En se levant mercredi matin, Faisal Moola, professeur agrégé au département de géographie et d’environnement de l’Université de Guelph, en Ontario, a eu un choc en apprenant que Ghanimat Azdahri, l’étudiante dont il dirigeait la thèse de doctorat, comptait parmi les victimes de l’écrasement du vol PS752 à Téhéran, qui a fait 176 victimes, dont au moins 25 enfants.

« On échangeait des courriels avant qu’elle monte dans l’avion, a expliqué M. Moola en entrevue téléphonique. Elle me disait qu’elle avait hâte de rentrer pour reprendre ses recherches, mais aussi qu’elle était inquiète d’une guerre possible entre les États-Unis et l’Iran, et les conséquences que cela aurait pour les gens et l’écologie en Iran. »

M. Moola note que le choc initial s’est peu à peu transformé en tristesse. « Ghanimat était une femme remarquable et une étudiante compétente. Elle travaillait sans relâche pour la prochaine génération de traités internationaux visant à protéger les droits des peuples indigènes dans le monde. Elle a passé beaucoup de temps récemment à Montréal à cette fin. »

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Ghanimat Azdahri, étudiante à l’Université de Guelph, en Ontario, compte parmi les victimes de l’écrasement du vol PS752 près de Téhéran.

Pas moins de 138 victimes de l’écrasement se dirigeaient vers le Canada, dont 63 citoyens canadiens. Un nombre important faisaient ou avaient fait des études universitaires de deuxième cycle au Canada dans des domaines comme la recherche médicale, l’informatique ou l’environnement. 

Masoumeh Ghavi, étudiant en génie de l’Université Dalhousie, à Halifax, revenait au Canada avec sa sœur cadette, Mandieh Ghavi, à bord de ce vol. Samira Bashiri, une autre passagère du vol, était une chercheuse en médecine vétérinaire à l’Université de Windsor, en Ontario. Elle voyageait avec son mari Hamid Setareh, étudiant au doctorat en génie mécanique à la même université.

Pouneh Gorji, 25 ans, venait quant à elle de se marier trois jours plus tôt avec Arash Pourzarabi, 26 ans. Les deux époux qui ont péri lors de l’écrasement étudiaient en génie informatique à l’Université de l’Alberta.

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Arash Pourzarabi et Pouneh Gorji venaient de se marier. Les deux époux ont péri lors de l’écrasement.

L’Université de l’Alberta a aussi perdu deux professeurs de génie, Pedram Mousavi et Mojgan Daneshmand, qui voyageaient avec leurs deux filles, Daria, 14 ans, et Dorina, 9 ans.

Dans un point de presse chargé d’émotion, mercredi, David H. Turpin, président de l’Université de l’Alberta, a dit que le processus de deuil allait être long pour l’établissement qu’il dirige.

« Les mots ne parviennent pas à exprimer la peine et la tristesse que l’on ressent… C’est une perte tragique pour toute la communauté. Nos pensées sont avec les familles. Il va falloir du temps pour nous remettre de cela. »

Un pays jeune

Faisal Moola signale que ce n’est pas un hasard si la majorité des victimes étaient si jeunes. « Contrairement à ce qu’on peut croire, l’Iran est un pays où la population est très jeune. Beaucoup d’étudiants brillants décident de venir au Canada afin de poursuivre leurs études universitaires. »

Mercredi, la Commission canadienne pour l’UNESCO a signalé qu’un des membres de son groupe consultatif de la jeunesse, Mohammad Asadi-Lari, qui étudiait la médecine à l’Université de Toronto, était mort dans l’écrasement d’avion, avec sa sœur Zeynab.

Parisa Eghbalian, dentiste établie à Aurora, en Ontario, a péri à bord du vol avec sa fille Reera Esmaeilion. Son mari, Hamed Esmaeilion, dentiste lui aussi, n’était pas à bord de l’appareil et attendait le retour de sa femme et de sa fille lorsqu’il a appris la nouvelle.

Reza Akbari, président de l’Iranian Heritage Society of Edmonton, a dit en point de presse hier être « anéanti » par l’ampleur de la tragédie qui a frappé la communauté iranienne canadienne.

Selon l’organisme Iran Society of Edmonton, 27 résidants d’Edmonton sont morts dans l’écrasement de l’avion. Cela présente près de 1 % des quelque 3000 Canadiens d’origine iranienne qui habitent Edmonton.

« Nous vivons un véritable cauchemar, a-t-il dit. Les victimes laissent derrière elles des parents, des amis, des enfants qui sont anéantis. C’est toute une communauté qui est touchée aujourd’hui. »

M. Akbari a ajouté qu’un rassemblement sera organisé vendredi soir à Edmonton en l’honneur des disparus.

Plus de 210 400 Canadiens sont d’origine iranienne, dont 154 000 sont nés en Iran, selon Statistique Canada. Il s’agit de l’une des diasporas iraniennes les plus importantes du monde.

L’immigration iranienne s’est amorcée surtout dans les années 1980, après la révolution iranienne de 1979. L’arrivée d’Iraniens au Canada a connu une hausse ces dernières années : de 2011 à 2016, le Canada a accueilli plus de 42 070 immigrants iraniens.

L’Iran est au quatrième rang des pays de naissance les plus fréquents des immigrants récents au Canada, derrière les Philippines, l’Inde et la Chine.

La mort des 63 victimes canadiennes est la pire tragédie aérienne pour des Canadiens depuis l’attaque sur le vol 182 d’Air India, survenue en Irlande en 1985, qui avait tué 288 Canadiens.

Éviter les déplacements en Iran

Affaires mondiales Canada avise les Canadiens d’éviter tout voyage non essentiel en Iran en raison des conditions de sécurité jugées volatiles, de la menace terroriste dans la région et du risque d’emprisonnement arbitraire.

Dans une note transmise mercredi, les autorités ajoutent que les Canadiens, en particulier ceux qui ont la double citoyenneté canadienne et iranienne, peuvent être interrogés, arrêtés et détenus de manière arbitraire.

Affaires mondiales Canada rappelle que l’Iran ne reconnaît pas la double nationalité et que le Canada ne pourra assurer l’accès aux services consulaires pour les citoyens ayant la double nationalité.