Valérie Plante ne lâche pas facilement la grappe de raisins. Elle veut désengorger la ligne orange et est prête à tout mettre en œuvre pour y parvenir. Mardi matin, elle a donné rendez-vous au ministre des Transports, François Bonnardel, ainsi qu’à la ministre déléguée aux Transports et responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, à la station Laurier. Elle tenait à leur montrer pourquoi on a rebaptisé cette ligne « la classe sardines ».

Lors d’une seule matinée, en semaine, pas moins de 21 500 personnes pénètrent dans les stations de la ligne orange situées entre Beaubien et Sherbrooke à l’heure de pointe (entre 6 h 30 et 9 h 30). Elles étaient 18 000 il y a 10 ans. Il s’agit donc d’une augmentation de 19,4 %, selon la Société de transport de Montréal.

Pour emprunter cette ligne tous les matins, je peux vous dire qu’on doit parfois laisser passer deux ou trois rames avant de se trouver un trou. Une fois à l’intérieur, il n’est pas rare d’avoir la face collée contre les vitres des portes. À Berri-UQAM, c’est le changement de la garde. On doit laisser sortir des dizaines de personnes pour mieux retourner faire les sardines.

Mais manque de pot, les sardines étaient moins collées que d’habitude lors de la visite de Bonnardel et Rouleau. Témoins de cela, les médias montréalais qui étaient présents n’ont pas voulu parier une carte OPUS sur la force de persuasion de cette opération. Mais voilà que 48 heures après cette escapade souterraine, Québec annonce qu’il va soutenir davantage les études qui sont faites actuellement pour trouver des solutions aux divers problèmes des transports collectifs à Montréal.

Valérie Plante a convoqué la presse hier matin pour exprimer sa joie. Cette ouverture du gouvernement Legault est, selon elle, un pas important vers des solutions. Et cela lui offre également la chance de rêver encore plus à la réalisation de sa fameuse ligne rose qui permettrait de relier Montréal-Nord à Lachine.

Je suis loin d’être convaincu que le projet de ligne rose fasse autant fantasmer les ministres Bonnardel et Rouleau. Ils espèrent sans doute que les études vont trouver d’autres pistes, moins coûteuses, moins grandioses.

Dès l’arrivée de la Coalition avenir Québec au pouvoir, il a été clair que le projet de ligne rose de Valérie Plante n’était pas une priorité pour François Legault et son équipe. Les choses n’ont guère changé, du moins en apparence.

Mais bon, Valérie Plante martèle le clou. Elle revient à la charge chaque fois qu’elle en a la chance. On doit la trouver bien fatigante à Québec. Est-ce parce qu’ils la trouvent fatigante ou qu’ils sont en train de changer leur fusil d’épaule ? Toujours est-il que cette bonification au mandat de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), chargée de mener ces analyses, procure une lueur d’espoir.

Valérie Plante veut une ligne rose, mais elle refuse de jouer à l’obstinée. Elle a dit hier qu’elle ne demandait pas mieux que d’être convaincue, grâce à des « données probantes », que des solutions qui n’incluraient pas la construction de cette nouvelle ligne seraient suffisantes pour rendre notre réseau efficace.

J’écoutais la mairesse hier matin défendre une fois de plus cette idée (l’une des grandes promesses électorales de Projet Montréal) et je me demandais pourquoi elle tient tant à ce chantier alors que d’autres projets — pensons au Réseau express métropolitain (REM), au prolongement de la ligne bleue et au projet de service rapide par bus (SRB) sur Pie-IX — monopoliseront déjà beaucoup d’argent du gouvernement.

Valérie Plante a raison quand elle dit que Lachine (l’une des extrémités prévues de la ligne rose) est une zone très mal desservie. Or, ce secteur vit une éclosion sans précédent. Elle a également raison quand elle parle des besoins des citoyens de Montréal-Nord, Rosemont-Est, Saint-Léonard et Saint-Michel, où la densification est forte. On fera quoi dans 10 ou 15 ans pour offrir un service de transport collectif adéquat aux résidants de ces secteurs ?

Les composantes d’un bon service de transports en commun doivent être conjuguées aux besoins d’une ville. Mais elles doivent aussi être en accord avec son expansion. Des quartiers de Montréal qui étaient moribonds il y a 15 ou 20 ans vivent actuellement une incroyable renaissance. Les gens qui vont s’y installer veulent des infrastructures solides. Les transports collectifs doivent faire partie de cela.

Valérie Plante croit fermement que la ligne rose, une idée qui n’a pas été « sortie de [leur] chapeau » lors de la campagne électorale, doit faire partie de l’ensemble des mesures qui seront adoptées au cours des prochaines années. Pour elle, il faut cesser de voir cela comme une dépense, et le voir plutôt comme un investissement économique.

Oui, il existe plusieurs moyens de se déplacer collectivement dans une ville. Les autobus, les tramways, les trains… Mais le métro demeure la façon la plus rapide, la plus efficace.

On doit trouver Valérie Plante bien fatigante à Québec. Mais si jamais sa ligne rose est un jour inaugurée, nous serons nombreux à saluer son entêtement.

Les sardines les premières.