L’inquiétante cavale d’un homme qui a ouvert le feu avec une arme de gros calibre sur une quinzaine de cibles en Outaouais ce printemps a perturbé les exportations d’électricité vers l’Ontario, entraînant des pertes importantes pour Hydro-Québec, a appris La Presse.

Ses balles ont atteint une importante tour de télécommunications de la société d’État située près de Gatineau. Trois corps de police ont ouvert une enquête sur cette série noire.

Les motivations et le modus operandi du responsable demeurent flous, mais les conséquences de ses actes sont claires : en plus de la tour d’Hydro-Québec endommagée, des postes de contrôle autoroutiers ont été canardés, tout comme des installations de Bell et de Vidéotron. Des commerces ont aussi été ciblés.

« Ça a eu des impacts sur nos exportations. On est à évaluer les pertes de revenus liées aux dommages qui ont été causés par cette personne », a indiqué le porte-parole d’Hydro-Québec en matière de sécurité, Louis-Olivier Batty.

Selon nos informations, les pertes commerciales s’élèveraient à plusieurs centaines de milliers de dollars.

« En termes de dommages matériels et de coûts de main-d’œuvre pour réparer, on parle de 75 000 à 100 000 $. Ça, c’est juste la réparation. » — Louis-Olivier Batty

PHOTO FOURNIE PAR LA FRATERNITÉ DES CONSTABLES DU CONTRÔLE ROUTIER DU QUÉBEC

Selon nos informations, les dommages infligés aux postes n’ont pu être causés que par des armes de gros calibre.

M. Batty a souligné que la société d’État utilisait toutes ses options légales pour réclamer les sommes perdues dans ce type de situation. « Évidemment, on n’est pas rendus là », a-t-il dit.

La séquence, qui s’est étendue sur environ un mois entre la mi-mars et la mi-avril, a pris fin après l’arrestation d’un homme, il y a trois semaines. « On a un suspect et on tente de faire les liens », a indiqué Andrée East, agente relationniste de la police de Gatineau.

« Nos dossiers avancent bien, mais on n’est pas encore au point où l’on peut déposer des accusations. » Selon nos informations, il a dû être pris en charge sur le plan psychiatrique et n’a pas encore comparu pour être accusé.

À elle seule, la police de Gatineau a neuf dossiers d’enquête ouverts, surtout pour des attaques survenues dans le secteur Masson-Angers, dans l’est de la municipalité.

Des morts évitées

Pour sa part, la Sûreté du Québec (SQ) a ouvert trois dossiers. Elle enquête notamment sur des tirs contre des postes de contrôle routier sur l’A50 et sur la route 148, toujours en Outaouais, survenus à la mi-avril. Des photos obtenues par La Presse montrent des impacts de balles qui s’enfoncent profondément dans la brique, ainsi que des parois de vitre et de métal transpercées.

« Ce sont de nos membres qui ont découvert ça en se rendant travailler dans un poste de contrôle », a indiqué Jean-Claude Daignault, vice-président exécutif de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec (FCCRQ). Heureusement, personne ne se trouvait dans les bâtiments au moment de l’attaque.

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« S’il y avait eu des gens à l’intérieur, ils auraient pu être blessés ou tués. » — Jean-Claude Daignault

Selon nos informations, les dommages infligés aux postes n’ont pu être causés que par des armes de gros calibre.

« Ça a inquiété beaucoup nos membres, parce qu’on ne sait pas si c’est dirigé contre nous », a poursuivi M. Daignault. Dans un communiqué interne, la FCCRQ a appelé ses membres à redoubler de prudence, notamment en évitant de porter l’uniforme en dehors des heures de travail.

À deux doigts de la catastrophe

C’est la deuxième fois en quelques années que des gestes criminels entraînent de graves problèmes techniques pour la société d’État.

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Des postes de contrôle routier sur l’A50 et sur la route 148 ont été pris pour cibles.

En 2014, un pilote d’hélicoptère et d’avion en conflit avec Hydro-Québec s’est vengé en lançant une attaque aérienne contre les lignes à haute tension. Une ordonnance de non-publication prononcée en vertu de la sécurité nationale interdit de rapporter la technique qu’il a utilisée pour provoquer un court-circuit.

Selon la preuve présentée au procès de Normand Dubé, la province a frôlé la panne totale à cause de ses actions, qui ont touché la « colonne vertébrale » du réseau de transmission d’électricité. Un impact « extrêmement sévère » qui a forcé la mise hors tension de dizaines de milliers de clients, dont au moins un hôpital et un centre de répartition des appels d’urgence, a raconté Pierre Paquet, ancien directeur du contrôle des mouvements d’énergie chez Hydro-Québec, au tribunal.

« L’évènement était d’une telle envergure que malgré le délestage, le transport sur les lignes adjacentes était encore trop élevé et nous mettait à risque d’une panne provinciale », a-t-il relaté l’automne dernier.

M. Dubé a été condamné à sept ans de prison.

— Avec Daniel Renaud et Vincent Larouche, La Presse