Depuis jeudi, des gens font la file aux bureaux du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) pour s’assurer du dépôt de leurs demandes de parrainage collectif alors que leur réception débute lundi matin.

Toutes les demandes de parrainage doivent maintenant être déposées par des messagers afin de ne pas désavantager les gens qui habitent en régions, exige le ministère. Au total, 750 de ces demandes seront acceptées. Ceci ne manque pas de créer des tensions parmi les demandeurs qui espèrent faire partie du lot et déplorent ce « fiasco bureaucratique ».

Les regards désespérés des demandeurs rencontrés par La Presse en disaient long sur l’ambiance chaotique qui régnait devant les bureaux du MIFI lundi matin. Tous espèrent faire partie des 750 dossiers retenus, en composant avec la nouvelle réglementation jugée peu adéquate. C’est le cas de Dimitri Kounine. Sa femme et lui font la demande pour leur famille qui habite en Iran, mais ont bien peur d’attendre pour rien. Ils patientent depuis samedi dans les locaux du ministère. « C’est inhabituel d’attendre pendant trois jours comme ça sans être sûrs de rien. C’est très, très difficile de naviguer dans ce système. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Les regards désespérés des demandeurs rencontrés par La Presse en disaient long sur l’ambiance chaotique qui régnait devant les bureaux du MIFI lundi matin.

Mai Tenbakji éprouve un immense stress, a-t-elle confié à La Presse. « Je fais la demande pour mon amie en Égypte. Je suis ici depuis vendredi et je me perds dans ce système. Ça crée des tensions. »

Ishagh Mohamed a franchi la porte du MIFI en trombe. Il était présent lundi matin pour prendre la place d’un ami, qui effectuait une demande pour sa famille en Syrie. « Je vais prendre sa place le temps qu’il se repose quelques heures. Il est en attente depuis des jours. »

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Une dame est sortie du bâtiment, couverture à la main. Elle attendait depuis jeudi dernier, a-t-elle dit à La Presse.

Au même moment, une dame est sortie du bâtiment, couverture à la main. Elle attendait depuis jeudi dernier, a-t-elle dit à La Presse.

L’arrivée des courriers à 8 h 30 avec des bacs remplis de demandes a provoqué beaucoup de mouvement. Aucun journaliste n’a pu entrer à l’intérieur de l’édifice. Selon les informations récoltées par La Presse auprès des demandeurs, environ 70 personnes se retrouvaient dans chacun des deux locaux. Plusieurs avaient amené leurs draps et leurs couvertures pour y passer la nuit.

Ceux qui veulent parrainer un réfugié doivent débourser entre 450 et 1000 $ afin de faire parvenir le dossier dans les règles, par messager. Le nombre restreint de dossiers acceptés mêlés au service d'expédition coûteux ont instauré un climat malsain auprès des personnes qui souhaitent que leur demande se concrétise.

Un article publié dans La Presse dimanche faisait état de nombreux problèmes : rumeurs d’intimidation parmi les demandeurs, crainte de perdre sa place et peur de la surenchère. « Ça dénature le programme de parrainage », avait dénoncé Sylvain Thibault, qui souhaite parrainer une famille.

Un système efficace

« Ce n’est pas l'ouverture d'un nouveau Apple Store! Les gens ne devraient pas avoir à faire la file pendant des jours pour parrainer des réfugiés. Les groupes en immigration avaient annoncé la catastrophe et proposé d’autres pistes de solutions, mais comme d’habitude, le ministre [Simon] Jolin-Barrette n’a écouté personne d’autre que lui! », s’est plaint le député Andrés Fontecilla, responsable pour Québec solidaire en matière d’immigration, dans un communiqué transmis en après-midi. Il déplore que l’immigration soit perçue comme un problème et pointe plutôt du doigt la façon de faire du ministre caquiste.

« Les seuils d’immigration sont trop bas pour les réfugiés. Pourtant, le parrainage civique des réfugiés a fait ses preuves et est reconnu à l'international en plus d’être très économique pour l’État », plaide M. Fontecilla.

« Le processus de dépôt de candidatures présentées par l’entremise de messagers soulève de nombreux questionnements quant à son efficacité. Il doit être revu. D’ailleurs, plusieurs de nos programmes d’immigration doivent être modernisés. C’est le cas pour le parrainage collectif et nous y travaillerons», a assuré Simon Jolin-Barrette plus tard en après-midi via sa page Facebook et par communiqué.

Depuis octobre 2018, le délai de traitement des dossiers soumis au fédéral pour les demandes de réfugiés parrainés a diminué de six mois, soutient M. Jolin-Barrette. Les quotas actuels sont les mêmes qu'en septembre 2018, affirme-t-il.

Le leader parlementaire et ministre de l'immigration a ajouté que « le Québec contribue plus que sa juste part en matière d’immigration humanitaire. »

Les réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP) génèrent des résultats économiques plus satisfaisants que ceux des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG), selon une étude publiée le 13 janvier dernier par Statistique Canada.

L’intégration économique des réfugiés passant par le système privé avantage notamment ceux qui proviennent de milieux moins scolarisés.

L’avantage sur le plan de l’emploi et des revenus des RPSP par rapport aux RPG était plus important chez les réfugiés qui ne sont pas titulaires d’un diplôme d’études secondaires que pour les réfugiés ayant des niveaux de scolarité supérieurs.

Les RPSP présentent des taux d’emploi et des revenus supérieurs à ceux des RPG lorsqu’ils s’installent au Canada, même après avoir tenu compte des différences sur le plan de la scolarité et de la connaissance de l’anglais ou du français. Les divergences économiques diminuent au fil du temps, plaide l’étude.

Différents facteurs comme l’exposition à la violence, la durée du déplacement, la santé physique et mentale, et les réseaux ethniques et familiaux pourraient avoir des répercussions sur leurs résultats économiques, qui ne sont pas pris en considération dans l’étude, indique-t-on.

Le Programme de parrainage privé de réfugiés (PPPR) donne la chance à des groupes privés de parrainer des réfugiés admissibles qui se trouvent à l’étranger. La période de parrainage dure habituellement un an.

Le parrainage par le biais du privé est possible depuis une quarantaine d'années au Canada. Dans un contexte de flux migratoires importants à travers le monde, ce système a attiré l’attention internationale, notamment en Europe.