Ce qui se passe en ce moment dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce est grave. Très grave. Je crois même que nous sommes à un cheveu d’une intervention de la Commission municipale du Québec. Des sources proches du cabinet de la mairesse Valérie Plante me disent que des responsables à Québec suivent de « très près » ce dossier. Prudente, Isabelle Rivoal, porte-parole à la Commission, m’a confié « qu’on se penche » actuellement sur la situation.

À quoi ou à qui doit-on imputer la situation désastreuse que connaît l’arrondissement le plus populeux de Montréal ? À l’obstination de la mairesse Sue Montgomery, qui exige de voir de ses propres yeux les conclusions du rapport du Contrôleur général sur les cas de harcèlement psychologique qui ont eu lieu dans son arrondissement et qui visaient sa directrice de cabinet, Annalisa Harris ?

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, COLLABORATION SPÉCIALE

La mairesse Sue Montgomery, lors de la réunion du conseil d’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, lundi soir

La mairesse Montgomery perd son temps avec cette demande répétée qui vise essentiellement Valérie Plante. « Cela n’est aucunement de mon ressort, a déclaré la mairesse de Montréal mardi dans un communiqué. Il est plus que temps qu’elle arrête de parler à travers son chapeau. »

Bonjour l’ambiance !

J’ai tenté de parler à Sue Montgomery avant de publier ma chronique du 29 janvier dernier. Elle a refusé. Le jour de la publication, elle a finalement demandé à me rencontrer. Pendant une heure, jeudi dernier, elle s’est vidé le cœur et a répondu à toutes mes questions.

> (Re)lisez la chronique « Tricotage politique »

Au beau milieu de cette rencontre, l’ex-journaliste du quotidien Montreal Gazette m’a raconté que lors d’une rencontre tenue le 11 janvier, Valérie Plante l’aurait prise à part et lui aurait fait cette affirmation. « Elle m’a dit : “Sue, je sais que ce rapport est de la bullshit et je sais que Stéphane Plante [directeur de l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce] est un trou d’cul. Mais mes mains sont liées.” »

Peut-être que Sue Montgomery se trompe de date, mais dans l’entourage de Valérie Plante, on est formel : « Il n’y a jamais eu de discussion entre Mme Montgomery et la mairesse Plante le 11 janvier dernier. La mairesse était avec sa famille et n’a pas discuté avec Sue. Ces propos n’ont donc pas été mentionnés », m’a dit Geneviève Jutras, attachée de presse de Valérie Plante.

J’ai joint Stéphane Plante mardi après-midi pour lui soumettre cette affirmation. Après un long silence, il m’a dit qu’il ne pouvait commenter ces propos. « Je dois respecter mon devoir de réserve, même si cela est très difficile. »

Lundi soir, lors de la première réunion du conseil d’arrondissement depuis son expulsion du caucus de Projet Montréal, Sue Montgomery a repris le bout sur la « bullshit » devant une salle bondée de citoyens et de partisans qu’on avait amenés en autobus. Cette déclaration a eu l’effet d’une bombe. Mardi, Valérie Plante s’est défendue en affirmant que ces propos étaient « diffamatoires » et « dépassaient la réalité ».

Sue Montgomery persiste et signe ! Elle m’a dit mardi au téléphone qu’elle « était prête à signer une déclaration sous serment » s’il le fallait.

Bonjour l’ambiance !

Même si elle affirme ne pas vouloir faire de « bataille avec Valérie », Sue Montgomery semble vouloir mener une véritable guerre. Elle m’a confié être profondément blessée par l’attitude de sa cheffe. « Elle n’a même pas pris la peine de m’appeler pour me dire que j’étais exclue du caucus. Je l’ai appris par un communiqué de presse. Ça manque de classe. »

Blessée, sans doute. Mais aussi obstinée et fonceuse. Sue Montgomery ne mâche pas ses mots pour offrir sa vision des choses.

Pour elle, il est évident qu’on veut se débarrasser de sa directrice de cabinet, Annalisa Harris, car celle-ci serait une « lanceuse d’alerte ». « Annalisa pose des questions », m’a-t-elle dit.

Arrivée en poste en novembre 2017, Sue Montgomery prétend qu’elle a été laissée seule à elle-même au début de son mandat et qu’elle ne s’est pas sentie appuyée. « Je demandais à obtenir des documents, le budget par exemple, et on me disait que c’était compliqué. »

L’embauche d’Annalisa Harris, en juin 2019, a tout changé pour Sue Montgomery. « Dès son arrivée, j’ai vu que les choses bougeaient. Elle arrivait avec un ordre du jour aux réunions, elle m’appelait le soir pour me mettre au courant des dossiers, elle m’achetait même des collations. Je la trouvais incroyable. »

Doit-on croire Sue Montgomery quand elle dit qu’elle n’arrive pas à s’expliquer comment un rapport peut déceler du harcèlement psychologique dans l’équipe qu’elle dirige ? « Mme Montgomery se promenait sur les étages vers 17 h en disant qu’on pourrait entendre une mouche voler, que tout le monde avait quitté, que les fonctionnaires, ça ne travaille pas », m’ont raconté deux sources proches de la mairesse Plante qui ont suivi le dossier.

J’ai soumis cette affirmation à Sue Montgomery mardi. « C’est faux ! Je n’ai jamais fait une telle chose. Nous avons des fonctionnaires extraordinaires. »

Bonjour l’ambiance !

J’avoue être complètement divisé par cette affaire. Que veut au juste Sue Montgomery ? Sommes-nous en face d’une guerre de cultures ? Des fonctionnaires d’arrondissement, habitués à faire leur petit train-train quotidien, se sentiraient-ils tout à coup « harcelés » par une patronne qui exige des résultats ? Se peut-il que nous soyons témoins d’un cas de jeunisme ? Annalisa Harris, une femme de 28 ans qui donne des ordres à des fonctionnaires de 45 ou 55 ans, serait-ce quelque chose de difficile à accepter pour certains ?

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, COLLABORATION SPÉCIALE

Annalisa Harris, directrice de cabinet de Sue Montgomery

Il est étrange de voir que cette affaire arrive sous le règne de Projet Montréal dont les émules, empreints de coolitude, laissent difficilement imaginer un tel comportement. Rappelons que la mairesse de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, Giuliana Fumagalli, a été exclue du parti Projet Montréal à l’automne 2018 parce qu’un rapport du Contrôleur général avait démontré qu’elle faisait preuve de harcèlement psychologique à l’égard de certains employés.

Quoi qu’il en soit, nous nous retrouvons avec un arrondissement qualifié de « paralysé » par les conseillers œuvrant dans l’arrondissement de Sue Montgomery. Cette situation fait en sorte qu’un nombre important d’employés ne peuvent plus communiquer entre eux. Sur ordre du Contrôleur général, la directrice de cabinet Annalisa Harris, pivot central, « ne peut avoir aucune communication avec quelque fonctionnaire de l’arrondissement sans égard à leurs fonctions et statuts ».

Dans un tel contexte, comment la mairesse, le directeur de l’arrondissement et la directrice de cabinet arrivent-ils à travailler ? Mal. Il va sans dire.

En commençant la réunion du conseil d’arrondissement lundi soir, Sue Montgomery a demandé un moment d’arrêt afin que ceux qui étaient présents dans la salle puissent prendre une grande respiration. Il faudra malheureusement plus que cela pour remettre à l’endroit un climat qui est présentement sous le respirateur artificiel.