Notre régime (alimentaire) de bananes pourrait bientôt devenir un luxe, selon une nouvelle étude britannique. Après avoir contribué à son essor, les changements climatiques menacent maintenant la culture de ce fruit dont la popularité n’a cessé de croître depuis les années 60.

Chaleur et pluie

Depuis 1961, l’augmentation de température et de précipitations liée aux changements climatiques a contribué à améliorer la productivité des bananiers dans les 27 principaux pays producteurs de bananes. L’étude britannique estime qu’ils ont contribué à augmenter son rendement de 1,37 tonne par hectare par année. Mais dans les 30 prochaines années, cette augmentation de productivité sera deux fois moins grande, selon les calculs de Daniel Bebber, biologiste à l’Université d’Exeter. Dans son étude publiée cet automne dans la revue Nature Climate Change, il soutient que « la production va augmenter en Afrique, mais va diminuer ailleurs ». L’Inde, premier producteur mondial, sera le pays où la productivité des bananiers va diminuer le plus à cause des changements climatiques, alors qu’en Chine, deuxième producteur mondial, la productivité climatique va stagner.

Ouragans et technologie

Les améliorations technologiques de culture et de génétique de la banane ont été, depuis 1961, plus importantes pour les gains de productivité. Il sera donc essentiel de continuer les efforts en ce sens, selon M. Bebber. « Le point le plus important est la gestion de l’eau, l’irrigation par gouttes et le drainage des champs très humides. On a vu de gros gains à ce sujet en Inde ces dernières années. » Par contre, les extrêmes climatiques, comme les tempêtes tropicales et les ouragans qui pourraient devenir plus forts, vont jouer contre la culture de la banane. « Nous sommes en train de quantifier les impacts de ces extrêmes climatiques sur la production de bananes », dit le biologiste anglais.

L’énigme de l’Afrique

L’Afrique sera particulièrement favorisée par les changements climatiques d’ici 2050, selon les modélisations de M. Bebber. Le gain de productivité climatique sera aussi important qu’il l’a été depuis un demi-siècle. Seul l’Équateur sera aussi favorisé. Mais parmi les 10 pays africains étudiés, seuls 4 ont connu des gains technologiques importants depuis 1961. Le meilleur élève, la Côte d’Ivoire, a une faible production (330 000 tonnes en 2016) et est menacé par une guerre civile. « Pour tirer profit du climat en Afrique et contrer la baisse de la production mondiale, il faudra investir en technologie et en infrastructures de transport », explique M. Bebber.

Des bananes en Islande

Serait-il possible de faire pousser des bananes dans des serres pour compenser la perte de productivité dans les tropiques ? « On ne sait pas les limites de latitude des bananes en ce qui concerne l’ensoleillement, dit M. Bebber. C’est un facteur important, il n’y a pas que la température qui fait en sorte que les bananes poussent bien. Plus on monte en latitude, moins il y a de lumière l’hiver, et ça nuit aux bananes. Je sais qu’il y a des serres de bananes en Islande avec des lumières artificielles et de la chaleur géothermale. Et qu’il y a des bananes à Tenerife [dans les Canaries, archipel espagnol au large de l’Afrique de l’Ouest], très au sud par rapport aux autres plantations, à cause d’un climat marin spécial qui assure une absence de gel et de froids extrêmes. » Peut-il y avoir trop de lumière pendant la journée dans les latitudes nordiques l’été ? « On ne sait pas non plus la réponse, les recherches sur la banane et la latitude sont embryonnaires », dit M. Bebber.

Classement de la banane

(Production annuelle moyenne, 2010-2017)

• Inde : 29 millions de tonnes

• Chine : 11 millions de tonnes

• Philippines : 7,5 millions de tonnes

• Équateur : 7 millions de tonnes

• Brésil : 7 millions de tonnes

Source : FAO