Tous les profs vous le diront : certains de leurs groupes sont extraordinaires et d’autres, très difficiles.

À quoi cela tient-il ? Il suffit d’un leader négatif, d’un trio d’enfer ou de jalousies mal placées. Ou encore, tout simplement, de l’apathie généralisée de la classe, souvent en l’absence d’élèves entraînants ou de synergies entre les enfants.

Peu importent les raisons, les parents préfèrent que leurs enfants se trouvent dans les bons groupes. Certains choisissent minutieusement l’école pour maximiser les chances, au privé ou au public. D’autres interviennent même auprès de la direction pour que leur rejeton soit placé dans une classe plutôt qu’une autre.

À ce sujet, une étude fort intéressante vient d’être publiée. Elle est le fruit du travail d’Isabelle Plante, professeure à l’UQAM, et des cochercheurs Annie Dubeau et Frédéric Guay.

L’étude se penche sur l’influence de la force du groupe sur les résultats des individus, leur estime de soi, leur motivation et leur engagement à l’école. Quelque 1500 élèves de 1re secondaire, répartis dans 67 groupes et 11 écoles des régions de Saint-Hyacinthe et de Joliette, ont été suivis. Ma collègue Marie-Eve Morasse en a fait état, la semaine dernière.

Or, voilà, la perception des profs semble se confirmer. En mathématiques, par exemple, les chercheurs ont constaté que la force moyenne du groupe en début d’année tend à améliorer la motivation de chacun des élèves et leurs résultats en fin d’année. La hausse n’est pas spectaculaire, mais bien tangible et significative.

Résultat semblable en français : la force du groupe fait augmenter la motivation des élèves en classe, de même que leur engagement pendant les cours (lever la main, participer aux ateliers, etc.).

Pour arriver à de tels résultats, les chercheurs ont analysé statistiquement les réponses des élèves à un questionnaire, qu’ils ont croisé avec les résultats scolaires. Ils ont inséré dans leur analyse de régression statistique d’autres variables comme les résultats des élèves en 6e année du primaire, leur genre (garçon ou fille) ou leur présence dans une école publique dite ordinaire, d’une part, ou dans une école privée ou à vocation particulière (internationale, etc.), d’autre part.

Le choix de la 1re secondaire est intéressant, car l’arrivée des enfants au secondaire est souvent un choc, et la composition du groupe prend une grande importance. Être dans une classe indisciplinée, démotivée ou intimidante à l’entrée au secondaire peut changer le parcours du reste du secondaire.

Comme on pouvait s’y attendre, être une fille est un bon prédicteur en début d’année d’une meilleure motivation et de meilleurs résultats, comme le fait d’avoir eu de bonnes notes au primaire. Être dans une école privée ou publique à vocation particulière est aussi prédicteur, en début d’année, de meilleurs résultats en fin d’année, surtout en français, selon l’étude.

En revanche, en tout début d’année, on ne sait pas, à l’avance, l’effet qu’aura la composition des groupes sur les résultats, la motivation et l’engagement de chaque élève.

Et c’est là que l’étude révèle des choses étonnantes : la force moyenne du groupe, telle que mesurée par les notes au premier bulletin, influence significativement les résultats de fin d’année de chacun et leur motivation. La force du groupe pourrait par exemple augmenter la note de chacun des élèves de 2 points de pourcentage, en moyenne, par rapport à des groupes moins forts (1).

Privé ou public ?

L’étude donne des munitions aux détracteurs du système public-privé au Québec. Puisque la composition et la force du groupe sont cruciales, diront-ils, les parents ont raison d’envoyer leurs enfants au privé ou encore dans une école publique à vocation particulière. Mais qu’arrive-t-il alors aux enfants du public ordinaire, dont les classes comptent beaucoup d’enfants plus faibles ou qui ont des problèmes de comportement ?

En finançant le privé comme nulle part ailleurs au Canada, le gouvernement empêche-t-il certains élèves du public ordinaire de bénéficier de cet effet de groupe ?

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Une étude publiée récemment par la professeure Isabelle Plante et les cochercheurs Annie Dubeau et Frédéric Guay se penche sur l’influence de la force du groupe sur les résultats des individus, leur estime de soi, leur motivation et leur engagement à l’école.

La recherche sera assurément sujette à critiques. Certains économistes, études à l’appui, contestent cet effet de groupe. Ou encore, ils jugent que le privé a permis au Québec d’obtenir des résultats remarquables dans les tests internationaux, tout en permettant aux élèves plus faibles d’avoir des résultats aussi bons sinon meilleurs qu’ailleurs, malgré tout.

L’économiste Catherine Haeck, qui a fait beaucoup de recherches sur l’impact des politiques publiques sur les enfants, a certaines réserves sur l’étude. Également professeure à l’UQAM, Mme Haeck trouve la recherche intéressante, mais estime qu’elle aurait dû comprendre d’autres variables, comme l’impact du milieu socio-économique (revenu des parents, scolarité de la mère) et les pratiques parentales d’éducation, par exemple.

Selon Mme Haeck, très qualifiée en mathématiques, les chercheurs auraient aussi eu intérêt à raffiner le niveau de force du groupe. La force moyenne du groupe semble augmenter le rendement des individus, mais qu’en est-il de l’impact des groupes très forts ou très faibles ? « Et on ne sait pas si en ayant seulement des groupes moyens [ce à quoi ressemblerait un système entièrement public], les résultats seraient globalement meilleurs », dit-elle.

Le travail d’Isabelle Plante et de ses collègues n’est pas terminé. Avec la montagne de données obtenues, ils veulent notamment vérifier un autre phénomène, soit l’importance des types d’enseignants sur le cheminement des élèves. Vous savez, ce prof modèle, excellent pédagogue, drôle mais strict, attentif, qui change le destin des enfants. L’exercice d’analyse sera difficile, mais certaines questions pourraient leur permettre d’élucider le mystère. À suivre…

1) Au départ, l’étude n’avait pas tant pour but de tester l’effet positif du groupe sur les individus, mais au contraire, de vérifier notamment si les groupes forts pouvaient être intimidants et démotivants pour les élèves moins performants. Les résultats démontrent le contraire.