(Paris) Réduction du nombre d’immigrants, test obligatoire, durcissement des conditions : le nouveau gouvernement québécois inquiète les Français tentés par la Belle Province. Mais la déléguée générale du Québec à Paris, Michèle Boisvert, se veut rassurante : les Français restent « les bienvenus », assure-t-elle.

Q. Le Québec connaît le plein emploi et même une pénurie de main-d’œuvre. Mais le nouveau premier ministre québécois, François Legault, a réduit de plus de 20 % le nombre d’immigrants. Pourquoi ?

R. Le seuil est passé de 50 000 à 40 000 par an, oui, mais c’est pour mieux les intégrer. Le budget lié à l’immigration a été doublé. Et, dès 2020, on va augmenter, on parle de 43 500. On va vers les 50 000.

En 2018, 53 % des immigrants qui sont rentrés au Québec ne parlaient pas français. Donc voilà pourquoi on est en train de revoir certains critères pour s’assurer que le français va continuer à être la langue officielle du Québec pendant encore très très longtemps.

Q. Dès le 1er janvier 2020, les candidats à l’immigration au Québec devront passer un test de « valeurs démocratiques et québécoises ». De plus, le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), qui facilite l’immigration permanente pour les étudiants étrangers notamment, a été sérieusement durci, avant finalement d’être rétabli. Une Française habitant au Québec depuis 2012 a été récemment refusée… en raison d’un niveau de français insuffisant, avant finalement d’être acceptée. Tout cela suscite de nombreuses craintes chez les Français candidats à l’immigration.

R. La réforme du PEQ a été suspendue. Quant au cas de cette Française, c’est une erreur humaine. Cela arrive dans toute administration.  

Les Français sont les bienvenus au Québec. Entre 2014 et 2018, 21 000 Français ont été accueillis. Ils ont à 75 % moins de 35 ans et sont hautement scolarisés. C’est exactement le genre d’immigrants qu’on recherche. Un accord avec la France permet la reconnaissance au Québec de 82 professions et les Français ont immédiatement la sécurité sociale.  

Nécessairement, une immigration qui vient de France, qui parle français évidemment, hautement scolarisée, entre dans les critères de sélection que le gouvernement met en place, et de la volonté d’avoir une immigration majoritairement francophone.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Des étudiants étrangers et des travailleurs qui
songent à avoir recours au Programme expérience Québec (PEQ) s’étaient rassemblés devant les bureaux montréalais du ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, le 8 novembre 2019.

Q. Le premier ministre québécois François Legault vous a nommée déléguée générale du Québec à Paris avec l’ambition de doubler les échanges commerciaux entre les deux capitales, qui culminent actuellement à moins de 5 milliards de dollars canadiens (3,3 mds EUR). Est-ce réaliste ?

R. C’est faisable. C’est possible. Quand on regarde les échanges commerciaux actuels entre la France et le Québec, c’est ridiculement bas. Les exportations annuelles québécoises vers la France ne représentent que trois jours de nos exportations vers les États-Unis. On peut vraiment faire mieux.  

70 % de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis. Il faut diversifier et on s’aperçoit à quel point en ce moment, avec un président tel que le président actuel aux États-Unis, où on ne sait jamais à quel moment il peut décider d’imposer des tarifs, c’est un peu délicat de se retrouver aussi vulnérable et aussi dépendant d’un seul marché.  

On se fixe une échéance de cinq ans. Un de mes mandats sera d’aller convaincre les entreprises québécoises à venir s’établir en France, de leur dire « Écoutez, vous avez peut-être une idée un peu poussiéreuse de la France. Il y a eu plusieurs réformes. » La France est beaucoup plus souple qu’elle l’était.  

La France est très innovante, on imagine mal ça. La France est plus souple qu’elle était. L’entrepreneuriat maintenant en France est tout aussi important que ça peut l’être au Québec. Les jeunes veulent devenir entrepreneurs. Ça, c’est une image de la France qu’on n’a pas vraiment entendue chez nous. Mais c’est clair que ce qui se passe depuis le 5 décembre (début des grèves contre la réforme des retraites, NDLR) ne m’aide pas, j’aurai un petit travail de conviction à faire.