Il y a de ces sujets qui, en surface, semblent anodins, futiles, mais qui, lorsqu’on gratte un peu, laissent entrevoir des enjeux importants. Le sort du Publisac fait partie de ceux-là.

Je ne suis pas un grand chasseur d’aubaines, mais j’aime, quand le besoin est là, pouvoir y jeter un coup d’œil. Quand on a commencé à remettre en question la pertinence et la manière d’offrir ce sac à surprises, j’avoue que j’ai fait partie de ceux que la chose a laissés complètement indifférents.

Pour le moment, la distribution du Publisac, qui se déploie sur 3 millions d’adresses au Québec, fonctionne selon le principe du « opt-out », c’est-à-dire que ceux qui ne désirent pas le recevoir l’indiquent sur leur porte. Vous savez, l’affichette rouge « Pas de circulaires ».

Les opposants au Publisac souhaiteraient l’adoption du système « opt-in », c’est-à-dire que ceux qui désirent le recevoir communiquent leur accord. Ce système laisse présager une chute importante du nombre d’adresses, selon les défenseurs et producteurs du Publisac.

Poussée par les demandes du mouvement montréalais Antipublisac (celui-ci a déposé une pétition au printemps dernier), la Ville de Montréal a tenu des audiences publiques en octobre sur le sujet. Les conclusions du comité devraient dire si on opte pour la formule « opt-in » ou « opt-out » avec restrictions.

Le mouvement Antipublisac brandit surtout les enjeux environnementaux reliés à la production et à la distribution de ce ballot rempli essentiellement de publicités. On met de l’avant la grande utilisation de papier. En effet, selon l’organisme Équiterre, les 800 000 Publisac distribués hebdomadairement génèrent 20 800 tonnes de matières résiduelles.

Pour ce qui est du plastique utilisé, il en génère 416 tonnes. Transcontinental, l’entreprise québécoise à la tête de cette industrie, a pris les devants en adoptant en septembre dernier des sacs en plastique fait de matière recyclée et recyclable. Elle songe aussi à utiliser dans certains cas des sacs en papier.

Encore faut-il que le papier et le plastique utilisés soient triés et recyclés, vous dites-vous. En effet ! Mais cela est un autre dossier.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

« Oui, le Publisac est un symbole du consumérisme, mais il est aussi un outil qui est une bouée pour la condition sociale et économique de nombreux citoyens », écrit notre chroniqueur.

L’autre aspect critiqué du Publisac est le symbole capitaliste qu’il représente. Ce matériel sert principalement à encourager la consommation. À cela je dis qu’il suffit d’ouvrir les yeux et de bouger la tête vers la gauche et vers la droite pour voir la sollicitation à laquelle nous faisons face à chaque instant.

Oui, le Publisac est un symbole du consumérisme, mais il est aussi un outil qui est une bouée pour la condition sociale et économique de nombreux citoyens. Combien de familles à faible revenu consultent et utilisent les circulaires pour y dénicher des aubaines qui leur feront économiser des dizaines de dollars chaque semaine ? Cela peut représenter des centaines de dollars à la fin de l’année. D’où viennent les coupons que certains clients présentent à la caisse, pensez-vous ?

Puis, il y a un aspect dont on parle peu, et c’est la distribution des journaux locaux. Pour moult publications, ce réseau de distribution est capital. Environ 120 journaux locaux (hebdomadaires, bimensuels et mensuels) sont offerts gratuitement par l’entremise du Publisac partout au Québec. Cela représente environ 95 % des journaux locaux.

Alors que l’on parle tous les jours de la crise des médias québécois, particulièrement des journaux, mettre en péril un système de distribution de dizaines et de dizaines de journaux locaux serait catastrophique. À mon collègue Jean-Thomas Léveillé, qui a abordé le sujet le 25 octobre dernier, Andrew Mulé, directeur général et vice-président de Metro Media, a dit que « près de la moitié » de ses publications devraient fermer si elles ne pouvaient plus compter sur le Publisac.

Mercredi dernier, dans notre section Débats, David Heurtel, ex-ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, a dit que « le sentiment d’urgence qui nous anime tous, avec raison, ne devrait pas nous faire perdre de vue que les décisions que nous prenons peuvent avoir pour effet de jeter le bébé avec l’eau du bain ». M. Heurtel s’inquiète des « conséquences dramatiques » que nous pourrions connaître sur le plan économique, social et environnemental en prenant une décision à la sauvette.

Je partage entièrement le point de vue de David Heurtel. Le défi que nous avons est de réussir une transition écologique sans faire de victimes collatérales. À cet égard, le comité responsable de faire des recommandations sur la façon d’exploiter le Publisac devra trouver une solution qui répondra à tous les enjeux énumérés, mais sans placer une industrie sur le respirateur artificiel.

Dans ce contexte, l’avenue du « opt-out » me semble la mieux indiquée. Elle pourrait être accompagnée d’une solide stratégie de communications et même d’autocollants gratuits pour ceux qui voudraient s’en prévaloir.

En fait, la meilleure transition que pourraient emprunter le Publisac et ses contenus serait celle vers le numérique. Mais ce virage a des coûts que les petits journaux et le monde publicitaire ont, pour le moment, du mal à assumer.

Faire la guerre au Publisac donne bonne conscience. Préserver l’écologie aussi. Mais faisons attention de ne pas mettre en péril une industrie tout entière. Il sera ensuite très difficile de la sauver. Même les bons de réduction n’y pourront rien.