(Montréal) L’architecte français Roger Taillibert, père du Stade olympique de Montréal, est décédé à l’âge de 93 ans.

Il avait atteint une grande notoriété en 1965 avec la construction de la piscine de Deauville, en France, puis du Parc des Princes de Paris, au tournant des années 1970, des ouvrages qui avaient fait sa renommée comme spécialiste de l’utilisation des voiles de béton et comme concepteur d’installations sportives.

Ses œuvres avaient séduit le maire de Montréal, Jean Drapeau, qui en avait fait le maître d’œuvre du parc olympique en vue des Jeux olympiques de 1976, soulevant la colère du milieu de l’architecture local qui se voyait ainsi damer le pion par un étranger.

PC

Roger Taillibert en juin 2016.

Le Stade olympique demeure à ce jour le bâtiment ayant la plus haute tour inclinée du monde, à 165 mètres.

Ouvrage controversé à cause de son coût, mais aussi des difficultés inhérentes à ce genre de construction, le stade n’avait pu être complété à temps pour les Jeux et il avait fallu 10 ans avant que la tour ne soit complétée et une autre année pour que le premier toit rétractable y soit installé.

Le stade était accompagné d’un vélodrome, édifice qui a été converti pour devenir le Biodôme au grand dam de l’architecte, qui l’avait qualifié de «cage à pingouins», entre autres, alors qu’il aurait voulu qu’il demeure une installation sportive.

Roger Taillibert a toujours défendu la conception de son stade et a maintes fois répété qu’il le ferait sensiblement de la même façon si c’était à recommencer.

L'éditeur Alain Stanké réagit

L’écrivain et éditeur Alain Stanké, qui a publié le livre de Roger Taillibert intitulé Notre cher Stade olympique en l’an 2000, s’est vite lié d’amitié avec le célèbre architecte à cette occasion.

«Je l’ai visité chez lui à Paris, et il m’a montré ses toiles. Les gens ne savaient pas qu’il peignait, et il ne voulait pas les montrer.»

En 2018, M. Stanké a convaincu Roger Taillibert de faire sa première exposition, qui a eu lieu le mois dernier au Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Alain Stanké

Impressionné par le bâtiment du Parc des Princes à Paris, le maire de Montréal Jean Drapeau avait donné comme mandat à Roger Taillibert de construire le Sade olympique de Montréal. Or, les dépassements de coûts et les problèmes avec le toit rétractable ont terni l’image du bâtiment aux yeux du public.

Alain Stanké dit que les problèmes du stade, liés notamment aux dépassement de coûts de construction ou au toit rétractable, continuaient de préoccuper M. Taillibert, même dans les dernières années de sa vie.

«Il a été très marqué par ça. Il a subi des critiques injustes, et il n’arrivait pas à passer par-dessus ça. Pour lui, c’était frustrant. Les dépassements des coûts, il n’y pouvait rien. Et on n’a jamais installé le toit qu’il avait prévu, et qui était simple.»

M. Stanké a tourné un film documentaire intitulé Roger Taillibert, le Dieu des stades, qui sera présenté en primeur ce soir à 20h à RDI.

Philippe Lupien, architecte et professeur à l’École de design de l’UQAM, a récemment fait une série d’entrevues avec Roger Taillibert. Il a été marqué par ce géant de l’architecture qui laisse un legs «pharaonique» à la société.

«Il m’a appelé au mois de janvier, il était 20h un vendredi soir. On jase ensemble, et tout à coup je réalise qu’il était à Paris. Il était 2h du matin pour lui. À 93 ans, il m’appelle en pleine nuit pour parler, critiquer ci, critiquer ça. Pour lui, c’est comme si c’était le matin. Il avait une énergie impressionnante.»

Cinq faits saillants du portfolio de Roger Taillibert

REUTERS

Le Parc des Princes accueille le club de soccer Paris Saint-Germain depuis 1974.

Le Parc des Princes de Paris

Ce stade est installé dans le sud-ouest de la ville de Paris depuis 1897, mais Roger Taillibert l’a remis à neuf en 1972. Il deviendra le premier d’Europe à être doté d’un éclairage intégré au toit et peut accueillir quelque 45 000 spectateurs. Qualifié d’«avant-gardiste» par certains, le stade conçu par M. Taillibert est de forme elliptique et s’appuie sur des portiques en porte-à-faux. Il accueille le célèbre club de soccer Paris Saint-Germain depuis 1974.

Le stade Khalifa de Doha

Ce stade qui compte aujourd’hui 40 000 places serait le plus grand du Qatar. Il a été inauguré en 1976 pour accueillir la Coupe du Golfe des Nations, avant d’être rénové à quelques reprises au fil des ans. Des travaux entamés en 2014 comprenaient l’ajout de sièges et l’installation d’une membrane de toit pour recouvrir 70% du stade. Il est le domicile de l’équipe nationale de soccer du Qatar.

La piscine de Deauville

Le site internet de la mairie de Deauville souligne «l’architecture singulière» de cette piscine imaginée par Roger Taillibert : «De l’extérieur, elle ressemble à un coquillage. À l’intérieur, c’est une immense voûte qui capte la lumière». Ce sera l’un des premiers projets en France de M. Taillibert. Ce dernier opte «pour une réalisation audacieuse loin du style “Normand” alors en vogue sur la Côte Fleurie, et met en œuvre un procédé de voiles minces à longue portée, expérimenté au début des années 1960 et dont il devient le spécialiste».

Le Stadium Lille Métropole

Le stade a été construit en 1975 et inauguré le 29 mai 1976. Il pouvait à ce moment accueillir 35 000 spectateurs. Les championnats de France d’athlétisme de 1976 sont la première grande épreuve sportive à y être organisée.

Le Centre national sportif et culturel d’Coque

M. Taillibert a présenté son plan pour le centre en février 1974. Les installations de verre, de bois et de béton sont comprises dans six gigantesques coquilles de cuivre renversées (d’où le nom de «d’Coque»). M. Taillibert se serait librement inspiré de ses travaux sur les installations olympiques de Montréal, qui se poursuivaient à ce moment. Le centre comprend notamment une piscine couverte avec bassin olympique, un bassin pour enfants, une fosse de plongée de 15 mètres, une tour de plongeon de 10 mètres, un terrain d’entraînement pour équipes de sport, des restaurants, des salles de conférences et un centre d’hébergement.