Vous allez à la finale masculine de la Coupe Rogers, demain midi, au stade IGA ? Chanceux ! C’est votre première fois ? Ça vous stresse un peu ? Lisez ce guide du parfait spectateur de tennis, et tout ira bien.

D’abord, comment s’habiller pour aller au tennis ? Bien des gens s’habillent en tennis. En joueur ou en joueuse de tennis. C’est concept. Vous aimez Nadal, vous vous habillez comme Nadal. Le soulier tigré Nike, les bas blancs courts Nike, le short blanc Nike, le t-shirt aqua Nike et le bandeau aqua Nike. Malgré tout, avez-vous l’air de Nadal ? Nada ! Les muscles Nike n’existent pas encore. Mais on apprécie l’effort.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Rafael Nadal est le favori chez les hommes cette année à la Coupe Rogers. 

Le tennis se prête bien à ce mimétisme. S’habiller en Carey Price, pour aller au hockey, n’est pas une bonne idée. Les jambières prendraient trop de place dans le métro. Et la police risque de vous confisquer votre masque, puisque le CH est une religion.

Sachez que le très sérieux magazine L’Express ne recommande pas un look trop sportif pour assister à un match de tennis. Ça fait un peu Justin Trudeau de s’habiller exactement comme ceux que l’on va voir.

L’Express recommande de porter un polo Lacoste, un chapeau panama, un pantalon chino et des Vans Old Skool blanches aux pieds. Ainsi vêtu, vous pourrez aller, après le match, à un BBQ chez Emmanuel Macron sans problème.

Pour les dames, le site du tournoi de Roland-Garros conseille les épaules dénudées, sans marques de bronzage disgracieuses. Ben quins ! De quoi j’me mêle ? On vous incite à porter une robe blanche à encolure bardot ou une jupe plissée avec un crop top. Dans les pieds, pourquoi pas des petites slip-on légèrement compensées et casual, de chics espadrilles made in Pays basque ou de jolies spartiates à boucle. Vous pensiez mettre vos vieux Crocs ? Oubliez ça ! Vous pensiez vous habiller en mou ? Oubliez ça !

Bref, demain, mettez du linge d’été mais chic. Pas de Speedo ni de bedaine. Vous n’êtes pas dans votre cour, vous n’êtes pas non plus à la cour de Louis XIV. Vous êtes entre les deux. Ne pensez surtout pas qu’on ne vous verra pas. Au tennis, le spectateur est très visible. Il est en plein soleil, bien éclairé, et souvent directement dans le cadre des images des joueurs. Vous vous jouez dans le nez, on vous voit. Vous matez les fesses de Rafa, on vous voit aussi.

Non seulement on vous voit, mais on vous entend aussi tellement. Au Centre Bell, c’est le royaume de la cacophonie, on ne s’entend pas parler. Au stade IGA, c’est l’agora, on entend tout de partout. On peut encourager son favori, mais pas en fou. Tout est une question de dosage. Comme le tennis. Ça se passe entre les lignes. Vous pouvez crier « Go, Nadal, Go ! ». Mais pas trop fort, et pas trop longtemps. Aussitôt que les joueurs se préparent pour le prochain service, on se la ferme. Silence total durant l’action. On n’est pas au soccer, on ne se met pas à chanter des chansons. Tout ce qu’on entend, c’est le bruit de la balle. Poc ! Poc ! Parfois, selon les coups, on peut lâcher un oooh, ou un aaah. Retenu. Presque murmuré. On ne fait pas la vague durant un échange. Quand l’un des opposants tire de l’arrière 5 à 0, on ne se met pas à hurler « Na-na-na-hey-hey-good-bye ». On le pense, c’est tout.

Le tennis est sûrement le plus beau sport auquel on peut assister sur place. Mais il ne faut pas y aller crinqué comme à un septième match Canadien-Boston. Si l’arbitre rend une mauvaise décision, on ne lui lance pas son panama par la tête. On ne crie pas : « Ref sucks ! » On fronce le sourcil, c’est tout. On n’est pas à la lutte. 

On ne va pas au tennis pour se défouler. On va au tennis pour se détendre. Apprécier ce jeu d’échecs où le joueur est toutes les pièces qui se déplacent en même temps.

Si jamais une balle est envoyée dans les gradins, surtout ne pas faire comme au baseball, ne pas plonger par-dessus tout le monde pour s’en emparer fièrement, avant de l’exhiber du bout du bras et de la glisser dans sa poche, en espérant la faire signer par le joueur qui l’a frappée. Au tennis, on remet la balle au préposé aux balles. Tout simplement. Défense de la garder. Je sais que le billet coûte cher, mais on est avare du matériel. Cette pratique illustre bien la philosophie du code d’éthique du parfait spectateur. L’amateur de tennis est un noble, un gentilhomme, une dame distinguée. Quand le noble reçoit une balle, il la remet à ceux à qui elle appartient. C’est élémentaire, mon cher Wilson.

La plupart des compétitions sportives sont entourées d’un rituel guerrier. On prend pour les Raptors ou les Warriors. On porte leurs couleurs. On scande leurs cris. On est prêt pour le combat. On aime les nôtres. On haït les autres. Le tennis a un rituel diplomatique. On aime le nôtre. Et on aime aussi l’autre. On est plus à un concert de l’OSM qu’à un show de Metallica.

Un bon match de tennis, c’est quand les deux adversaires sont bons et qu’ils se poussent à se dépasser. Le fan encourage son favori, mais finit par apprécier les efforts de son adversaire.

Il n’y a rien de plus euphorisant qu’un long échange. Ces instants où le jeu des deux joueurs s’harmonise parfaitement. Durant un long échange, on est admiratif des deux. Durant un long échange, le gagnant, c’est le temps.

Bonne Coupe Rogers à toutes et à tous !