(Québec) Le premier ministre François Legault accuse le coup et tient compte des pressions des abonnés. Le gouvernement retournera les 1,5 milliard de dollars perçus en trop par Hydro-Québec au fil des ans. Et il imposera un gel tarifaire à sa société d’État pour l’année 2020. Pour les quatre années suivantes, l’augmentation de tarif sera carrément limitée à l’inflation.

En ce qui concerne les trop-perçus de cette année, un pactole de plus de 500 millions, les abonnés bénéficieront d’une réduction ponctuelle de leur facture d’électricité, au début de 2020. Un allègement d’environ 150 $ pour un propriétaire de bungalow.

Selon les informations obtenues par La Presse, le gouvernement Legault déposera demain un projet de loi qui suspendra pour cinq ans les échanges entre Hydro et la Régie de l’énergie, chargée normalement de fixer les tarifs.

Québec doit légiférer pour soustraire Hydro du contrôle de la Régie, ce qui ne lui est pas permis en vertu de la législation actuelle. Les surplus sont attribuables à des rendements supérieurs aux prévisions de profits approuvées par la Régie de l’énergie.

Ce geste, inattendu, était le coup d’éclat qu’avaient prévu les stratèges caquistes pour finir en force la session parlementaire. Les avis étaient partagés chez les conseillers ; certains relevaient que la Coalition avenir Québec (CAQ) ne s’était jamais engagée à procéder à un tel remboursement. Ce printemps, Québec avait annoncé régler la question pour l’avenir ; les trop-perçus, les « écarts de rendement » dans le jargon d’Hydro, seraient désormais retournés aux abonnés.

La pression était forte : une pétition de 75 000 noms a été transmise au gouvernement fin mai. Des actions collectives contre la société d’État étaient en préparation.

Mais le problème des 1,5 milliard de trop-perçus du passé restait entier. Dans ses déclarations récentes, le président d’Hydro-Québec, Éric Martel, soulignait que la société d’État était en réflexion sur les mécanismes permettant de régler ce problème. Pas question pour lui de rembourser les abonnés par un versement  ; on jonglait avec le niveau des tarifs, sans proposer de solution.

Même si cela n’avait pas été inclus à sa plate-forme électorale de l’automne 2018, c’est la CAQ, par sa députée de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy, ex-employée d’Hydro, qui avait soulevé ce débat dès 2017.

Dans l’opposition, François Legault avait souvent martelé que le gouvernement libéral et Hydro avaient floué les Québécois avec ce qui était, selon lui, une « taxe déguisée et sournoise ». Un rapport de la vérificatrice générale, l’an dernier, établissait à 1,655 milliard les trop-perçus entre 2005 et 2017.

Baisse de la base tarifaire

Ces « trop-perçus » constituaient un cauchemar pour Hydro sur le plan des relations publiques. Car, insistait la société d’État, aucun client n’avait été « surfacturé  ».

L’essentiel du milliard récupéré viendra du gel imposé aux tarifs pour 2020. En annulant toute augmentation, Québec abaisse donc automatiquement la base tarifaire pour les quatre années suivantes. Cumulé sur cinq ans, cet allègement signifiera une diminution de 1 milliard des tarifs par rapport à ce qu’ils auraient été sans ce geste.

Pour les quatre années suivant 2020, la hausse tarifaire sera exactement celle de l’inflation.

Dans les dernières années, Hydro avait fixé ses augmentations en deçà de l’inflation, mais si on observe les 15 dernières années, la hausse moyenne rejoint exactement l’indice des prix à la consommation (IPC).

Au terme des cinq années, Hydro reprendra ses échanges avec la Régie de l’énergie, qui devra recalculer les futures hausses sur de nouvelles bases. Hydro doit rendre des comptes à des clients étrangers et ne doit pas compromettre sa rentabilité à long terme.

Pour fins d’illustration, une hausse de tarifs de 1 % représente environ 100 millions de recettes pour Hydro. Renoncer à 1,5 milliard représente une réduction, un « allègement » théorique et approximatif d’environ 15 % sur une période de cinq à sept ans.

Essentiellement, le projet de loi allégera la procédure pour fixer les tarifs ; le système passé sera décrit comme déficient. Le nouveau régime assure des tarifs réduits et davantage de « prévisibilité » pour les consommateurs de tout ordre.

La remise de 500 millions vient de trop-perçus de 2020, mais aussi de « comptes d’écarts  », des enveloppes de contingence qui étaient gardées dans les coffres à Hydro-Québec. Une revue de ces bas de laine a permis de constater que plusieurs n’étaient pas nécessaires. C’est à partir de ces 500 millions qu’on accordera au début de l’an prochain un rabais sur la facture d’électricité de tous les abonnés, au prorata de leur consommation.