« Cette femme est vraiment moche. »

Celui qui parle est un ministre brésilien qui, quelques jours après les commentaires misogynes du président Jair Bolsonaro au sujet de Brigitte Macron, a senti le besoin, jeudi, d’en ajouter une couche, en se moquant lui aussi de l’apparence physique de la « première dame » de France.

PHOTO MAURO PIMENTEL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Paulo Guedes, ministre de l’Économie du Brésil

« Nous sommes en 2019 et des responsables politiques ciblent une femme publique sur son physique. Ça existe encore, me direz-vous ? Eh oui ! », a répliqué la fille de Brigitte Macron, l’avocate Tiphaine Auzière. Dans une vidéo diffusée hier sur son fil Twitter, avec le mot-clic #balancetonmiso, elle invite les internautes à se mobiliser contre cette misogynie malheureusement encore bien répandue.

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Il est toujours un peu décourageant de constater qu’en dépit des avancées féministes des dernières décennies, des hommes de pouvoir, censés donner l’exemple, se sentent encore et toujours autorisés à attaquer des femmes sur leur physique. C’est à croire qu’ils espèrent tous rafler la palme du concours du politicien le plus sexiste de l’année. Attention, la compétition est féroce !

En matière de misogynie dans les cercles du pouvoir, la France est mal placée pour faire la leçon à l’international, puisqu’elle n’est pas sans reproche, a souligné Tiphaine Auzière dans sa vidéo. On n’a qu’à se souvenir, dit-elle, des épisodes pas très glorieux ni très lointains à l’Assemblée nationale française où une femme a été jugée pour une robe considérée un peu trop fleurie et où un parlementaire a cru bon faire la poule pendant l’intervention d’une de ses collègues. La poule, oui, oui…

Chez nous aussi, les femmes politiques doivent affronter leur lot de sexisme « ordinaire » qui vise à les discréditer en les ramenant constamment à leur corps et à leur apparence. Que l’on pense par exemple à l’ex-première ministre Pauline Marois, sans cesse critiquée pour ses foulards et sa façon de s’habiller. Ou, plus récemment, à la ministre de l’Environnement Catherine McKenna qui a été qualifiée de « Barbie du climat » par un reporter du site d’extrême droite The Rebel.

On pourrait y voir un retour en force du boys’ club. Mais pour parler de « retour », encore faudrait-il que ce boys’ club soit un jour parti.

Les colonnes du temple machiste ont beau avoir été ébranlées par les luttes féministes, le mouvement #metoo et la présence de plus en plus marquée de femmes en politique, les dieux du temple se portent encore très bien, merci.

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Après les commentaires « extraordinairement irrespectueux » de Bolsonaro (dixit Emmanuel Macron), de nombreux Brésiliens et Brésiliennes, qui ont visiblement honte de leur président, ont présenté leurs excuses à Brigitte Macron sur Twitter en utilisant le mot-clic #DesculpaBrigitte (Désolé Brigitte). Les féministes brésiliennes, qui ont milité contre l’élection de ce président d’extrême droite ouvertement misogyne (c’est le plus souvent un pléonasme), sont plus mobilisées que jamais. Voilà qui nous console un peu. Mais ce n’était malheureusement pas suffisant pour empêcher le ministre brésilien de l’Économie de courir à la défense de son président avec d’autres propos insultants.

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Paulo Guedes, ministre de l’Économie du Brésil

« Le président [Bolsonaro] l’a dit, et c’est la vérité. Cette femme est vraiment moche », a dit le ministre Paulo Guedes, lors d’un débat avec des hommes d’affaires brésiliens. Loin de susciter la désapprobation, sa remarque lui a valu un tonnerre d’applaudissements et de nouveaux gloussements du boys’ club. Un petit communiqué d’excuses faussement repentant a suivi : ce n’était pas pour offenser qui que ce soit, c’était juste une blague, voyons !

Comme c’est drôle, en effet… Allez, souriez un peu, mesdames. Vous n’avez pas le sens de l’humour, ou quoi ? Si on ne peut plus insulter tranquille la femme d’un président avec qui on a un désaccord au sujet de petits détails sans importance (les changements climatiques et la forêt amazonienne qui brûle), où s’en va le monde ?

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Certains surnomment Bolsonaro le « Trump des tropiques ». Les deux présidents ont en effet quelques traits en commun. On aura remarqué qu’ils ne sont ni l’un ni l’autre reconnus comme de grands défenseurs des droits des femmes.

En 2003, Bolsonaro, alors simple député, avait dit au sujet d’une collègue : « Elle ne mérite pas [d’être violée], car elle est très laide. Ce n’est pas mon genre. Je ne la violerais jamais. »

C’est exactement le même type de propos banalisant les violences sexuelles que Trump a tenus plus d’une fois. Il a souvent laissé entendre de façon odieuse que les femmes qui l’accusaient n’étaient pas assez séduisantes pour « mériter » une agression sexuelle.

« Je vais le dire avec grand respect. […] Ce n’est pas mon genre de femme », a-t-il dit en réponse aux allégations de viol de l’éditorialiste E. Jean Carroll.

« Croyez-moi, elle ne serait pas mon premier choix. Ça, je peux vous le dire », a-t-il dit encore au sujet d’une autre femme qui l’accusait de l’avoir agressée dans un avion.

Pour ces misogynes en chef, les femmes ne sont que des petites choses sans importance, sans cesse réduites à un corps jetable qui n’a qu’une fonction : satisfaire leurs critères de désirabilité pour mieux assouvir leur besoin de domination.

Dans un tweet dénonçant les commentaires sexistes visant Brigitte Macron, la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes en France, Marlène Schiappa, a cité l’écrivaine Virginie Despentes. « Pendant ce temps, les hommes n’ont pas de corps. Pas d’âge, pas de corpulence. N’importe quel *** rougi à l’alcool, chauve à gros bide et look pourri, pourra se permettre des réflexions sur le physique des filles. (…) Ce sont les avantages de son sexe. »

Si laideur il y a, elle est dans cette injustice.