(Montréal) On ne traverse pas la rue de la même façon à Montréal et à Québec, et cela peut avoir un impact sur la sécurité et le confort des piétons, démontrent les résultats préliminaires d’une nouvelle étude dévoilés en primeur à La Presse canadienne.

Ce que les chercheurs appellent les « interactions » entre piétons et véhicules seraient ainsi trois fois plus nombreuses dans la métropole que dans la capitale.

En plus du virage à droite sur le feu rouge qui est permis à Québec et non à Montréal, les feux de circulation sont programmés différemment dans les deux villes, ce qui influence le comportement des piétons et leurs interactions avec les automobilistes, a expliqué Marie-Soleil Cloutier, qui est professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

« Les deux villes ont des façons carrément différentes d’aborder la traversée, a dit Mme Cloutier. Les piétons se sont adaptés à la façon dont on a programmé les feux de circulation. »

Cette étude, qui se poursuivra pendant encore plusieurs mois, est l’œuvre de l’INRS, de l’université Polytechnique à Montréal et de l’organisme sans but lucratif Accès transports viables.

Les chercheurs ont colligé cet été des données à 12 intersections comparables de chacune des deux villes. Ils ont observé 2780 piétons, répartis presque moitié-moitié entre les deux municipalités, et ont réalisé « qu’il y a des différences Québec-Montréal, et ça n’était pas du tout documenté ».

À Québec, a expliqué Mme Cloutier, « les feux sont au tout rouge — ce qu’on appelle une phase exclusive, c’est-à-dire que chacun a son tour dans l’intersection, donc c’est le tour des automobilistes, puis c’est le tour des piétons où tous les feux sont au rouge pour les véhicules et tous les feux vont être piétons en même temps ».

En d’autres mots, dans la capitale québécoise, les feux rouges bloquent la circulation automobile dans tous les sens pendant que le petit bonhomme blanc invite les piétons à traverser en toute sécurité. Cette configuration est beaucoup plus rare à Montréal.

Ajustements sur le terrain

Les chercheurs ont rapidement réalisé qu’ils allaient devoir s’ajuster, a confié Mme Cloutier.

La configuration des feux à Québec — où 10 des 12 intersections observées avaient des feux exclusifs, donc où tout est au rouge pour les véhicules — semble ainsi encourager les traversées en diagonale. Au lieu de traverser droit devant puis de retraverser vers la gauche ou la droite en L, 11 % des piétons observés se sont senti « assez en confiance » pour foncer en diagonale.

Mais attention : ce genre de comportement met potentiellement leur sécurité en danger, puisque la diagonale est plus longue que la ligne droite.

« Le problème est que la programmation (des feux) n’est pas vraiment prévue pour ça, a expliqué Mme Cloutier. La programmation est prévue pour qu’on traverse en deux temps. Ça ajoute des délais pour les piétons. Quand on n’a pas le temps de traverser en L, et qu’on fait vraiment les deux phases, on peut attendre deux ou trois minutes sur le coin pour le deuxième feu. Les feux piétons sont allumés et programmés pour avoir assez de temps pour faire une traversée à la fois. Ceux qui traversent en diagonale vont peut-être être obligés d’accélérer le pas vers la fin. »

Mais en même temps, les chercheurs ont constaté que ce genre de configuration réduisait les interactions entre automobilistes et piétons.

« (À Québec), on a 13 % de nos observations où le piéton, pendant qu’il était dans la rue, il y a eu un véhicule qui est passé devant ou derrière lui, mais c’est 35 % à Montréal », a dit Mme Cloutier.

À Montréal, où tous ont le feu vert en même temps, « tout le monde se croise, finalement ».

Les interactions qui se produisent à Québec sont souvent attribuables à des facteurs comme un virage à droite sur le feu rouge ou des piétons impatients qui s’élancent sur le feu rouge piéton (la main rouge).

« À Québec c’est comme ça : on peut avoir un feu vert véhicule et un feu rouge piéton en même temps, et les piétons vont suivre plus le feu véhicule que le feu piéton, et là il peut y avoir une interaction », a précisé Mme Cloutier.

De telles interactions sont une source d’insécurité qui pourra en décourager certains, notamment les personnes âgées et les enfants, de se déplacer à pied, a-t-elle dit.

La collecte de données se poursuivra jusqu’au printemps prochain, afin de mesurer l’impact des saisons sur le comportement des piétons. L’opération commence à peine pour l’automne, mais la situation en hiver sera particulièrement intéressante à étudier.

« Ce qu’on pense par rapport à l’hiver c’est que les temps d’attente étant un peu long à Québec, il fait froid, est-ce que les gens seront moins patients, est-ce qu’ils traverseront plus sur les mains rouges ?, a demandé Mme Cloutier. Visiblement, les feux qui protègent tout réduisent vraiment le nombre d’interactions, mais ça augmente le temps d’attente pour les piétons, et là est-ce que ça fait prendre des comportements plus dangereux ? »