Les municipalités de l’ensemble du pays ont présenté leur liste d’épicerie. À l’instar de divers groupes ou instances, les villes canadiennes ont fait part de leurs désirs et besoins aux chefs engagés dans la présente campagne électorale fédérale. Un survol des demandes est un exercice sociologique fort intéressant.

Comme le veut la tradition, les villes du Québec ont établi leur propre liste alors que celles des autres provinces, par l’entremise de la Fédération canadienne des municipalités, sont arrivées avec la leur. On remarque que, dans l’ensemble, les villes canadiennes s’entendent toutes sur trois choses : qu’Ottawa leur offre un appui pour s’adapter aux effets des changements climatiques, améliorer leur système de transport collectif et augmenter l’accès aux logements sociaux et abordables.

Que les municipalités du pays soient au diapason en dit beaucoup sur l’extrême importance de ces enjeux, particulièrement celui de l’environnement qui est devenu une préoccupation pour tous les ordres de gouvernement et tous les dirigeants. 

De tous bords, tous côtés, on désire prendre le taureau par les cornes et s’attaquer aux problèmes environnementaux. Les villes veulent des milliards pour combattre, chacune avec leur contexte, ce monstre à plusieurs têtes.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, ajoute à ces trois grands chantiers un soutien pour faire « rayonner Montréal à l’échelle internationale » et un appui à l’initiative Montréal, métropole culturelle. Je n’ai pas vu de demande similaire du côté du Canada anglais. Le rayonnement de l’identité québécoise (ou montréalaise) a toujours été une priorité pour nous. Ce n’est pas demain la veille que ça va changer.

Quand on se prête au jeu de « Dis-moi ce que tu demandes et je te dirai dans quelle époque tu vis », il est intéressant de constater, en retournant voir les demandes faites par l’ancien maire de Montréal, Denis Coderre, lors des élections de 2015, qu’elles gravitaient autour des… transports en commun et du logement abordable. À cela, le maire avait ajouté une demande d’aide spécifique pour lutter contre la radicalisation.

Denis Coderre avait aussi inséré dans sa liste une aide substantielle pour améliorer les infrastructures de Montréal et d’autres pour éviter le péage sur le pont Champlain, appuyer le financement de Radio-Canada, créer des centres d’injections supervisés et, bien sûr, financer les festivités du fameux 375e anniversaire de Montréal.

Parmi les demandes plus précises de Valérie Plante, on retrouve celle de rendre obligatoires les barres latérales sur les poids lourds. La Ville de Montréal promet depuis son élection en 2017 d’imposer à ses fournisseurs ces barres qui assurent une plus grande sécurité aux piétons et aux cyclistes. Voilà que la mairesse se tourne vers le fédéral pour atteindre son objectif.

Je salue le geste de Valérie Plante, mais je ne peux m’empêcher de trouver ahurissant que cette mesure, qui empêche une personne fauchée par un camion de glisser sous les roues d’un véhicule, vienne de la mairesse d’une ville canadienne. Il me semble que cela devait venir de l’ensemble des gouvernements provinciaux, du ministère des Transports, des entreprises de camionnage ou des constructeurs de poids lourds eux-mêmes.

Maintenant, si on se prête au jeu de « Dis-moi ce que tu demandes et je te dirai ce que tu vis », il est intéressant (mais attristant) de constater quelles sont les réalités qui sous-tendent les demandes des villes.

Ainsi, à Vancouver, on réclame une aide fédérale afin de lutter contre la terrible crise de la drogue qui frappe la ville.

Pour aider les milliers d’héroïnomanes qui vivent à Vancouver, le maire Kennedy Stewart demande au fédéral d’étudier une proposition qui permettrait aux toxicomanes d’avoir accès à de l’héroïne de qualité pharmaceutique. Le but étant bien sûr de réduire le nombre de surdoses mortelles souvent liées à la consommation de fentanyl.

Kennedy Stewart souhaite que l’on modifie les lois fédérales pour que la diacétylmorphine, un opioïde de substitution, soit autorisée sur le marché. M. Stewart a pu s’entretenir avec les chefs du Parti libéral du Canada, du Parti vert et du Nouveau Parti démocratique à ce sujet, mais il n’a pas encore eu la chance d’en parler avec Andrew Scheer, chef du Parti conservateur.

Peu après le point de presse du maire de Vancouver, un porte-parole du Parti conservateur s’est empressé de déclarer que son chef n’appuie pas les centres d’injections supervisés, les opioïdes pharmaceutiques et la décriminalisation de la drogue. Le message est pas mal clair.

Cette demande est extrêmement troublante. Mais en même temps, je trouve le geste de ce maire très courageux. Il prouve qu’il est de son temps et que, pour lutter contre ce fléau, il faut cesser de se raconter des histoires et croire aux contes de fées. Stoppons d’abord l’hémorragie, on pourra mieux regarder le problème après.

Le jeu de séduction qui s’opère entre les partis et les municipalités est très important dans une campagne. Les besoins sont parfois spécifiques et relèvent d’une foule de facteurs. On le voit bien.

En tout cas, j’espère que le maire de Saint-Tite a brandi une longue liste de demandes lors des deux week-ends de son festival. Tous les chefs (ou presque) y sont allés. Le rêve de tous les maires du pays.

Ça leur apprendra à ne pas savoir monter sur un taureau.