(Ottawa) Certaines communautés autochtones pourraient bientôt prendre le contrôle de leur système de protection de l’enfance, en vertu d’une loi fédérale entrée en vigueur le 1er janvier.

Mais il pourrait s’écouler des années avant que d’autres communautés ne soient prêtes à assumer cette responsabilité. Et Québec conteste déjà la constitutionnalité de la loi fédérale.

« Il s’agit d’un processus qui se poursuivra au cours des prochaines années et le système actuel, qui est défectueux, sera maintenu pendant un certain temps », a déclaré jeudi à La Presse canadienne le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller. « Chaque communauté a ses particularités […] et certaines ne seront tout simplement pas capables d’exercer l’ensemble des options qui seraient disponibles en vertu de la loi. »

Le projet de loi C-92, qui avait obtenu la sanction royale en juin, « affirme les droits et la compétence des peuples autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille ». La loi vise surtout à éviter de retirer de leur famille et de leur communauté les enfants pris en charge par le système de protection de l’enfance.

Les enfants autochtones, qui comptent pour moins de 10 % de tous les enfants canadiens, représentent pourtant plus de 50 % de tous les enfants placés en famille d’accueil au pays — une statistique qualifiée de « choquante » par le ministre Miller.

« Le changement ne se fera pas du jour au lendemain, précisait mercredi dans un communiqué le ministre. La seule façon d’y parvenir est de poursuivre la collaboration avec nos partenaires pendant cette période de transition pour s’assurer que la loi fonctionne pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis, et surtout, pour leurs enfants. »

Du flou sur le financement

Un certain nombre de communautés autochtones ont déjà exprimé un vif intérêt à assumer ces nouvelles responsabilités prévues par la loi. Mais jusqu’à ce que ces communautés adoptent leurs propres lois sur les services à l’enfance, les services actuellement fournis aux enfants continueront d’être assurés, a précisé le ministre Miller.

Les prestataires de services aux Autochtones devront toutefois appliquer immédiatement les principes de base énoncés dans la loi lorsqu’un enfant est pris en charge : la priorité accordée au bien-être physique et émotionnel de l’enfant, l’importance pour lui d’entretenir des relations avec sa famille et sa communauté, et la possibilité de fournir des services qui maintiennent un lien avec sa culture.

Certaines communautés autochtones se sont dites préoccupées par le fait que la loi ne prévoyait aucun financement fédéral stable pour les aider à prendre en charge ces services. L’Assemblée des Premières Nations a estimé que le coût total de la transition des soins fédéraux et provinciaux vers les systèmes communautaires pourrait atteindre 3,5 milliards.

Une partie de cette somme pourrait être répartie entre plusieurs ministères dans le prochain budget fédéral du printemps, pour des postes comme le logement social, les programmes d’aide aux familles et les soins de santé, a prédit M. Miller. Mais la part des dépenses qui sera affectée cette année dépendra du résultat des pourparlers entre divers ministres fédéraux, leurs homologues provinciaux et territoriaux et les dirigeants des communautés autochtones, a-t-il déclaré.

Déjà, le gouvernement du Québec conteste devant les tribunaux la nouvelle loi fédérale, qui empiéterait sur ses champs de compétence. Mais le ministre Miller a indiqué que la loi entrait tout de même en vigueur entretemps.