C’est la veille de Noël. Donald Trump est seul à la Maison-Blanche. Sa femme, Melania, et toute la famille sont en Floride. Il a congédié son état-major hier. Allongé sur le lit, il regarde Fox News, en envoyant des tweets rageurs. QUE LES DÉMOCRATES S’ÉTOUFFENT AVEC LEURS DINDES ! WAR AND HATE FOR EVERYONE ! JE N’IRAI PAS AU RÉVEILLON, J’AI UN IMPEACHMENT !

Dehors, il ne neige pas. Il pleut. Il pleut à torrents. Ce n’est pas un Noël blanc. C’est un Noël dégoûtant. Le président déguste son cinquième Whopper en sirotant une root beer. À la télé, il y a une pub où l’on voit plein de gens fêter et s’embrasser. Trump a soudain un coup de blues. Il prend le téléphone et appelle l’aéroport :

PHOTO JIM WATSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président des États-Unis, Donald Trump

« Préparez Air Force One, je vais aller rejoindre ma gang à Mar-a-Lago.

— Impossible, Monsieur le Président, aucun avion ne peut décoller.

— Le mien va décoller, je suis le président !

— Même le vôtre ne recevra pas la permission.

— C’est la faute de qui ?

— C’est la faute du temps.

— Je congédie le temps ! »

Trump raccroche, contrarié. Il est presque minuit. Il regarde autour de lui. Des lampes Tiffany, des montres Rolex, des lustres, des dorures et de l’argenterie. Plein de richesses. Il a tout. Pourtant, il a l’étrange impression qu’il lui manque quelque chose. Une huitième voiture ? Une cinquième maison ? Il ne sait pas. Il ne comprend pas. Il écarte les rideaux et regarde dehors. Entre les éclairs et les nuages noirs, une étoile filante traverse le ciel. Il lui dit : « Je souhaite avoir ce qu’il me manque. » C’est alors que retentissent les douze coups de minuit. Puis une sonnerie. Quelqu’un frappe à sa porte. Trump appelle le gardien de sécurité. Ça ne répond pas.

« Mais qu’est-ce qu’il fout, bordel ? Ah, c’est vrai, je l’ai congédié hier. »

Trump arpente les longs corridors de la Maison-Blanche. Intrigué. Qui ça peut bien être ? Justin Trudeau ? Boris Johnson ? Emmanuel Macron ? Sûrement pas, ils rient de lui dans son dos. Poutine ? Kim Jong-un ? Peut-être bien. Après tout, ce sont des hommes aussi seuls que lui.

Donald ouvre la porte. Il ne voit personne. Une petite voix se fait entendre : « Joyeux Noël, Monsieur le Président ! » Il baisse les yeux. C’est Greta Thunberg !

« Greta Thunberg ! Qu’est-ce que tu viens faire ici !?!

— Je veux passer Noël avec la personne qui manque le plus d’amour dans l’univers, et c’est vous !

— Comment es-tu arrivée ici ? En jet, en bateau, en Hummer ?

— J’ai pris un lift avec le père Noël. Un traîneau qui vole dans le ciel, y a rien de plus vert.

— What the fuck, je dois faire un cauchemar…

— Me laissez-vous entrer ? Parce qu’avec les changements climatiques, c’est le déluge, dehors. »

Trump se tasse. Greta entre.

« Quand Time m’a nommée personnalité de l’année, vous avez écrit sur Twitter que je devrais apprendre à gérer ma colère, me détendre et regarder un bon vieux film avec un ami. Alors j’ai apporté un bon vieux film pour qu’on le regarde ensemble.

— C’est quoi le titre ?

— Une vérité qui dérange, de Davis Guggenheim.

— Ça raconte quoi ?

— C’est l’histoire d’une planète en danger. On voit la fonte des glaciers, des ouragans, des réfugiés climatiques.

— Boring ! C’est avec qui ?

— Al Gore.

— Holy shit ! »

Donald grimace et va faire du pop-corn. Greta sort des céleris de sa poche et les grignote. Le président revient avec son gros bol. Il se lèche les doigts pleins de beurre : « Tu peux démarrer ton film plate. »

La vue commence. Est-ce la nuit de Noël ? Est-ce la gentillesse de Greta ? Est-ce la root beer ? Toujours est-il que Trump est bouleversé par ce qu’il voit. Ça éveille sa conscience. Qui dormait depuis toujours. Il demande à la jeune adolescente :

« Ça date de quand, ce film-là ?

— De 2006.

— Ça veut dire que c’est pire, maintenant ?

— C’est cent fois pire.

— À cause de qui ?

— À cause de vous. »

Donald avale de travers. Une larme salée coule le long de sa joue. Greta la lui essuie. Il se confie :

« Quand on est seul, on ne craint pas que le monde disparaisse. Pour moi, il était déjà disparu. Mais maintenant que j’ai une amie, quelqu’un qui a pensé à moi à Noël, je ne veux plus qu’il disparaisse. Que dois-je faire ? »

Et là, Greta se met à parler. Toute la nuit. Et Trump prend des notes.