Si la tendance se maintient, la famille canadienne moyenne aura dépensé environ 12 180 $ en nourriture cette année, ce qui représente un bond de 434 $ par rapport à 2018. La facture du panier d’épicerie continuera d’augmenter l’an prochain, selon les prévisions d’une équipe de 18 chercheurs des universités Dalhousie et Guelph, qui publient mercredi la 10e édition de leur rapport sur les prix alimentaires à la consommation. 

Le prix des légumes en hausse de 12 % cette année

Les fameuses éclosions d’E. coli survenues l’hiver dernier ont eu des impacts bien au-delà des rappels de laitue romaine. Cette crise a eu une incidence sur l’ensemble des prix des légumes. « L’année passée, on s’attendait à ce que les légumes soient la catégorie la plus explosive, ç’a été le cas, mais on ne prévoyait pas 12 %, on prévoyait 6 % au plus », explique le professeur Sylvain Charlebois, chef de projet du rapport. Ce dernier explique que la crise, qui a pris naissance en Californie, a entraîné un « phénomène inflationniste » sur l’ensemble de la catégorie « légumes ».

Le coût du poisson instable

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La hausse de la température de l’eau dans l’océan Pacifique aurait donné du fil à retordre aux pêcheurs de la Colombie-Britannique.

Les auteurs du rapport ont évalué que le prix du poisson a connu une variation de plus de 5 % au cours de l’année 2019. C’est le saumon qui a été le plus durement touché avec une augmentation de 23 % de l’indice des prix à la consommation (IPC) pour ce poisson et ses produits dérivés. La hausse de la température de l’eau dans l’océan Pacifique aurait aussi donné du fil à retordre aux pêcheurs de la Colombie-Britannique. Les perturbations de l’écosystème marin ont engendré une chute des stocks de saumon. Le prix des autres fruits de mer est toutefois demeuré stable.

Hausse des prix par catégorie (en 2019)

Pain et céréales : 2 %
Produits laitiers et œufs : 2 %
Fruits et noix : 2 %
Légumes : 12 %
Viandes : 3 %
Poissons et fruits de mer : 3 %
Restauration : 2 %
Autres : 2 %

Un modèle efficace

Même s’il s’agit d’un exercice périlleux, les chercheurs qui participent à la rédaction du rapport sur les prix alimentaires à la consommation « s’acharnent » à tenter de prévoir la hausse du panier d’épicerie pour l’année suivante. « Les deux aspects de l’indice des prix à la consommation qui sont le plus difficiles à prévoir sont l’énergie et l’alimentation », souligne Sylvain Charlebois, qui est également responsable du laboratoire Agri-Food Analytics de Dalhousie. Pour l’année 2019, leur modèle avait prévu que les familles canadiennes dépenseraient jusqu’à 12 157 $ en nourriture. En réalité, ils ont dépensé en moyenne environ 12 180 $, soit seulement 23 $ de plus que prévu.

Que nous réserve 2020 ?

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Selon les prédictions des chercheurs, le prix des denrées alimentaires augmentera de 2 % à 4 % en 2020.

Pour les besoins de l’exercice, les chercheurs ont bâti un modèle selon les besoins nutritionnels d’une famille fictive composée de deux adultes âgés de 37 ans, d’un adolescent de 15 ans et d’une fillette de 11 ans qui suivent les directives du Guide alimentaire canadien. Selon leurs prédictions, le prix des denrées alimentaires augmentera de 2 % à 4 % en 2020. Pour une telle famille, la facture pourrait donc atteindre en moyenne 12 667 $ l’an prochain, soit 487 $ de plus qu’en 2019. Si leur prédiction se réalise, le prix du panier d’épicerie continuera donc à augmenter au-delà de l’inflation. « On s’attend à une année difficile pour 2020 », dit le professeur Charlebois.

Hausses prévues en 2020

Boulangerie : 0 % à 2 %
Produits laitiers : 1 % à 3 %
Fruits : 1,5 % à 3,5 %
Légumes : 2 % à 4 %
Viandes : 4 à 6 %
Poissons et fruits de mer : 2 % à 4 %
Restaurants : 2 % à 4 %
Autres : 0 % à 2 %

Plus chère, la viande ?

Alors que la consommation de viande ne cesse de diminuer au pays au profit des protéines d’origine végétale, comment expliquer que le coût de la viande pourrait augmenter jusqu’à 6 % ? C’est ce que Sylvain Charlebois appelle le « paradoxe de la viande ». « Les gens qui en veulent vont en acheter quand même, peu importe, et les épiceries le savent. Alors, ils vont [facturer] pour. La demande est absolument élastique. » Une inconnue demeure : « Le seul aspect qui pourrait vraiment venir chambarder le Canada, c’est la peste porcine africaine. C’est un facteur qui pourrait venir massacrer nos prévisions. Un cas au Canada peut tout changer », dit-il.

Les tendances à suivre en 2020

Dans leur rapport, les chercheurs cernent aussi les enjeux alimentaires qui risquent de faire les manchettes. Trois sujets pourraient bien monopoliser l’attention : la question du plastique à usage unique et du suremballage, les changements climatiques causés par l’agriculture et l’alimentation, et l’intelligence artificielle dans les épiceries. « L’autre aspect qui est soulevé dans le rapport, c’est le coût des facteurs non explicites comme l’environnement. Le fait que l’on utilise des emballages pas recyclables, pas verts. Tout d’un coup, la collectivité invite l’industrie à penser autrement. Cela va mener à des coûts supérieurs de production », dit Sylvain Charlebois.