Alors, on remet ça pour quatre ans  ?

Ça semble parti pour ça, ne trouvez-vous pas ?

La semaine a été bonne, excellente même, pour Donald Trump. D’abord, un fiasco aux caucus démocrates de l’Iowa  ; ensuite, un discours sur l’état de l’Union aux allures de téléréalité  ; enfin, un acquittement par le Sénat des États-Unis.

Le triomphe du roi Donald est entier.

PHOTO KEVIN LAMARQUE, REUTERS

Accusé d’abus de pouvoir et d’entrave au Congrès, le président Donald Trump a été acquitté mercredi par le Sénat des États-Unis.

Avec un taux d’approbation de 49 %, le plus élevé depuis son élection en 2016, le président républicain est en droit de rêver à sa réélection, en novembre, face à une opposition démocrate qui paraît faible et fragmentée.

Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Le règne de Trump pourrait s’étirer bien plus longtemps, si l’on se fie à la vidéo triomphante qu’il a diffusée sur Twitter, hier, en réaction à son acquittement.

Sur la courte vidéo détournant une ancienne couverture du magazine Time, les pancartes électorales défilent : TRUMP 2024, TRUMP 2028, TRUMP 2032, TRUMP 2036…

Et puis, à la fin, TRUMP 4EVA. TRUMP FOREVER.

Trump pour toujours.

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L’acquittement du président, qui était accusé d’abus de pouvoir et d’entrave au Congrès, ouvre une « nouvelle ère hyper partisane » aux États-Unis, dit-on.

La ligne de fracture est claire. Tous les démocrates ont voté pour condamner Trump. Tous les républicains, sauf Mitt Romney, ont voté pour l’acquitter.

On a cru un moment que d’autres sénateurs républicains auraient le courage de briser la ligne de parti. Mais non. Ils ont préféré acquitter le président sans même prétendre examiner les documents de preuve.

Tant pis pour l’équilibre des pouvoirs, tant pis pour la Constitution. Tant pis pour la démocratie.

Désormais, on sait que le Grand Old Party est prêt à passer l’éponge sur tous les coups fourrés de Donald Trump. La seule chose qui compte, c’est que le chef conserve le pouvoir. La fin justifie les moyens.

N’importe quels moyens.

Qu’on ne s’y trompe pas, ce procès en destitution n’avait rien d’une chasse aux sorcières. Les accusations étaient gravissimes : en insistant auprès du président ukrainien pour qu’il ouvre une enquête sur Joe Biden et son fils, Donald Trump a abusé de son pouvoir. Il a voulu couler son rival démocrate pour s’assurer un second mandat.

Le président des États-Unis a fait passer ses propres intérêts devant ceux de la nation. Il a voulu tricher au jeu électoral, fondement de la démocratie. Ce n’est pas rien.

Mais qu’importe. Le roi Donald, doit-on désormais comprendre, est au-dessus des lois.

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Nancy Pelosi a provoqué une commotion, mardi soir, en déchirant un exemplaire du discours de Trump sur l’État de l’Union.

On a qualifié le geste de la présidente de la Chambre des représentants de disgracieux. On a accusé Mme Pelosi de briser le décorum.

Mais le geste a surtout illustré l’ampleur de la désunion américaine. Plus que jamais, cette nation semble déchirée, divisée entre deux camps irréconciliables.

En 1960, moins de 5 % des démocrates et des républicains auraient été contrariés par le mariage de leur enfant avec une personne appartenant au parti adverse.

Aujourd’hui, 35 % des républicains et 45 % des démocrates seraient furieux, selon un récent sondage du magazine The Atlantic et du Public Religion Research Institute.

Quoi qu’en dise Trump, l’Union est en très mauvais état. Et il en est largement responsable, lui qui n’a jamais fait le moindre effort pour pousser son peuple au rapprochement. Son style, c’est plutôt de jeter de l’huile sur le feu.

« Nos opposants démocrates radicaux sont portés par la haine, les préjugés et la rage », a-t-il lancé à une foule républicaine réunie à Orlando pour le coup d’envoi de sa réélection, en juin. « Ils veulent vous détruire et ils veulent détruire notre pays tel que nous le connaissons. »

« C’est le cœur du discours du président à ses partisans : il est tout ce qui se tient entre eux et l’abîme », lit-on dans un reportage de l’Atlantic sur les causes et les conséquences, potentiellement désastreuses, de cette immense fracture.

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Le président Trump, qui a passé une partie de la journée de mercredi à retweeter des insultes visant Nancy Pelosi, n’a pas de leçons à donner en matière de décorum.

Depuis trois ans, il ne fait que cela, briser les codes de la décence et de la bienséance.

Il ment avec une telle constance que des reporters sont affectés à temps plein à la seule tâche de débusquer et de rectifier ses fabulations.

Il traite les médias d’ennemis du peuple et considère l’opposition comme de la racaille illégitime.

Il prétend défendre les « gens très bien » parmi les suprématistes blancs et pourfendre les voleurs et les violeurs parmi les demandeurs d’asile sud-américains.

Et, bien sûr, il tente de corrompre un dirigeant étranger dans l’espoir de salir un opposant politique. Quand il se fait prendre, il tente de camoufler l’affaire.

Et c’est pour cet homme de déshonneur que les sénateurs républicains ont fermé les yeux et se sont bouché les oreilles. C’est pour lui qu’ils ont refusé d’examiner les faits et, surtout, de jouer leur rôle de contre-pouvoir face au locataire de la Maison-Blanche.

C’est pour cet homme qu’ils ont transformé le Sénat en un bras de l’exécutif – et qu’ils se sont eux-mêmes transformés en valets serviles, prêts à tout pardonner au roi Donald.

Après lui, après eux, le déluge.