Le gouvernement fédéral confirmera aujourd’hui des investissements de 49,2 millions pour la reconstruction d’infrastructures municipales lourdement endommagées par les inondations printanières, comme à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, où Ottawa versera 20 millions pour renforcer la digue qui a cédé le 27 avril dernier.

C’est le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, François-Philippe Champagne, qui doit en faire l’annonce en matinée, à Deux-Montagnes dans les Laurentides, a appris La Presse. Selon nos informations, l’aide avancée par le fédéral servira à la réalisation de trois projets « pour mieux protéger » les villes des inondations.

Les sommes totalisant près de 50 millions seront tirées du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophe. Québec et les municipalités doivent aussi participer au montage financier, estimé pour les trois projets à quelque 120 millions. Ottawa contribue à hauteur de 40 %, comme doit aussi le faire la province.

Les villes doivent quant à elles acquitter 20 % de la facture.

Nous, on est prêts à aller de l’avant, et en matière de sécurité, c’est clair qu’on ne peut pas attendre.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, joint en fin de journée hier

« Vous savez, c’est au moment de l’annonce du fédéral que les coûts deviennent admissibles, donc vous comprendrez l’intérêt pour les maires et mairesses de procéder le plus rapidement possible et, certainement, avant l’élection », a-t-il ajouté, soulignant que Québec avait déjà autorisé les travaux liés aux trois projets.

C’est sans surprise Sainte-Marthe-sur-le-Lac qui touche la part du lion de l’enveloppe fédérale avec 20 millions. La municipalité située dans les Laurentides a été fortement secouée par la rupture, sous la force de l’eau, d’une digue végétale, ce qui a provoqué l’évacuation d’urgence de 6000 habitants et des dommages matériels considérables.

Les travaux de reconstruction de la digue protectrice ont d’ailleurs causé des remous en début de semaine, car un groupe de résidants habitant près du lac des Deux Montagnes s’oppose à son rehaussement. La nouvelle structure de 5 km doit être reconstruite avec une crête de 26,5 m d’élévation avant le printemps 2020.

Outre la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, les sommes versées par Ottawa serviront à la reconstruction et à la réhabilitation d’installations dans les secteurs du lac des Deux Montagnes (18 millions) et de la rivière des Milles Îles (12 millions). Les maires des municipalités visées par les projets doivent aussi prendre part à l’annonce.

Annonce sans Québec

Selon nos informations, aucun représentant du gouvernement provincial ne participera à la conférence de presse de ce matin. Interrogé là-dessus, le ministre fédéral s’est défendu de vouloir faire une annonce rapidement, sans attendre Québec, à l’aube du déclenchement des élections générales d’octobre prochain.

« On parle de sinistrés, de familles qui ont vécu des drames, alors pour nous, il était essentiel de procéder rapidement. […] Ce que les gens veulent, c’est que ça avance et que ce soit fait avant la prochaine saison », a assuré M. Champagne, ajoutant qu’il était « tributaire » des projets soumis auprès de son gouvernement.

Par ailleurs, La Presse canadienne rapportait récemment que Québec ne participerait plus à aucune annonce publique du fédéral en raison de la rentrée politique et de la période de précampagne pour ne favoriser aucun parti politique.

Les trois projets annoncés aujourd’hui ont été présentés au gouvernement fédéral le 28 août dernier. Ottawa les a approuvés le 4 septembre.

En mai dernier, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a autorisé Sainte-Marthe-sur-le-Lac à procéder aux travaux de stabilisation et de réparation de l’ouvrage de protection, sans toutefois préciser le détail de la facture qui serait partagée entre Ottawa, Québec et la Ville. Hier encore, au bureau de M. Charette, on refusait de s’aventurer sur le partage de la note finale des projets.

Une digue qui fait rager

Séance extraordinaire


Le conseil municipal de la Ville de Sainte-Marthe-le-Lac a tenu une séance extraordinaire, mardi dernier, concernant la poursuite des travaux sur la digue. La nouvelle digue sera renforcée et sa hauteur dépassera d’un mètre et demi celle de la digue précédente. La mairesse, Sonia Paulus, a indiqué que la Ville avait été mise en demeure par deux citoyens riverains de faire cesser les travaux. La séance avait pour objectif de donner le pouvoir au conseil municipal de demander une injonction si des résidants tentaient d’empêcher les ouvriers de faire le travail.

Grogne de riverains


Des riverains s’opposent aux termes du projet. « On est d’accord que ça doit être fait, on est d’accord que ça doit être rehaussé, mais on est contre l’ampleur des travaux », a dit à La Presse un citoyen de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, Serge Racette. Il fait partie d’un regroupement de riverains qui déplore l’étendue et la hauteur de la nouvelle digue, notamment. Il en veut pour preuve que la digue n’a pas été submergée. Sa concitoyenne Caroline Calvé, sinistrée en avril, est de son côté certaine d’une chose : la digue doit être plus haute. « On a fait des sacs de sable pour ça en 2017 et en 2019, on était sur le bord [du débordement] », a-t-elle dit à La Presse.

Appui gouvernemental


La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a donné son appui à la mairesse Sonia Paulus, mercredi dernier, affirmant que le premier devoir des élus provinciaux et municipaux, « c’est la protection des citoyens, et cette protection-là, elle passe par le rehaussement et le renforcement de la digue ». Le citoyen riverain Serge Racette a dénoncé la position, insistant pour dire à La Presse que « le gouvernement Legault se plante et parle de quelque chose qu’il n’a pas vu ». En mai dernier, le gouvernement du Québec avait annoncé que la municipalité pourrait réaliser les travaux de stabilisation et de réparation de la digue.

Évacuation d’urgence


Quelque 6000 personnes ont été évacuées d’urgence le 27 avril dernier à la suite de la rupture de la digue. L’inondation a touché environ 2500 bâtiments. Les élus avaient adopté une résolution quelques mois auparavant pour demander l’autorisation au ministère de l’Environnement pour réaliser la réfection de la digue, endommagée lors des inondations de 2017. Le gouvernement a annoncé au printemps un programme prévoyant un versement pouvant aller jusqu’à 200 000 $ aux sinistrés qui veulent déménager. Au fil des mois, les personnes touchées ont dénoncé à plusieurs reprises l’absence d’information concrète pour la suite. « On continue à nager dans le néant », a dit Caroline Calvé hier.


— Janie Gosselin, La Presse, avec La Presse canadienne