Pour préserver l'environnement, un changement radical s'impose tant dans l'assiette que dans la manière de produire la nourriture. Voilà le signal d'alarme lancé cette semaine par deux études d'envergure. La clé pour nourrir sainement 10 milliards d'humains d'ici 2050 tout en protégeant l'environnement ? Moins de viande rouge et plus de végétaux, prescrit un groupe d'experts internationaux. La seconde étude, menée au Canada, montre que la majorité du gaspillage alimentaire est réalisé par l'industrie et non au sein des foyers.

Un « guide alimentaire » planétaire

D'ici 2050, la population mondiale pourrait passer de 7,6 à 9,8 milliards d'habitants. Mandaté par la prestigieuse revue médicale The Lancet, un groupe formé d'une trentaine de sommités tente, depuis trois ans, d'établir comment nourrir 2,2 milliards d'humains de plus tout en préservant les écosystèmes et en freinant les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.

Le groupe s'est aussi demandé s'il y avait un régime alimentaire optimal pour prévenir les 11 millions de morts prématurées dues à une piètre alimentation recensées annuellement dans le monde.

Après une série de calculs complexes, ils ont accouché d'un guide concret qui recommande au gramme près les portions à consommer quotidiennement pour chaque type d'aliments. Essentiellement, la consommation mondiale de fruits, de légumes, de légumineuses et de noix devra être haussée, tandis que la consommation de viande rouge et de sucre ajouté devra diminuer radicalement.

La nutritionniste Hélène Laurendeau explique que c'est la première fois que la question environnementale est intégrée dans des recommandations nutritionnelles. « Ça va être toute une révolution alimentaire qu'il va falloir mettre de l'avant ici et certainement ailleurs en Amérique du Nord », dit-elle.

Le régime alimentaire écoresponsable

Les experts recommandent, pour un homme âgé de 30 ans pesant 70 kilos ou une femme âgée de 30 ans pesant 60 kilos qui ont une activité physique modérée ou élevée, de consommer 2500 calories par jour, réparties de la façon suivante :

Grains entiers (riz, blé, maïs et autres) : 230 grammes 

Patates et cassave : 0 à 50 grammes

Légumes : 300 grammes par jour (maximum de 600 grammes)

Fruits : 200 grammes (maximum de 300 grammes)

Lait entier : 250 grammes (maximum de 500 grammes)

Protéines : 76 grammes par jour, parmi les sources suivantes:

Boeuf et agneau : 7 grammes (maximum 14 grammes)

Porc : 7 grammes (maximum de 14 grammes)

Volaille : 29 grammes (maximum de 58 grammes)

OEufs : 13 grammes (maximum de 25 grammes)

Poisson et fruits de mer : 28 grammes (maximum de 100 grammes)

Légumineuses sèches, lentilles et pois chiches : 50 grammes (maximum de 100 grammes)

Arachides : 25 grammes

Noix : 25 grammes

Sucre ajouté : 31 grammes

Et concrètement ?

L'idée n'est pas nécessairement de consommer religieusement chaque élément sur la liste puisque chaque région du globe a ses spécificités alimentaires. Les portions quotidiennes peuvent aussi être projetées sur une plus longue période. Il serait par exemple un peu absurde de consommer 7 g de viande rouge chaque jour, ce qui représenterait un septième d'un petit steak.

Hélène Laurendeau explique que 300 g de légumes correspondent environ à quatre portions d'une demi-tasse et que 200 g de fruits sont l'équivalent de deux ou trois fruits par jour.

Selon ces lignes directrices, il est aussi possible, chaque semaine, de consommer deux oeufs, un ou deux repas de volaille et deux portions de poisson.

Quant aux légumineuses, 50 g équivalent à environ trois quarts de tasse. « Ce n'est pas juste trois petits pois chiches dans ta salade, ça devient ton plat principal », souligne la nutritionniste.

Gaspillage à grande échelle

Plus de 35 millions de tonnes, soit 58 % des denrées alimentaires produites au pays, prennent le chemin des sites d'enfouissement chaque année. Voilà la conclusion alarmante tirée par un groupe de chercheurs ayant scruté l'ensemble de la chaîne de production alimentaire au Canada, de la ferme aux garde-mangers.

Jusqu'ici, la majorité des études sur le gaspillage alimentaire s'étaient penchées sur les pertes de nourriture des particuliers. La grande surprise de cette étude (financée par Walmart) réside dans le fait que l'industrie alimentaire est responsable de 86 % de ces pertes.

Plus précisément, les producteurs agricoles sont responsables de 24 % du gaspillage alimentaire et les transformateurs alimentaires, de 47 %. En revanche, les détaillants sont seulement responsables de 4 % des pertes.

« Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il faut cesser de blâmer le consommateur », a résumé le chercheur responsable de cette étude, Martin Gooch, lors d'une entrevue téléphonique avec La Presse. « Nos discussions sur cet enjeu doivent devenir plus sophistiquées. On doit regarder le système dans son ensemble et déterminer comment on peut le redessiner pour devenir plus efficace. »

Des pertes évitables

Selon le chercheur, c'est la première fois qu'une étude aussi complète est réalisée sur le sujet. Près de 700 acteurs de l'industrie alimentaire y ont collaboré.

Le tiers des pertes encourues dans la chaîne alimentaire canadienne - soit 11 millions de tonnes - pourraient être évitées, explique M. Gooch. Le gaspillage alimentaire est très polluant. Les denrées qui se décomposent dans les dépotoirs émettent du méthane. « Cela équivaut, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, au retrait de 4 millions d'autos sur les routes », souligne M. Gooch.