Occasion d’affaires pour le ministère de l’Économie, péril à éviter pour celui de la Santé, casse-tête pour l’Éducation et les Transports… Les acteurs gouvernementaux sollicités par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) ont des points de vue fort divergents sur les résidus amiantés, révèlent les documents rendus publics lundi.

« Le nombre croissant de projets industriels dans ce secteur et la synergie entre les acteurs démontrent l’intérêt, mais également la pertinence de réaliser ces projets », clame le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) dans ses réponses au BAPE. Plusieurs de ces projets, dont Alliance Magnésium à Danville, sont intéressés par la teneur en magnésium présente dans les résidus miniers.

L’ensemble des projets pourraient, à terme, amener environ 1,3 milliard de dollars d’investissements, créer plus de 650 emplois et diversifier l’économie des MRC des Sources et des Appalaches, affirme le MEI. La récupération de ces résidus « concorde avec les principes de l’économie circulaire », fait même valoir le Ministère.

La « récupération optimale des substances minérales » fait partie intégrante de la Loi sur les mines, précise le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. « Les efforts de valorisation seraient facilités si les résidus miniers étaient exempts de fibre d’amiante, ce qui n’est pas le cas », reconnaît-il toutefois.

Risques et précautions

« La situation idéale du point de vue de la prévention sanitaire consisterait donc à ne pas autoriser la valorisation des résidus miniers amiantés », soutient au contraire le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), en soulignant littéralement cette phrase dans son avis. 

Des expositions répétées aux fibres d’amiante, même à faible concentration et de courte durée, peuvent poser des risques pour la santé, affirme le MSSS en rappelant qu’il n’existe pas de seuil d’exposition sécuritaire pour les effets cancérigènes de l’amiante.

Si jamais Québec décide quand même de permettre l’utilisation des résidus amiantés, une vingtaine de conditions devraient être respectées pour éviter de contaminer la population et les travailleurs, dit le Ministère.

« La CNESST verrait à ce que la réglementation applicable soit respectée », indique pour sa part la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), non sans rappeler que la norme d’exposition québécoise pour l’amiante chrysotile (1 fibre par centimètre cube) est 10 fois plus élevée que la norme du fédéral et de la plupart des autres provinces.

À mi-chemin entre les positions précédentes, les ministères de l’Environnement et des Affaires municipales ouvrent la porte à l’utilisation des résidus amiantés, à certaines conditions. Le ministère de l’Environnement exige un suivi de la qualité de l’air ambiant, et promet que pour la protection de la santé publique, il « s’appuiera sur les positions du MSSS ».

Un cadre permettant la valorisation des résidus devrait favoriser des « conditions propices au développement des communautés » et être élaboré en étroite collaboration avec le milieu municipal, recommande le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

Écoles et bitume

Pour les ministères des Transports (MTQ) et de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, les résidus amiantés ne sont pas une possibilité future, mais un casse-tête immédiat. Dans le réseau de l’enseignement, l’inventaire se poursuit. En 2017, 4 des 72 commissions scolaires n’ont pas donné suite à la demande de reddition de comptes du Ministère.

Par ailleurs, seulement quatre des cégeps et universités ayant répondu au coup de sonde du Ministère seraient exempts d’amiante. HEC Montréal, le cégep de Rimouski et le cégep Édouard-Montpetit sont des exemples d’établissements ayant dû investir dans le désamiantage, indique le Ministère, sans préciser les coûts.

Le MTQ, par contre, connaît toute l’étendue du problème des enrobés amiantés (EA) sur ses routes : il y en a sur 1028 km, soit 3,3 % du réseau. La quasi-totalité se trouve en Estrie, dans le Centre-du-Québec, dans le Bas-Saint-Laurent et en Chaudière-Appalaches. Les 24 km restants sont répartis entre la Communauté métropolitaine de Montréal, la Montérégie et le Saguenay–Lac-Saint-Jean.

« Ces informations n’incluent pas les quantités d’EA présentes sur le réseau routier municipal, celles-ci n’étant pas connues », précise cependant le MTQ. La gestion actuelle des EA retirés en fin de vie utile « présente des difficultés et ne permet pas de satisfaire aux principes de développement durable », admet le Ministère en indiquant qu’un groupe de travail interministériel avait été mis sur pied.