Les chauffeurs de taxi ont bloqué la circulation automobile ce midi sur le boulevard René-Lévesque Ouest, devant les bureaux du ministère des Transports au centre-ville de Montréal.
Sous le regard des policiers, ils étaient plus d'une centaine à scander des slogans comme «unis taxis» et «Bonnardel, assassin».
«Nous sommes ici pour dénoncer la loi 17, a dit Jean Bernard, chauffeur de taxi depuis 10 ans. Le gouvernement nous laisse tomber, nous ne pouvons pas survivre et faire vivre notre famille dans ces conditions.»
Depuis ce matin, des chauffeurs en colère ont convergé vers différents points de rencontre à travers la province. Ils protestent dans l'espoir de freiner le projet de loi 17 du gouvernement Legault sur la dérèglementation du taxi. Selon eux, la réforme va carrément «éradiquer» l'industrie du taxi au Québec.
Dans la région métropolitaine, les chauffeurs de taxis ont ralenti la circulation à grands coups de klaxons sur les grands axes routiers, notamment sur l'autoroute métropolitaine, avant de prendre la direction de l'aéroport Montréal-Trudeau, dans le secteur de Dorval.
L'aéroport Montréal-Trudeau a émis un communiqué plus tôt «se désolant que ses passagers soient pénalisés par la décision des chauffeurs de taxi d'amorcer des moyens de pression dans le conflit qui les oppose au gouvernement du Québec.» Les autorités aéroportuaires dirigent les voyageurs vers des transports alternatifs ; le service d'autobus de la ligne 747, offert 24 heures par jour, les voitures des chauffeurs Uber et les trains de Via Rail, entre autres.
Vers 10h30, les chauffeurs de taxi ont tour à tour emprunté le rond-point Dorval, direction 720 Est, puis sortie Guy, vers le centre-ville.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a dit comprendre les revendications des chauffeurs de taxi, bien qu'elle soit favorable à la modernisation de leur industrie. «Leur colère, leurs préoccupations sont légitimes. Il faut les entendre, il faut les rassurer. Il faut leur dire "vous avez toujours suivi les règles, vous avez contribué et on va trouver des règles équitables pour tous les joueurs"», a-t-elle dit.
L'élue s'est d'ailleurs dite «très préoccupée par le projet de loi. Les chauffeurs et l'industrie du taxi travaillent à l'offre de mobilité depuis des années. Ce sont des joueurs qui ont contribué en bonne et due forme, en suivant les règles, en payant un permis. Je m'attends à ce que par équité, on honore les permis payés, sinon ça crée une iniquité et je suis très mal à l'aise.»
Dans la région du Saguenay, à Gatineau, Sherbrooke et dans le Bas-Saint-Laurent, les taxis se dirigent vers les bureaux de leurs députés respectifs.
«Nous espérons que la population va comprendre que la réforme ne sera pas bonne pour les clients. Elle aura pour effet de "booster" les prix du service Uber qui varient déjà selon l'heure, la destination, l'achalandage», a lancé un chauffeur de Coop-Taxi de l'ouest, Chuck Najen.
Désarroi, détresse, dépression ; le porte-parole de l'industrie, Abdallah Homsy, répète depuis hier que les chauffeurs espèrent que le gouvernement reviendra sur sa décision.
«Plusieurs de nos chauffeurs ont du prendre une deuxième hypothèque pour acquérir le permis de taxi. La réforme les mettra à la rue. Le gouvernement nous pousse au désespoir, à la dépression.»
À Québec, une rencontre est prévue mardi avec le ministre des Transports, François Bonnardel, qui a déploré les moyens de pression affirmant que ce sont les clients de l'industrie du taxi qui s'en trouvent pénalisés, sans compter les automobilistes pris dans la circulation. En mêlée de presse, il a clairement indiqué mardi que la somme de 500 millions offerte par le gouvernement est «un montant final».
Le ministre se dit convaincu que son projet de loi comporte plusieurs aspects qui viendront soutenir la pratique du métier, mais les chauffeurs affirment qu'au contraire cette dérèglementation signe l'arrêt de mort à terme de leurs emplois en plus de les forcer à encaisser des pertes de plusieurs dizaines de milliers de dollars sur la valeur de leurs permis.
En vertu de la réforme prévue, un chauffeur devra avoir un permis de classe 5, et il n'y aura plus d'immatriculation «T», réservée aux taxis. Chemin faisant, le projet de loi ouvre la porte à Uber, avec une tarification dynamique, permettant aux entreprises de moduler leurs tarifs en fonction de l'achalandage.
«Ce projet de loi est inhumain et irresponsable. Il doit être retiré», martèle le porte-parole de l'industrie, Abdallah Homsy.
«Il y a une mobilisation jamais vue des chauffeurs de taxi, nous n'avons jamais été aussi unis», a souligné Stanley Bastien, porte-parole de l'Association haïtienne des propriétaires de taxis, qui participe à l'organisation de la mobilisation.
À l'Association des taxis des régions du Québec, le porte-parole Serge Lebreux a souligné que le dernier plan de compensation du gouvernement québécois était nettement insuffisant, à 1000 $ par taxi en région, alors qu'un permis de taxi coûte actuellement environ 90 000 $ à Rimouski et 150 000 $ à Sept-Îles.
- Avec Pierre-André Normandin, Isabelle Ducas et La Presse canadienne