À 17 ans, Arianna rêvait de s'installer dans la grande ville. De devenir quelqu'un. De quitter sa communauté autochtone et faire mieux que les jeunes autour d'elle, aux prises avec la toxicomanie ou se donnant la mort à l'adolescence.

En James, rencontré sur l'internet, elle a trouvé un homme attentif. Elle est tombée amoureuse et a décidé de s'installer avec lui dans un petit appartement de Montréal. Rapidement, le vent a tourné. Le jeune homme a convaincu Arianna de danser nue pour gagner de l'argent. Pour leur couple, disait-il.

Des histoires comme celle-là, relatée dans leur nouveau livre, les policières du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Josée Mensales et Diane Veillette en ont vu plus souvent qu'à leur tour. Elles ont mis sur pied il y a 10 ans le programme du SPVM Les Survivantes, pour aider les victimes d'exploitation sexuelle à échapper au joug des trafiquants.

Un choc

En 2015, elles ont été envoyées à Val-d'Or pour travailler dans les communautés autochtones. Elles ont eu tout un choc. C'est à la suite de cette expérience qu'elles ont décidé de se pencher plus particulièrement sur l'exploitation sexuelle dont sont victimes les Inuits et les gens issus des Premières Nations. En a résulté un recueil de témoignages et de réflexions, en anglais et en français, qui sort en librairie mardi : Mon ami... mon agresseur.

« [Les Inuits et les membres des Premières Nations] sont surreprésentés dans le marché de la traite de personnes, mais on n'a à peu près pas de dossiers. Ce n'est pas normal. »

- Josée Mensales

« Il faut le reconnaître. Il faut en parler et réagir », poursuit-elle.

Pour les deux agentes, il est nécessaire d'adapter les méthodes d'intervention aux communautés autochtones. Elles sont bien conscientes des traumatismes ancrés au fil des ans : les pensionnats et les expériences très négatives avec les autorités, notamment.

Les problèmes de toxicomanie, de violence, d'alcoolisme, trop présents dans les communautés - et liés, insistent-elles, aux expériences subies - rendent les autochtones particulièrement vulnérables aux trafiquants. Le manque de repères et le choc culturel d'un grand centre urbain sont aussi un facteur. « Ce qu'on espère, c'est qu'avant que les gens viennent en ville, ils se préparent », note Diane Veillette, qui souhaite aussi développer la méfiance des jeunes autochtones.

Drôles de bibittes

Les policières se décrivent comme de « drôles de bibittes ». Les deux femmes s'occupent des dossiers où les victimes ne veulent pas porter plainte. Avant la mise sur pied du programme il y a 10 ans, la seule façon d'obtenir des services d'aide était de passer par le système judiciaire. Or, toutes ne sont pas prêtes à cela.

« Notre rôle à nous est de les sécuriser, d'augmenter la sécurité de ces gens-là, et on essaie d'encourager aussi la prise de contrôle, explique Mme Mensales. On veut qu'ils soient responsables de leur succès. »

Le programme Les Survivantes offre déjà des séances d'information aux professionnels du milieu, de même que des rencontres pour les victimes avec des personnes qui ont réussi à se sortir des griffes de trafiquants. Un volet autochtone a été ajouté. Trois survivantes d'exploitation sexuelle, issues des Premières Nations, en font partie.

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Mon ami... mon agresseur

Josée Mensales et Diane Veillette

Éditions Hannenorak En librairie le 9 avril