(Québec) Des agronomes à l’emploi des géants de l’industrie siègent à un comité chargé de revoir les pratiques concernant l’usage de pesticides controversés.

L’Union des producteurs agricoles (UPA) a refusé pour cette raison d’en faire partie, étant donné tout le débat sur les pesticides qui dure depuis plusieurs mois.

Rappelons qu’en janvier, un agronome, Louis Robert, a été congédié par le ministère de l’Agriculture pour avoir dénoncé l’ingérence de l’industrie dans la recherche sur les pesticides.

Dans un courriel obtenu par La Presse canadienne daté de mai, l’Ordre des agronomes (OAQ) invite un représentant d’une organisation à ce comité qui doit se pencher sur les semences traitées aux insecticides, plus précisément le maïs et le soya.

L’OAQ a également obtenu la participation d’agronomes qui travaillent pour les entreprises Bayer et Corteva, ainsi que Sollio, une division de La Coop fédérée. Ils siégeront à titre de représentants de l’association des marchands de semences du Québec, selon ce qu’a confirmé un porte-parole de Bayer.

Dans un entretien avec La Presse canadienne cette semaine, le président de l’OAQ, Michel Duval, a confirmé la présence d’agronomes qui travaillent pour des géants de l’industrie, mais a refusé de nommer lesquels.

« On les connaît, mais c’est pour éviter de les montrer du doigt », a-t-il indiqué.

Le comité examinera notamment l’usage des néonicotinoïdes, un produit controversé qu’on soupçonne notamment de décimer les colonies d’abeilles.

Il est chargé de définir une « ligne directrice », en quelque sorte un mode d’emploi que l’agronome peut suivre pour recommander l’usage ou non d’une semence traitée aux insecticides.

« C’est une grille pour aider pour aider les agronomes à prendre des décisions, a expliqué Luc Bourgeois, de Bayer, dans une entrevue avec La Presse canadienne. C’est difficile de seulement aller sur le terrain, quand on n’a pas beaucoup expérience dans une ou l’autre culture. […] C’est comme un médecin habitué à reconnaître les symptômes de la grippe et, tout d’un coup, quelqu’un arrive avec la malaria. »

L’UPA a fait savoir par la voix de son porte-parole qu’elle ne souhaitait pas devenir une « caution morale » pour ce comité dont elle remet en question l’indépendance.

Selon le syndicat agricole, il revient plutôt aux ministères de l’Environnement et de l’Agriculture d’élaborer des lignes directrices et d’ensuite consulter les parties prenantes.

Le président de l’OAQ estime que les agronomes invités provenant de l’industrie s’exprimeront « en toute indépendance » par rapport à leur entreprise.

« On a des gens qui viennent d’autres secteurs, qui ont aussi des opinions. […] On peut vous garantir que s’il y a des représentants de l’industrie, ils ne sont pas là pour noyauter le comité. »

« Tous les agronomes répondent aux exigences de l’Ordre des agronomes, a renchéri Luc Bourgeois. L’ordre a sa propre police, si l’agronome ne suit pas les règles de l’art, il prend le risque de perdre sa licence. »

Des représentants des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement siégeront au comité, ainsi qu’un membre du Comité d’inspection de l’OAQ, de même que des membres du Centre de recherche sur les grains (CEROM), qui a aussi été plongé dans la controverse. Son président, Christian Overbeek, a démenti que l’organisme s’était immiscé dans le travail des chercheurs, avant de se retirer de son poste au printemps.

Il est demeuré président des Producteurs de grains du Québec, une organisation qui fait partie de l’UPA, et qui a accepté de participer aux travaux du comité, selon ce qu’a indiqué une source près du dossier.

Rappelons qu’une commission parlementaire a amorcé le printemps dernier des audiences sur les effets des pesticides, qu’elle poursuivra l’automne prochain.