Les chimistes demandent à Québec d’attendre avant d’acheter des appareils portatifs qui permettraient de mesurer le niveau de plomb dans l’eau des écoles de la province. Dans une lettre envoyée au ministre de l’Éducation, mardi, l’Ordre des chimistes du Québec émet de sérieuses réserves sur le protocole d’utilisation et la fiabilité des résultats émis par l’appareil choisi.

« L’Ordre est particulièrement préoccupé par les risques pour le public si les résultats obtenus avec des appareils portatifs sont erronés. Nous sommes également inquiets parce que la procédure en question semble faire fi de la grande disponibilité de services d’analyse sérieux et à faible coût disponibles au Québec via les laboratoires dûment accrédités par le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec », peut-on lire dans la lettre que La Presse a obtenue.

L’Ordre des chimistes du Québec a appris que Québec allait procéder à l’achat d’appareils portatifs de marque Kemio Heavy Metals, lors d’une discussion téléphonique avec des membres du personnel du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, la semaine dernière. Ledit dispositif n’est pas encore offert sur le marché et l’Ordre déplore qu’aucun de ses membres n’ait ainsi eu l’occasion de mettre à l’épreuve sa fiabilité.

« Il y a beaucoup trop d’interrogations de notre côté qui ne nous permettent pas de dire que le public sera protégé. On ne se sent pas à l’aise avec cet instrument-là », clame Michel Alsayegh, président de l’Ordre des chimistes. « Et la crainte, chez nous, c’est qu’il y ait un faux négatif. C’est-à-dire que l’appareil indique qu’il n’y a pas de plomb, mais qu’il y en a peut-être. »

Dans sa missive au ministre, l’Ordre ne peut être plus clair : « Nous avons d’importantes réserves face à ce choix d’appareil portatif et de nombreuses interrogations à l’égard des critères de sélection ayant guidé ce choix. Dans ce contexte, il est impératif pour l’Ordre de vous demander de ne pas procéder à l’achat de cet appareil portatif dans l’immédiat. »

« Notre idée, ce n’est pas du tout d’arrêter le processus, on est particulièrement préoccupés par le plomb dans l’eau de certaines écoles, justement », soutient M. Alsayegh.

L’appareil, mais aussi la démarche

Dans un document rédigé par le gouvernement du Québec et intitulé « Procédure visant à mesurer les concentrations de plomb dans l’eau potable des écoles du Québec », on suggère deux options aux établissements scolaires pour analyser la quantité de plomb dans leur eau : envoyer les échantillons en sous-traitance dans un laboratoire agréé ou faire eux-mêmes les analyses grâce à un appareil portatif.

« Les responsables des établissements scolaires peuvent faire mesurer les concentrations de plomb par des membres de leur personnel, à la condition qu’ils aient été préalablement formés pour le faire », peut-on lire dans le document, qui propose une vidéo de formation pour l’utilisation de l’appareil.

Un non-sens aux yeux du chimiste, qui estime que dans l’urgence ou le doute, les analyses devraient être faites en laboratoire agréé, par des gens qualifiés.

« La personne qui l’utilise doit avoir été plus éduquée que d’avoir regardé une vidéo. Peut-être pas nécessairement un chimiste, mais on a des techniciens en chimie qui sont extraordinaires et qui, eux, sont compétents pour analyser de telles mesures », soutient M. Alsayegh, qui aurait voulu que l’Ordre soit consulté dès le début du processus.

Par ailleurs, dans une lettre envoyée le 13 novembre dernier par le ministère de l’Éducation aux établissements d’enseignement privés, il est indiqué que le Ministère fournira les appareils gratuitement aux écoles, mais qui si ces dernières choisissent les analyses en laboratoire, les coûts devront être assumés par l’établissement.