(Québec) Affectée à d’autres fonctions depuis six mois, une ex-policière de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) qui a enquêté sur le député Guy Ouellette se dit victime d’une campagne de salissage et réclame l’intervention du gouvernement Legault.

Caroline Grenier-Lafontaine presse Québec de faire cesser la publication dans les médias d’éléments d’enquête « hautement confidentiels » sur son cas.

Son avocat, Me Guy Bertrand, a écrit à François Legault et à deux ministres, jeudi dernier, pour faire part de la « colère » et de « l’indignation » de sa cliente. La veille, les médias de Québecor ont publié un reportage qui révèle qu’elle est soupçonnée d’infractions criminelles.

« Elle n’arrive pas à comprendre comment ces documents qui portent atteinte grandement à sa réputation, à son honneur, à sa dignité et à plusieurs de ses droits fondamentaux puissent avoir été remis aux médias alors que très peu de personnes peuvent y avoir accès », peut-on lire dans la lettre.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Ouellette, député indépendant de Chomedey

Mme Grenier-Lafontaine a piloté le « Projet A », l’enquête qui s’est soldée par l’arrestation de Guy Ouellette, d’un policier de la Sûreté du Québec (SQ) affecté à l’UPAC, Stéphane Bonhomme, et d’un retraité de la SQ, Richard Despatie. C’est elle qui a piégé le député en lui envoyant des messages avec le téléphone de M. Despatie.

Son conjoint André Boulanger, lui aussi officier de la SQ, a également participé à l’enquête.

Ils ont tous les deux été affectés à des tâches administratives, début mars, lorsque le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) s’est penché sur la conduite du Projet A. Ils sont aujourd’hui en congé de maladie.

Fonctionnaires soupçonnés

Mercredi, les médias de Québecor ont publié deux documents qui dévoilaient les soupçons qui pèsent sur Mme Grenier-Lafontaine.

Selon un premier document du ministère de la Sécurité publique, elle aurait travaillé « de façon à orienter faussement l’enquête et de façon à entraver le travail d’enquête par les policiers assignés au dossier ».

Un autre document, celui-là portant l’en-tête de la SQ, allègue qu’elle a « effectué une interception illégale de communications privées ».

Me Bertrand soupçonne que des employés de l’État sont à l’origine de la fuite.

Notre cliente est convaincue que la parution de ces documents dans les médias pourrait être la conséquence de la commission d’infractions criminelles d’un ou plusieurs fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique.

Extrait de la lettre de Me Guy Bertrand, avocat de Caroline Grenier-Lafontaine

Aux yeux de l’avocat, il est évident que les allégations de nature criminelle qui pèsent sur sa cliente doivent rester secrètes. En effet, l’enquête est toujours active et aucune accusation n’a jamais été portée contre elle. Ses droits sont donc violés « impunément », dénonce-t-il.

« Ça respire la vengeance, dit Me Bertrand en entrevue. On veut que les gens sachent que ces personnes-là, à l’intérieur, font l’objet d’une enquête alors que personne ne le savait. »

Ultimatum

Il affirme que les auteurs de la fuite s’exposent à des accusations d’abus de confiance, de vol ou d’entrave à la justice. Les médias pourraient également s’exposer à des accusations criminelles, soutient-il.

Il presse le gouvernement Legault de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour faire cesser les fuites médiatiques. Il a donné à Québec jusqu’à vendredi pour lui communiquer sa stratégie.

On ne sait plus à qui s’adresser pour avoir du secours. Parce que manifestement, à l’intérieur, les gens pensent que c’est nous, les coupables.

Me Guy Bertrand

Au cabinet de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, on confirme avoir reçu la lettre et que la requête de Mme Grenier-Lafontaine est en « analyse ».

« Nous ne commenterons pas davantage », a indiqué la porte-parole de la ministre, Amélie Paquet.

Guy Ouellette n’a jamais été accusé après son arrestation. Les mandats de perquisition qui justifiaient l’intervention des policiers ont été cassés par les tribunaux. Le député poursuit l’État québécois pour un demi-million de dollars.