Congédié par le ministère de l'Agriculture pour avoir dénoncé l'ingérence de l'entreprise privée dans la recherche sur les pesticides, l'agronome Louis Robert brigue la présidence de son ordre professionnel.

M. Robert a déposé son bulletin de candidature auprès de l'Ordre des agronomes du Québec (OAQ), a appris La Presse canadienne de source sûre jeudi. L'OAQ indiquait justement jeudi qu'il avait des réserves sur le cas Robert.

Le congédiement du professionnel en janvier a déclenché un vaste mouvement d'appui en sa faveur et a lancé un débat sur les pesticides : d'ailleurs une commission parlementaire a décidé jeudi de se pencher sur les effets de l'usage des pesticides dans l'industrie agroalimentaire québécoise.

Des réserves de l'OAQ

Le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) appuie vigoureusement son membre, mais l'Ordre des agronomes s'est montré plus réservé.

Au début de mars, le SPGQ a déposé un grief pour son membre contre le ministre de l'Agriculture lui-même, André Lamontagne, une procédure sans précédent.

M. Robert reproche précisément au ministre d'avoir affirmé qu'il y avait d'autres raisons pour son limogeage que ce qui était indiqué dans la lettre de congédiement.

En entrevue téléphonique jeudi, le président de l'OAQ, Michel Duval, a dit que l'affaire Robert est un « dossier pointu » dans lequel il est « difficile de prendre position ».

« On a un peu de réserve à aller plus loin avec M. Robert, a déclaré M. Duval Il y a des choses qui ont été dites et on n'a pas toute l'information. La lettre de congédiement, est-ce que c'est l'information complète qui justifie son congédiement ? »

Il a évoqué des précédents de fonctionnaires qui ont écopé de suspensions et non de congédiements, « c'est pour ça qu'on a un peu de réserve à aller plus loin avec M. Robert ».

Louis Robert a déjà déposé deux griefs, un pour contester son congédiement et demander sa réintégration avec pleine compensation, et un autre pour demander réparation en raison d'une suspension qui dépassait 30 jours, à l'encontre de la convention collective.

M. Robert pourrait aussi déposer une poursuite au civil pour diffamation, mais le syndicat souhaite « que le gouvernement réfléchisse et change d'avis » rapidement, avant de se rendre devant les tribunaux.

Commission parlementaire

Par ailleurs, les élus de l'Assemblée nationale ont convenu jeudi d'étudier au cours d'une commission parlementaire les effets des pesticides dans l'industrie agroalimentaire québécoise.

Le mandat prévoit qu'elle doit « examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, et ce, en reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois ».

L'opposition péquiste entend poser des questions sur les conflits d'intérêts potentiels des agronomes, pour donner suite au rapport troublant de l'OAQ, même si cela ne fait pas partie du mandat.

Le rapport de l'OAQ révèle que des agronomes reçoivent des avantages, ristournes ou commissions pour la vente de certains produits, ce qui est contraire aux règles de leur ordre professionnel.

Le député péquiste de Bonaventure, Sylvain Roy, veut ainsi fouiller cette question. « Qu'est-ce qui empêche un député de poser la question à un chercheur ou un agronome (qui comparaît) devant lui en commission parlementaire ? a demandé M. Roy en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne. Absolument rien. C'est sûr que les questions vont venir. »

Le président de l'Ordre des agronomes, Michel Duval, est d'accord à ce que ce problème de « conflit de loyauté » soit soulevé.

« On n'a pas de cachettes là-dessus, a-t-il dit dans une entrevue téléphonique. S'il faut aller en commission parlementaire présenter notre orientation, on va y aller. »

M. Duval a assuré qu'il n'y avait pas de loi du silence dans la profession. Il a affirmé que les cas d'incitatifs illégaux sont « beaucoup moins fréquents » qu'à une certaine époque et que l'ordre va effectuer des correctifs.

Toutefois, il a précisé que s'il n'y a pas de dénonciation de ce genre de pratique par une plainte formelle, il ne peut pas intervenir et « aller à la pêche », c'est-à-dire fouiller à l'aveuglette.

M. Roy espère que la démarche de la commission parlementaire sera la plus large et documentée possible, pour qu'avant le dépôt du budget de l'an prochain, elle puisse aboutir à des propositions et à des fonds en vue d'une nouvelle politique agricole plus verte.