Premier corps de police québécois à avoir lancé des opérations ciblées pour arrêter les clients de la prostitution juvénile, la police de Laval dit craindre qu’on déplace le problème si ces rafles ne sont pas étendues rapidement à l’ensemble du Québec dans le cadre d’une stratégie nationale.

C’est ce qu’a expliqué hier Dany Gagnon, directeur adjoint à la police de Laval, en marge de la commission parlementaire sur l’exploitation sexuelle des mineurs.

Depuis 2016, la police de Laval a arrêté 38 individus qui fouillaient les petites annonces sur le web afin d’acheter des services sexuels de mineurs. En se présentant à un rendez-vous, les suspects découvraient qu’ils avaient été piégés par des policiers et se faisaient passer les menottes.

Mais cette façon de faire commence à être connue. « Récemment, on allait arrêter un individu, et quand il a su qu’on lui donnait rendez-vous à Laval, il a dit : “Non, je ne veux pas venir à Laval, ils arrêtent du monde à Laval” », a raconté Dany Gagnon, en entrevue avec La Presse.

« On est actifs, à Laval, mais à un moment donné, la demande est tellement forte que si on a juste une stratégie régionale, ça va juste déplacer le problème », dit-il.

Dans la grande région métropolitaine, l’Équipe intégrée de lutte contre le proxénétisme, un regroupement de corps policiers, traque aussi les clients de la prostitution juvénile. Mais Dany Gagnon croit qu’il faut rapidement étendre cette façon de faire à tout le territoire québécois.

Une telle opération demande des ressources importantes, souligne-t-il.

« Les gens nous demandent pourquoi on n’en fait pas plus. En 2016, on a été la première organisation policière à faire ça. Les autres nous regardaient pour voir si on allait passer le test des tribunaux. Depuis, on a eu 12 condamnés. Mais là, on parle de procès, dans la plupart des cas. C’est beaucoup de travail », dit-il.

Dans bien des dossiers, les policiers doivent passer de longues journées au tribunal pour l’enquête préliminaire, puis pour le procès lui-même. Pendant ce temps, ils ne sont pas sur le terrain à enquêter.

Or, la demande est gigantesque, souligne M. Gagnon.

« Si vous allez sur internet, les annonces positionnées au premier rang changent à peu près aux 30 secondes. C’est incroyable, c’est exponentiel », dit-il.

« On a besoin d’un mouvement dans la société et d’une stratégie nationale. Avec le mouvement #metoo, on a parlé de consentement. Eh bien, pourquoi on accepterait que parce qu’il a de l’argent, un abuseur est capable d’acheter un consentement ? » demande le directeur adjoint.

La commission parlementaire spéciale sur l’exploitation sexuelle, présidée par le député de Vachon et ex-policier Ian Lafrenière, devrait rendre son rapport à l’automne 2020.