L'impasse demeure entière entre Québec et les propriétaires de permis de taxi.

Une rencontre très attendue, mardi à Montréal, entre le ministre des Transports, François Bonnardel, et les représentants de l'industrie n'a pas permis de combler le fossé qui demeure énorme entre les parties.

François Bonnardel a été catégorique ; il n'est pas question pour lui de retirer le projet de loi 17, comme le demande l'industrie.

« On dépose la loi, ça c'est certain. On ne reculera pas. Est-ce qu'on peut améliorer les lois ? Absolument », a affirmé le ministre à l'issue de la rencontre, tout en précisant que d'autres rencontres auront lieu dans les prochains jours.

Cependant, la compensation, qui totalise 500 millions avec les 250 millions ajoutés par le gouvernement caquiste aux 250 millions déjà versés par le gouvernement libéral précédent, ne sera plus bonifiée. François Bonnardel soutient que cette compensation représente près de 80 000 $ en moyenne par propriétaire de permis de taxi.

Les représentants de l'industrie, eux, répliquent que cette somme ne représente que la compensation versée pour les pertes de revenus encourues à la suite de l'arrivée d'Uber dans le marché et que, pour les permis payés jusqu'à 200 000 $ dans certains cas, le gouvernement n'offre absolument rien.

« L'énergie du désespoir, c'est très dangereux »

« Dans le fond on va perdre nos permis pour zéro dollar », est allé jusqu'à prétendre le représentant de l'industrie, Abdallah Homsy, à l'issue de la rencontre.

« Je ne pense pas qu'une injustice comme celle-là, un projet de loi inhumain, peut passer dans une société comme le Québec », a-t-il ajouté.

M. Homsy a averti au passage le premier ministre François Legault de ne pas prendre la colère de l'industrie à la légère : « M. Legault, vous sous-estimez quand on bataille avec le désespoir. L'énergie du désespoir, c'est très dangereux. [...] Le désespoir nous pousse à nos limites et il ne faut pas tester les gens. C'est la pire chose que vous pouvez faire. »

Le ministre « sensible »

Le ministre Bonnardel a toutefois répété à plusieurs reprises qu'il était « très sensible » à la réalité des chauffeurs propriétaires qui ont contracté des prêts importants pour acheter un permis et a laissé entendre que tous ne seraient pas traités sur le même pied.

« Je comprends qu'il y a une différence entre celui qui a son permis depuis 15-20 ans, qui arrive avec une hypothèque peut-être beaucoup moindre, versus celui qui a une hypothèque, qui vient d'acheter, parce que son permis lui a coûté 125 000 $. Ces disparités, ces différences entre les différents propriétaires, je suis sensible à ça. C'est pour ça qu'on va l'évaluer et qu'on va proposer quelque chose à l'industrie. [...] Il faut être capable de répondre, pas de façon uniforme, pas de façon mur-à-mur partout au Québec. »

Il a cependant rejeté l'argument voulant que les gouvernements, en ayant contingenté ce marché, aient provoqué la surenchère.

« Ce n'est pas nécessairement la faute des différents gouvernements, cette forme de spéculation que l'industrie du taxi a connue dans les 10-15 dernières années. Il y a encore des permis qui se sont vendus 125 000 $, 150 000 $ et même plus dans les trois dernières semaines, malgré le fait qu'on ait dit que nous allions déposer une loi dans les prochaines semaines », a dit le ministre.

Rétablir l'équilibre

François Bonnardel maintient que son projet de loi vient « rétablir l'équilibre entre le taxi traditionnel et les nouvelles technologies comme Uber, Eva, Lyft et autres ».

Il fait valoir que les taxis traditionnels auront désormais droit à la tarification dynamique, que les chauffeurs d'Uber et autres entreprises similaires devront eux aussi se soumettre à une vérification des antécédents judiciaires, que les normes entourant la formation des chauffeurs seront uniformisées pour tous et que les taxis conserveront le privilège de pouvoir être hélés sur la rue ou de travailler à partir de postes d'attente, par exemple.

Abdallah Homsy n'y voit toutefois qu'une démarche visant à ouvrir les portes du marché aux nouveaux joueurs. « Le projet de loi 17 tel qu'il est profite seulement à Uber et aux compagnies comme Uber », a-t-il laissé tomber devant les journalistes.

Il répète que l'industrie était prête à trouver un terrain où tous les joueurs pourraient s'y retrouver, mais certainement pas en ouvrant le marché à tout vent. « On nous demande depuis quatre ans la cohabitation. Là, ce qu'a fait le ministre Bonnardel avec son gouvernement, c'est de dire : on rase cette industrie. Qui vous a donné ce mandat ? », s'est-il interrogé.

Le ministre a par ailleurs affirmé que des aménagements seraient apportés à son projet de loi pour assurer le transport adapté, dont les utilisateurs avaient dénoncé l'absence de provisions les concernant dans les plans du ministre. « Il faut absolument garantir un accès à ce transport (adapté) », a affirmé M. Bonnardel, ajoutant qu'il allait s'en assurer, quitte à devoir « améliorer certains articles de la loi » pour y arriver.

Les porte-parole de l'industrie n'avaient pas encore arrêté de plan d'action pour les jours à venir, mardi, se contentant de dire qu'ils « vont informer leurs membres des réponses insatisfaisantes du ministre des Transports ».

Un communiqué diffusé en fin de journée précisait que « des moyens de pression seront élaborés en conséquence par la suite », sans toutefois donner davantage de précisions.