Le nombre d’enfants en attente d’une évaluation a bondi à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) depuis six mois : on est passé de 3000 à 3500 enfants sur la liste d’attente. Au début de l’été, la liste d’attente a même atteint un sommet sans précédent, à plus de 3800 noms.

En janvier dernier, lorsque La Presse a révélé l’ampleur inédite de la liste d’attente pour une évaluation des services sociaux, le ministre délégué aux Services sociaux, Lionel Carmant, avait déclaré que la situation soulevait une grande inquiétude. Le ministre se montre maintenant plus optimiste. Le gouvernement a investi près de 50 millions, en juillet, notamment pour juguler ces listes d’attente. Entre la fin juin et la fin juillet, la liste a effectivement diminué de 300 noms.

« Les [sommes] que nous avons investies au cours des derniers mois afin d’à la fois soulager la tâche des intervenantes, vider les listes d’attente et améliorer la rétention du personnel ont commencé à porter fruit. J’ai pu le constater sur le terrain cet été, le réseau est mobilisé, les postes ont commencé à être affichés et même [pourvus]. Malgré les vacances, la liste d’attente à l’évaluation a baissé. Beaucoup de travail reste à faire, mais nous sommes sur la bonne voie ! », a déclaré le ministre Carmant.

Néanmoins, sur le long terme, les derniers chiffres disponibles au ministère de la Santé montrent que l’état de la liste d’attente pour une évaluation des services sociaux s’est nettement détérioré : 498 noms s’y sont ajoutés depuis décembre. Au total, on est passé, en moyenne, de 26 jours d’attente pour l’évaluation d’un cas jugé non urgent, à 29 jours en date du 29 juin.

Le problème est le plus aigu dans la région de la Montérégie. On y compte 487 noms sur la liste d’attente. Suivent les régions de l’Estrie et des Laurentides, qui comptent 435 noms. Au sein des DPJ de ces deux régions, on souligne cependant que ces chiffres sont actuellement à la baisse.

« À l’évaluation, on est passés de 481 noms en mai à 399 en date d’aujourd’hui, fait valoir le directeur de la protection de la jeunesse par intérim en Estrie, Alain St-Pierre. Il y a eu une mobilisation sans précédent du personnel. Des travailleuses enceintes, des ex-cadres retraités sont revenus donner un coup de main. »

La DPJ de l’Estrie a aussi connu une véritable situation de crise en ce qui a trait à l’attente pour la réception et le traitement des signalements, le service qui constitue la porte d’entrée de la DPJ. « Dans le pire, on avait 891 cas en attente à la réception et traitement des signalements », souligne M. St-Pierre. Cette situation difficile en ce qui concerne les signalements est survenue à peu près au moment de la mort tragique de la fillette de Granby. En date d’hier, le nombre de noms sur la liste d’attente pour la réception et le traitement des signalements s’élevait à 235.

Baisse dans les Laurentides

Dans les Laurentides aussi, le portrait semble en voie de s’améliorer, assure-t-on. « On a réussi à faire baisser la liste de façon importante cet été, même avec un certain nombre de gens en vacances, précise la DPJ des Laurentides, Myriam Briand. Au moment où nous nous parlons, il y a 382 enfants sur la liste d’attente. Nous avons embauché 20 personnes de plus à l’évaluation. On est fiers de ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. » Au début de l’été, le nombre d’enfants en attente pour une évaluation s’élevait en effet à 473 noms.

L’étape de l’évaluation survient après celles de la réception et de la rétention du signalement. Dans le traitement d’un cas, c’est le moment où les intervenants sont chargés de déterminer si la sécurité ou le développement de l’enfant sont compromis et, si la réponse est positive, de mettre en place les mesures pour corriger la situation.

Précisons que les signalements urgents, codés 1 ou 2, qui nécessitent une intervention immédiate ou dans les 24 heures, font toujours l’objet d’une réponse dans les délais. Les enfants qui se retrouvent sur la liste d’attente sont des « codes 3 », jugés non urgents. Les normes ministérielles précisent que le délai de traitement de ces cas peut aller de 48 heures à quelques mois.

En clair, si un enfant est victime de sévices graves ou d’abus sexuel, l’intervention est rapide et sans délai. Mais si l’enfant est victime de négligence, par exemple, un motif de signalement plus diffus, il peut demeurer un certain temps sur la liste d’attente.

Les listes d’attente touchent également le secteur de l’application des mesures, chargé de dispenser concrètement de l’aide à l’enfant ou à sa famille, une fois que l’évaluation a déclaré sa sécurité ou son développement compromis. Fin juillet, on comptait 358 enfants en attente à l’échelle du Québec à l’application des mesures. Le délai moyen d’attente était, en date du 29 juin, de plus de trois semaines.

— Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

Les grandes étapes d’un signalement à la DPJ

1. Réception et traitement du signalement : on reçoit le signalement et on détermine s’il est retenu ou non.
2. Évaluation-orientation : les intervenants doivent déterminer si le développement ou la sécurité de l’enfant sont compromis et, si la réponse est positive, établir les mesures qui devront s’appliquer.
3. Application des mesures : c’est le suivi du cas de l’enfant et l’aide qu’on lui offre, qu’il demeure dans sa famille biologique ou soit dans un milieu d’accueil. Ces mesures d’aide peuvent être volontaires ou non, si la famille refuse de coopérer.

Évolution de la liste d’attente à l’évaluation-orientation de la DPJ

Juin 2018 : 2937
Mars 2019 : 3337
Juin 2019 : 3829
Juillet 2019 : 3498

Les régions les plus touchées (en date du 21 juillet)

Montérégie : 487
Laurentides : 435
Estrie : 435
Batshaw : 340
Mauricie et Centre-du-Québec : 335
Montréal : 294