Québec vient de resserrer les critères de divulgation de l’identité des parents biologiques à leurs enfants donnés en adoption, au grand dam de l’association qui représente les dizaines de milliers de personnes attendant toujours une réponse.

Le guichet unique créé par le gouvernement il y a un an, avec l’entrée en vigueur de la loi qui empêche les parents biologiques d’emporter leur secret dans la tombe, est toujours submergé par les demandes.

Et leurs auteurs devront s’armer de patience.

Depuis le 25 juin, des milliers de dossiers en traitement doivent être réexaminés : sur le conseil de ses avocats, Québec a décidé de ne rendre disponibles que les informations inscrites dans un document officiel, soit un certificat ou un acte de naissance. Rien d’autre. Auparavant, les critères appliqués étaient plus larges.

« Comme les recherches effectuées lors de la dernière année n’ont pas été effectuées en tenant compte de cette orientation, une nouvelle analyse doit être effectuée dans votre dossier afin de déterminer la provenance des informations que nous détenons », a écrit une fonctionnaire à une adoptée, dans un courriel dont La Presse a pu confirmer l’authenticité.

« Ainsi, chaque nom doit être examiné à nouveau. Cette orientation est applicable à l’ensemble du réseau à travers le Québec. Elle touche au-dessus de 22 000 demandes au sein de notre équipe. »

« Carrément ridicule »

Pour la présidente du Mouvement Retrouvailles, Caroline Fortin, c’est la goutte qui fait déborder le vase.

« C’est carrément ridicule, a-t-elle déploré en entrevue téléphonique. Ça resserre énormément le processus, ça va apporter des délais épouvantables pour n’arriver à aucun résultat. »

Un an après l’ouverture du guichet unique, lié à l’entrée en vigueur d’une loi pour laquelle le Mouvement Retrouvailles avait milité, Mme Fortin se dit profondément déçue.

C’est désolant parce que tout le monde était content de cette nouvelle loi, mais après un an, plusieurs ne l’auront pas. C’est vraiment très, très, très regrettable.

Caroline Fortin, du Mouvement Retrouvailles

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a défendu ses nouvelles instructions.

« En aucun cas le MSSS ne veut restreindre les informations qui sont révélées aux adoptés, mais bien s’assurer que c’est la bonne information qui est transmise », a indiqué Noémie Vanheuverzwijn, porte-parole de l’organisation.

« Dans plusieurs dossiers d’adoption, le nom du parent est mentionné, mais n’est pas confirmé officiellement. Il n’est alors pas possible d’établir avec certitude qu’il s’agit du parent de la personne adoptée. Dans de telles circonstances, la loi ne nous permet pas de divulguer l’identité du parent. Cette mesure permet d’éviter de commettre des erreurs et de prévenir des situations malheureuses. »

Ce changement survient après que des erreurs dans l’information transmise ont été commises, a admis le Ministère. « C’est arrivé de façon exceptionnelle dans la dernière année, mais ces situations ont été corrigées par la suite, a précisé Mme Vanheuverzwijn. Cela vient donc confirmer l’importance de s’assurer de donner une information juste et validée. »

Caroline Fortin, du Mouvement Retrouvailles, préférerait que le gouvernement dise aux personnes adoptées qu’il ne peut garantir à 100 % la validité de l’information, plutôt que de fermer les vannes.

28 500 demandes en attente

La loi qui facilite l’obtention de l’identité des parents biologiques pour les personnes adoptées a été votée en juin 2017. Elle est entrée en vigueur un an plus tard, en juin 2018. Les enfants adoptés dont les parents biologiques sont morts peuvent demander à connaître leurs origines.

Les parents biologiques toujours vivants (et qui ne souhaitaient pas que leur enfant donné en adoption puisse les retrouver) avaient un an, du 16 juin 2018 au 16 juin 2019, pour s’inscrire sur une liste d’exclusion. S’ils ne se sont pas manifestés, leur identité pourra être dévoilée à leur enfant.

En date du 24 juin 2019, le guichet unique avait reçu 41 000 demandes. Il en a traité « environ 12 500 » et doit encore en traiter plus du double, soit « environ 28 500 », a indiqué le Ministère.