Le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec fait volte-face et retire son questionnaire portant sur la sexualité des couples qui désirent adopter un enfant dans la banque mixte de la Direction de la protection de la jeunesse de la région. 

Le Nouvelliste révélait hier que les personnes qui voulaient accueillir un enfant devaient répondre à 26 questions allant de la longueur de leurs rapports sexuels jusqu’à leurs habitudes de masturbation et leur capacité à avoir un orgasme. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé hier que le questionnaire ne serait plus utilisé.

Marie-Claude* et son conjoint ont entamé le processus pour adopter un enfant il y a deux ans. Ils ont répondu à des centaines de questions pour évaluer leurs traits de personnalité et dresser leur profil psychologique. Lors de la dernière étape du long processus, les deux amoureux ont dû répondre séparément et à l’oral à 26 questions sur leurs habitudes sexuelles.

Dans son entretien mené par un homme, Marie-Claude s’est fait demander : « Combien de temps durent vos “jeux préliminaires” avant d’avoir une relation sexuelle ? » « Vous est-il possible d’atteindre l’orgasme par la masturbation ? » ou encore : « Arrive-t-il à votre conjoint d’éjaculer sans avoir une érection complète et dure ? »

La femme qui souhaite devenir maman s’est sentie troublée de devoir ainsi détailler sa vie sexuelle. « C’est très humiliant ! L’État te force à ouvrir les cuisses et regarde si c’est en bonne santé. Je me suis sentie déshabillée par un homme, en plus. C’était hyper désagréable », raconte celle qui désire garder l’anonymat pour ne pas nuire à ses chances d’accueillir un petit ou une petite chez elle.

Marie-Claude se demande quelle était la bonne réponse à la question : « Combien de fois te masturbes-tu ? » « Une fois par jour ? Par semaine ? Par mois ? »

Une fois que le questionnaire a été rempli, raconte Marie-Claude, les deux partenaires ont été réunis et l’évaluateur a exposé leurs réponses.

« C’est hallucinant ! Si tu n’as pas répondu la même chose que ton chum, ils vont jusqu’à créer des problèmes dans des couples qui n’en ont pas. » — Marie-Claude

La sexologue Jocelyne Robert croit qu’un questionnaire sur la sexualité des personnes qui désirent adopter un enfant est nécessaire, mais elle ne cache pas son malaise devant les 26 questions, parfois trop intrusives, utilisées par le CIUSS. Celle qui est aussi autrice se demande si les évaluateurs « noient » les questions les plus importantes parmi d’autres pour cibler de potentiels agresseurs.

« Qu’est-ce que ça a à voir, la fréquence des activités sexuelles du couple ? Tu peux avoir des relations sexuelles une fois par mois et être très équilibré et très en harmonie. Tu peux aussi en avoir trois fois par jour et être équilibré et en harmonie. Il n’y a pas de norme et rien n’est absolu dans ce domaine », dit Mme Robert.

« Si une femme répond que ce n’est pas elle, l’instigatrice des rapports sexuels, est-ce que l’évaluateur va conclure que le mari vit des frustrations ? », se demande-t-elle.

Viser les couples en santé

Francine Bronsard, travailleuse sociale et psychothérapeute au CIUSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, affirme que l’examen sur les habitudes sexuelles n’était qu’une petite partie du long questionnaire de 40 pages.

Le questionnaire a été élaboré par des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières et mis en place il y a un an pour protéger les enfants d’abus sexuels, notamment.

L’interrogatoire visait aussi à confier des enfants à des couples en santé. « S’il y a de l’insatisfaction au niveau sexuel, pour nous, ça devient un facteur de risque. On confie des enfants qui sont perturbés. Ce qu’on veut, c’est que les couples restent en santé avec l’arrivée de l’enfant », a expliqué Mme Bronsard, une heure avant que la décision de retirer le questionnaire ne soit prise.

Le ministre délégué Lionel Carmant a confirmé, hier en après-midi sur Twitter, que « l’établissement cessera[it] la passation du questionnaire ».

* Nom fictif