Une nouvelle étude américaine établit un lien entre un mode de vie piéton et la mobilité sociale. Les enfants élevés dans des quartiers accessibles à pied gagneraient mieux leur vie à l’âge adulte.

Meilleur salaire

Vivre dans un quartier accessible à pied favorise l’activité physique, fait fondre les coûts de déplacement, en plus d’avoir des effets positifs sur l’humeur et le bien-être. Selon une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique American Psychologist, les bénéfices ne s’arrêtent pas là : les enfants ayant grandi dans les quartiers où le degré d’accessibilité à pied est élevé sont plus susceptibles de monter dans l’échelle socioéconomique et de toucher un salaire supérieur à l’âge adulte.

Neuf millions de personnes

C’est en analysant des données concernant plus de neuf millions d’Américains nés entre 1980 et 1982 que des chercheurs de l’Université Columbia, de l’Université de la Virginie et de l’Université de l’Illinois ont réalisé que les enfants appartenant au quintile de la population le moins nanti avaient significativement plus de chances d’atteindre le quintile le mieux rémunéré à l’âge de 30 ans s’ils avaient grandi dans un quartier accessible à pied.

Pittsburgh c. Houston

« Ça m’a surpris, explique en entrevue avec La Presse Shige Oishi, professeur au département de psychologie de l’Université Columbia, à New York, et coauteur de l’étude. J’ai été étonné de constater que des enfants issus de quartiers défavorisés ayant grandi dans des endroits moins dynamiques économiquement, Pittsburgh par exemple, aient pu grimper l’échelle économique plus rapidement que des enfants issus de quartiers similaires ayant grandi dans des endroits où l’économie connaissait un boom, comme Atlanta ou Houston. »

Walk Score

Pour connaître le degré d’accessibilité à pied d’un quartier, les chercheurs ont utilisé le Walk Score, système de notation en ligne qui accorde une note comprise entre 0 et 100 à chaque adresse aux États-Unis et au Canada. Plus la note est élevée, plus il est possible d’y vivre au quotidien sans devoir utiliser une voiture pour, par exemple, se rendre au travail, à l’école ou faire ses emplettes. Les chercheurs écrivent que la relation entre le quartier et la hausse des revenus « va au-delà des facteurs précédemment utilisés pour expliquer la mobilité sociale, tels que l’inégalité des revenus et le capital social, et va au-delà des explications d’origine politique, économique et démographique ».

Accessible à tous

L’un des avantages des quartiers accessibles à pied est que les déplacements y sont ouverts à tous, riches comme pauvres, note M. Oishi. « À Atlanta et à Houston, nous avons réalisé que de nombreux nouveaux emplois bien rémunérés se trouvaient en banlieue. Pour vous y rendre, vous avez besoin d’une voiture. Sans voiture, vous ne pouvez même pas envisager d’y travailler. Des endroits où les déplacements à pied sont possibles n’ont pas cette barrière : les points d’intérêt y sont accessibles à tous. »

Faire tomber les barrières

Un quartier défavorisé qui n’est accessible qu’en voiture peut confiner ses habitants à une vie cloisonnée, note M. Oishi. « Je pense que dans un quartier dépendant de la voiture, les résidants moins nantis sont cloisonnés et ne rencontrent pas beaucoup de personnes de différents quartiers. En revanche, dans un quartier où il est possible de se déplacer à pied, les résidants peuvent rencontrer des personnes de différents horizons, en prenant un bus ou un train, par exemple. Vous voyez beaucoup de gens qui ont du succès, et certains peuvent devenir des modèles, ou au moins déclencher une réflexion du type : “Comment puis-je y arriver ?” Je pense qu’il est plus facile d’éprouver un sentiment d’appartenance dans un lieu propice à la marche. »