Le président de la seule entreprise spécialisée dans le recyclage d’avions au Canada est notre personnalité de la semaine.

« Est-ce que je vous en ai trop dit ? » Voilà plus de 30 minutes que je suis en entrevue avec Ron Haber et nous ne sommes même pas rendus à la moitié de son CV.

L’homme d’affaires qui vient de recevoir des certifications aussi difficiles à obtenir que cruciales pour sa toute dernière entreprise, Aerocycle, a fait beaucoup de choses dans la vie.

« Être entrepreneur, on a ça dans le sang », dit l’homme de 57 ans qui a lancé une dizaine d’entreprises dans des secteurs aussi différents que les tatouages temporaires au henné et le recyclage de pièces électroniques.

Son dernier projet est colossal : le recyclage des avions.

Les démonter, redonner aux anciens propriétaires ce qu’ils veulent récupérer, voir tout qui ce peut être revendu, des sièges aux tuyaux en passant par les réservoirs, et, bien sûr, les composantes électroniques.

Saviez-vous que des gens veulent récupérer des cabines de pilotage entières pour avoir ça dans leur maison ? Que d’autres transforment les ailes en tables ? Que les réservoirs d’eau sont très utiles pour les agriculteurs ?

Il y a bien des choses à faire avec ces monstres de ferraille qui naguère finissaient leur vie à attendre l’éternité dans des déserts américains, où ils étaient source de contaminants, entraînant des problèmes de toutes sortes.

Mais démonter et recycler des avions ne se fait pas n’importe comment et le processus de certification est long et coûteux. 

Voilà ce que notre personnalité de la semaine vient fièrement d’obtenir : le feu vert de l’Aviation Supplier Association (ASA) et celui de l’Aircraft Fleet Recycling Association (AFRA).

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Ron Haber a grandi sur une ferme à Saint-Laurent, dans un secteur de cet arrondissement montréalais qui n’a plus rien d’agricole aujourd’hui.

Son grand-père, un immigrant tchèque, avait construit une maison de six logements où toute sa famille habitait. Il y avait un potager, des poules et même des cochons, bien qu’ils aient arrêté cet élevage au début des années 60. « On avait des pruniers, des pommiers, des poiriers. Je partais vendre des œufs et des fruits et des légumes avec ma trottinette aux gens qui prenaient le train à la gare pas loin de chez nous. »

Il devait avoir 8 ans environ.

Il me raconte tout ça et marque une pause.

« C’est peut-être à ce moment-là, dans le fond, que je suis devenu entrepreneur. »

Son père l’a précédé dans cette voie. Il revendait des pièces électroniques. « J’étais jeune et j’allais travailler avec lui et je me voyais devenir homme d’affaires. »

Il avait 15 ans, 17 ans. Son père ne voulait pas qu’il chôme et le poussait dans le dos. Haber devait voler de ses propres ailes.

Il n’a jamais terminé son secondaire, mais il est entré à l’école de l’entrepreneuriat, sur le terrain, très jeune. Quand il n’était pas en train de démarrer ses propres entreprises, il était en train de démarrer celles d’autres. Il a notamment travaillé pour l’Université McGill pour lancer CLUMEQ, un superordinateur opéré en consortium par les grandes universités québécoises.

L’axe principal de sa carrière s’articule autour de l’informatique et de l’électronique. Mais il a eu des projets parallèles en tous genres. Il a essayé d’importer des produits de beauté ayurvédiques indiens. Il a distribué des tatouages au henné et de faux piercings, un des projets les plus lucratifs de sa carrière.

Il a lancé une école d’animation en 2D et 3D, Cyclone art et technologie, qu’il a revendue au Collège LaSalle. Il a aussi distribué des accessoires haut de gamme pour chiens.

Et sa passion pour l’entrepreneuriat est contagieuse.

Il appuie ses quatre fils, qui ont des projets d’affaires, tout comme sa conjointe, une infirmière spécialiste en soins esthétiques médicaux.

Et Aerocycle dans tout ça ?

Aerocycle est née d’une drôle d’idée. L’homme d’affaires faisait déjà du recyclage de pièces électroniques quand il a su en 2013 que Transat lançait un appel d’offres pour le recyclage de tout un aéronef.

« Mon associé m’a dit : “Es-tu tombé sur la tête ? Défaire un avion au complet ?” »

Mais il a tout de même proposé de le faire et a gagné l’appel d’offres. En 2015, après le démantèlement réussi d’un Airbus 310, Transat a gagné le prix Développement durable, mais aussi le prix Entreprise de l’année aux Mercuriades de la Fédération des chambres de commerce. Justement en raison de ce projet de démantèlement.

Il y a eu d’autres avions ensuite. Mais le développement de l’entreprise était ralenti par les accréditations manquantes, celles qu’Aerocycle vient d’obtenir.

Entre la volonté des entreprises de recycler, le marché des avions en croissance, le dollar canadien bien bas, Haber est sûr que les ingrédients sont là pour que son entreprise grandisse bien. Mais Aerocycle n’est pas rentable pour le moment, rappelle-t-il.

Il conserve donc son emploi de cadre chez Dell EMC. Une stabilité qu’il a toujours su préserver en marge de ses projets. Est-ce que des investisseurs auraient pu l’aider à se consacrer à temps plein à sa nouvelle société ?

« On va voir ce qui arrive dans les 12 prochains mois, dit-il. Là, on s’est financés tous seuls. Et on ne doit rien à personne. »

RON HABER EN QUELQUES CHOIX

Un film : 2001, l’odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick

Un livre : la biographie de Robin Williams

Un personnage historique : Maurice Richard

Un personnage actuel : Le motivateur américain Anthony Robbins

Une phrase : « On a deux vies. La deuxième commence quand on réalise qu’on n’en a qu’une. »

Une cause : Les refuges pour animaux, la SPCA