(Ottawa) Les exploitants de petits aéronefs au Canada sont tombés dans le piège d’une certaine complaisance quant à la sécurité et cette dérive doit cesser avant que davantage de personnes ne soient tuées ou blessées, a prévenu jeudi le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST).

L’enquêteur Glen Whitney soutient que les exploitants de « taxis aériens » — ces entreprises qui transportent moins de 10 passagers dans des petits avions et des hélicoptères, souvent en zones isolées — n’enfreignent pas de manière flagrante et systématique les règles de sécurité. Mais ces compagnies « doivent gérer plusieurs pressions concurrentes, chacune entraînant ses propres conséquences, afin de fournir un service, d’assurer leur sécurité et de rester viable financièrement ».

« Quand une ou plusieurs de ces pressions ne sont pas gérées de façon adéquate, cela ne cause pas toujours un accident, mais cela réduit toujours la marge de sécurité », estime M. Whitney. « Je ne parle pas de violations flagrantes des règles : je parle d’une dérive graduelle, qui se produit avec le temps, à chaque vol réussi — mais pas nécessairement sans risques », a déclaré l’enquêteur, en conférence de presse à Ottawa.

Le BST a publié jeudi les conclusions d’une enquête sur cette industrie, amorcée en mai 2015 et fondée sur 15 ans de données.

Le Bureau a analysé plus de 700 incidents survenus entre 2000 et 2014 et impliquant des appareils utilisés pour transporter un petit nombre de passagers. Ces taxis aériens ont fait 229 morts au cours des 15 dernières années, ce qui représente 62 % de toutes les pertes de vie dans l’aviation commerciale, rappelle le BST.

« Nous avons conclu que les accidents dans ce secteur de l’aviation se résument à deux facteurs sous-jacents : l’acceptation de pratiques non sécuritaires et la gestion inadéquate des dangers opérationnels », a résumé la présidente du BST, Kathy Fox.

Faire des économies

Au fil des ans, les enquêteurs du BST ont publié 22 recommandations à l’intention de Transports Canada sur les moyens d’améliorer la sécurité de ces aéronefs, notamment en mettant en place des ceintures de sécurité avec harnais thoraciques et en garantissant la disponibilité des ceintures de sécurité conçues pour les enfants.

Le BST a publié quatre nouvelles recommandations jeudi, y compris un appel à Transports Canada pour informer les pilotes et les exploitants des risques liés à une certaine complaisance qui s’installe face aux pratiques dangereuses.

Les exploitants confrontés à des difficultés économiques font trop souvent pression sur les pilotes pour qu’ils volent dans des conditions dangereuses, ou ils retardent la maintenance programmée, a déclaré Mme Fox.

« Bien que, dans l’ensemble, l’aviation commerciale au Canada ait amélioré sa fiche de sécurité au cours des 10 dernières années, les activités de taxi aérien continuent de présenter un risque élevé », a-t-elle souligné. « Le secteur des taxis aériens continue d’avoir plus d’accidents et de décès que tous les autres secteurs de l’aviation commerciale réunis. »

Le BST a également appelé le gouvernement fédéral à obliger tous les exploitants commerciaux à communiquer des données sur leurs aéronefs, telles que le nombre d’heures de vol, afin de mieux calculer les taux d’accident et de s’assurer que les stratégies de sécurité actuelles fonctionnent.

Transports Canada dispose de 90 jours pour répondre aux recommandations du BST.