuses ?

Je continue.

Une de mes recommandations préférées : « Que le gouvernement considère la mise en place de politiques publiques favorisant l’achat local et biologique pour les organismes publics (circuits courts). »

« Que le gouvernement considère. »

Vraiment ?

Mais de quoi a-t-on peur ?

En faisant une recommandation limpide comme « Que le gouvernement mette en place des politiques publiques claires pour assurer l’achat d’aliments locaux et bios par les organismes publics », on l’oblige de facto à « considérer l’option ». Et on montre un peu d’épine dorsale.

Je poursuis avec une autre qui me rend perplexe : « Que le gouvernement mette en place une stratégie de sensibilisation et de formation à l’intention des professionnels de la santé sur les effets que les pesticides peuvent avoir sur la population. Notamment sur les fœtus. »

Mais pouvez-vous me dire à quoi ça sert ?

On veut que les professionnels de la santé connaissent les pesticides ? Sermonnent leurs patients sur les pesticides et leurs effets sur la santé et leur disent de ne plus y toucher ? Et ils font ça comment, ces gens ? Ils se convertissent tous au bio et cessent de respirer quand les agriculteurs font leur épandage ?

Si les députés n’ont même pas le courage de recommander des limites claires, des interdictions claires, des changements clairs pour que les normes d’approvisionnement alimentaires générales de la province diminuent la présence de pesticides en agriculture, comment peut-on demander aux professionnels de la santé et à leur clientèle, eux, de se préoccuper des effets des pesticides ?

Ma recommandation chouchoute, sans sarcasme : « Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation renforce le programme québécois de surveillance des résidus de pesticides dans les aliments en augmentant et en diversifiant l’échantillonnage, en publiant les résultats sur une base régulière et prévisible. »

« Renforce » est un peu flou. J’aurais mis « élargisse, solidifie, investisse dans », mais au moins, là, on comprend de quoi on parle. Il faut faire en sorte qu’on sache combien de ces produits on finit par ingurgiter. La moindre des choses.