Pas de répit pour les contribuables qui résident dans l’une ou l’autre des 10 plus grandes villes du Québec : elles ont toutes annoncé une hausse de la taxe foncière pour l’année 2020. Un dernier effort avant d’amadouer les électeurs en prévision de la campagne électorale de 2021 ? Coup d’œil sur les derniers budgets municipaux adoptés en décembre.

Montréal

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 2,1 %

Hausse moyenne en dollars : 78 $ pour une propriété d’une valeur de 480 132 $

Des millions pour la transition écologique, pour la mobilité, pour l’habitation et le développement économique… Les dépenses de Montréal bondiront en 2020 avec un budget de plus de 6 milliards qui a été férocement critiqué par l’opposition. La hausse moyenne du compte de taxes résidentielles, à 2,1 %, concorde avec le taux d’inflation, mais s’exprimera différemment selon les arrondissements. Les propriétaires d’immeubles situés dans Verdun, Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Plateau-Mont-Royal et Ville-Marie subiront des hausses de plus de 3 %, tandis que ceux de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles profiteront d’un gel de taxes.

Québec

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 1,1 %

Hausse moyenne en dollars : 33 $ pour une propriété d’une valeur de 283 000 $

Après un gel en 2017 et en 2018, les habitants de la capitale ont renoué avec les hausses de taxes cette année. Depuis le budget 2019, la hausse de taxes à Québec est calculée à partir de l’indice des prix à la consommation (IPC) réel de la région (+ 1,3 % pour la période de septembre 2018 à août 2019). En 2020, la hausse de la taxe foncière à Québec sera donc en moyenne de 1,1 % pour les résidences et de 1,3 % pour les commerces. La facture sera plus salée dans les arrondissements de Beauport, Charlesbourg et Sillery (+ 1,6 %) qu’à Loretteville (+ 0,1 %).

Laval

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 1,4 %

Hausse moyenne en dollars : 42 $ pour une propriété d’une valeur de 358 013 $

Déneigement, resurfaçage de la chaussée, entretien et plantation d’arbres… Laval a encore des surplus dans ses coffres et donne la priorité aux services aux citoyens, a annoncé le maire Marc Demers. Près d’une cinquantaine de millions de dollars de ces surplus ont été récupérés à la suite de la condamnation de l’ancien maire Gilles Vaillancourt pour corruption. L’opposition réclamait un gel des taxes, mais l’administration Demers a quand même proposé une hausse, qui servira notamment à éponger les dépassements de coûts de construction du complexe aquatique et d’un projet de biométhanisation.

Gatineau

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 2,1 %

Hausse moyenne en dollars : 60 $ pour une propriété d’une valeur de 238 200 $

Les inondations du printemps 2019 ont coûté cher à la municipalité outaouaise, et le maire Maxime Pedneaud-Jobin prévoit qu’elles engendreront encore d’importantes dépenses en 2020 pour réaménager ce qui a été détruit et se préparer aux prochaines crues. C’est un fait : Gatineau subit de plein fouet les conséquences des changements climatiques. « C’est une des plus grandes menaces aux budgets municipaux en général », a déclaré le maire lors de l’adoption du budget, le 10 décembre. « Juste pour les grandes villes du Québec, il y en a pour 4 milliards de dollars en cinq ans. On n’a pas les épaules assez solides pour encaisser ça tout seuls. »

Longueuil

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 2,5 %

Hausse moyenne en dollars : 70 $ pour une propriété d’une valeur de 310 000 $

Après deux années de gel, les Longueuillois n’échappent pas à une hausse cette année, a confirmé début décembre la mairesse Sylvie Parent. « Une pause pour un citoyen, c’est toujours apprécié, mais dans la réalité, les coûts augmentent, les services augmentent et chaque mois, on est confrontés à de nouvelles demandes. Les citoyens veulent de plus en plus de services, ils veulent que la ville s’anime. Ils veulent avoir plus de culture, plus de services de proximité et tout ça a un coût. » La hausse servira ainsi à assumer l’indexation des dépenses pour livrer ces services (dont le déneigement) ainsi que divers projets comme la poursuite de la collecte des matières organiques et la création du programme d’aide aux citoyens dans la lutte contre l’agrile du frêne.

Sherbrooke

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 5,74 %

Hausse moyenne en dollars : 152,08 $ pour une propriété d’une valeur de 233 750 $

Les Sherbrookois écoperont en 2020 de la hausse de taxes la plus élevée des 10 dernières années – en 2008, la hausse avait été de 7,5 %. Cette fois-ci, c’est la gestion des déchets qui vient peser lourd sur les finances. Le centre de valorisation des matières résiduelles Valoris, dont la Ville est propriétaire, représente à lui seul des dépenses additionnelles de 4,5 millions, soit 2,26 % de taxes. Les conseillers de l’opposition estiment notamment que le gel de taxes décrété en 2018 a placé la Ville dans une situation précaire. Le maire Steve Lussier a néanmoins voulu se faire rassurant lors de la séance du conseil municipal du 16 décembre. « On sème pour mieux récolter dans l’avenir. Et un avenir pas nécessairement lointain. »

Trois-Rivières

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 2,75 %

Hausse moyenne en dollars : 71,79 $ pour une propriété d’une valeur de 185 000 $

Après avoir été haussé de 2 % en 2019, le compte de taxe foncière trifluvien connaîtra une nouvelle hausse de 2,75 %. La Ville a expliqué cette décision par une bonification de 1,7 million du financement accordé à la Société de transport de Trois-Rivières.

Saguenay

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : à venir

Hausse en dollars moyenne : à venir

Les conseillers municipaux de Saguenay devront peut-être travailler pendant le temps des Fêtes, s’ils veulent en arriver à une entente sur le budget avant le 31 décembre. Le budget 2020 de la mairesse Josée Néron, qui devait être adopté le mercredi 18 décembre, a été rejeté par les conseillers indépendants qui se disent insatisfaits des mesures prises pour réduire la dette de la Ville. L’administration prévoyait une hausse du compte de taxes résidentielles de 1,9 %, soit 53 $ pour une maison évaluée à 204 281 $. Au cours des deux dernières années, la hausse du compte de taxes avait atteint 4,1 % et 3,9 %.

Lévis

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 2,1 %

Hausse moyenne en dollars : 60 $ pour une propriété d’une valeur de 290 000 $

Après une hausse de 3,5 % en 2019, décrite comme un « passage difficile » par le maire Gilles Lehouillier, la Ville a adopté une hausse de 2,1 % pour 2020, qui correspond à l’inflation dans la région. La forte croissance de la ville engendrera de nouveaux services aux citoyens, notamment des heures d’accès prolongées aux bureaux municipaux et de nouvelles installations sportives. L’administration s’est réjouie de présenter des finances « en parfait équilibre » et prévoit déjà une hausse de taxes sous la barre des 2 % pour 2021.

Terrebonne

Variation 2019-2020 (taxes résidentielles) : + 3,89 %

Hausse moyenne en dollars : 116,56 $ pour une propriété d’une valeur de 300 115 $

L’acquisition controversée en 2015 de terrains pour constituer un « corridor de biodiversité » dans le quartier Urbanova et une aide financière versée cet automne aux Complexes sportifs Terrebonne pour éponger une vieille dette ont plombé les finances de la Ville. Lors de son élection en 2017, le maire Marc-André Plante avait promis à ses concitoyens de ne pas hausser le compte de taxes au-delà de l’augmentation du coût de la vie pendant son mandat (environ 7 %). En excluant la portion de la hausse affectée à Urbanova et aux Complexes sportifs (deux initiatives qu’il attribue à l’ancienne administration), le maire Plante affirme être très légèrement au-dessus de son objectif. Dans l’édition du 11 décembre du journal local La Revue, le chroniqueur Gilles Bordonado n’était pas impressionné par les explications du maire et calculait que la hausse est plutôt de 10,69 % en trois ans.

L’avis de l’experte

Pour pouvoir mieux comparer les performances budgétaires de villes, la professeure à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal Danielle Pilette étudie les charges nettes par 100 $ de « richesse foncière uniformisée » (RFU). Autrement dit, le montant que la Ville dépense pour offrir ses services par 100 $ de richesse foncière. Là où Montréal dépense 2,30 $ par 100 $ de RFU, Laval n’en dépense que 1,60 $. « On voit qu’à Laval, pour chaque 100 $ de richesse, on dépense beaucoup moins », observe Mme Pilette.

En utilisant ce point de comparaison, que peut-on donc conclure de la gestion des dépenses de Québec (2,11 $), Sherbrooke (2,87 $), Trois-Rivières (2,58 $), Saguenay (2,71 $) par rapport à celle de Gatineau (1,88 $), Lévis (1,60 $) ou Terrebonne (1,72 $) ? Ou ces villes offrent beaucoup de services, ou les services qu’elles offrent coûtent plus cher, explique Mme Pilette. Sont-elles pour autant moins bien gérées ? Pas nécessairement. « Laval, par exemple, a toujours été une ville très compétitive par rapport à Montréal, répond-elle. On y offre de bons services à des coûts moins élevés. Mais on peut dire aussi que Laval est très centralisé – les fusions datent de 50 ans – alors que Montréal est une ville extrêmement décentralisée, et ça a un coût. »

Les capitales régionales de Trois-Rivières, Sherbrooke et Saguenay dépensent également beaucoup pour soutenir la transition économique vers le secteur tertiaire après avoir été frappées par la fermeture d’industries.

Enfin, le tableau des budgets 2020 est influencé non seulement par un cycle économique fort, mais également par le cycle électoral qui prendra fin en 2021. « On est à la mi-mandat, et ça paraît », assure Danielle Pilette. La hausse des taxes permet aux municipalités de se constituer une réserve en prévision d’une baisse de revenus lors d’un ralentissement économique… ou de satisfaire les électeurs avec des hausses minimes, un gel, voire une baisse des taxes en prévision de la campagne électorale. « L’an prochain, pour l’année 2021, on peut en effet s’attendre à des hausses moins élevées », conclut Mme Pilette.