Grâce au succès de son plus récent film, Menteur, les longs métrages du réalisateur ont franchi le cap des 30 millions au box-office, du jamais-vu au Québec. Les exploits du cinéaste issu du monde de l’humour ne l’ont cependant pas rassasié, lui qui rêve de continuer de faire rire et réfléchir le public. Émile Gaudreault est notre personnalité de la semaine.

Comme tous ceux qui font du cinéma, qui réalisent des films, Émile Gaudreault aimerait un jour se retrouver à Cannes ou aux Oscars.

Mais ce n’est pas un objectif. Son objectif, c’est de faire ce qu’il aime le plus au monde, des films, et il en fait, et le public l’adore.

Au Québec, il est le roi de la comédie.

Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous avez vu ses films : De père en flic 1 et 2, Mambo Italiano, Nuit de noces, notamment, et maintenant Menteur

Cet été, grâce au succès de ce dernier film, les longs métrages du cinéaste ont franchi le cap des 30 millions au box-office. Au Québec, c’est du jamais-vu.

Né à Québec, où son père enseignait la théologie, Gaudreault a rapidement déménagé au Lac-Saint-Jean, où s’est déroulée son enfance. On est d’abord à Lac-à-la-Croix, dans la ferme familiale, puis à Alma, et ensuite à Jonquière, où le jeune homme étudie l’art et la technologie des médias au cégep.

Dans la campagne d’Émile Gaudreault, on était « avant-gardiste », dit le réalisateur, joint au téléphone en Grèce où il est en vacances.

Ma mère rejetait la religion et s’est battue pour reprendre son nom de naissance. C’était une vraie féministe. Et mon père aussi était très ouvert.

Émile Gaudreault

Ces deux enseignants ont bien réagi le jour où leur fils, l’aîné de leurs trois enfants, leur a appris qu’il était gai. « La sortie du placard a été plus difficile face à moi-même », raconte celui qui a grandi à une époque qui avait ses normes et où il était plus difficile que maintenant de sortir des sentiers battus de l’hétéronormativité.

« Ç’a été une belle surprise de voir que tous réagissaient bien. »

Mécanique du rire

Au cégep, Gaudreault rencontre la bande de joyeux lurons du Groupe Sanguin, des comédiens avec qui il montera sur scène mille fois.

C’est dans un univers où l’improvisation et l’humour rayonnent qu’il apprend la mécanique du rire, du récit drôle.

Ensemble, ils vont à Montréal, où ils présentent notamment deux spectacles mis en scène par Robert Lepage au Club Soda. Gaudreault et Lepage formeront un couple pendant quatre ans. On est à l’époque de La trilogie des dragons, aux débuts du rayonnement international du metteur en scène. Gaudreault suit la troupe en voyage autour du monde. Il est un témoin privilégié de la naissance d’un phénomène théâtral.

De son côté, il veut passer à autre chose et, avec Sylvie Bouchard, notamment, il écrit un scénario, celui de Louis 19, le roi des ondes.

On est en 1994 et le film qui sera réalisé par Michel Poulette parle d’un sujet inédit : la téléréalité. Il raconte l’histoire d’un quidam interprété par Martin Drainville, dont la vie sera filmée 24 heures sur 24. Le film, un succès auprès du public, mais aussi bien accueilli par ses pairs – il sera nommé pour plusieurs prix Génie –, sera acheté par Hollywood et refait sous le titre d’EDtv par Ron Howard, le réalisateur à succès des films Apollo 13 et A Beautiful Mind, entre autres.

C’est à partir de là que Gaudreault, qui a toujours rêvé de faire du cinéma, comprend qu’il pourra faire sa place dans le milieu.

Premier succès commercial

La réalisation suivra, en 2001, avec Nuit de noces, premier succès commercial, notamment grâce à l’aide de la productrice Denise Robert, qui croit en lui derrière la caméra, pas juste à l’écriture, même s’il n’a pas encore beaucoup d’expérience dans ce domaine. « Après, j’ai appris de film en film », dit-il. Son sens de la comédie, de la construction du récit, du rythme, de ce qui fait rire lui permet d’avancer et d’aller non seulement de film en film, mais de succès en succès.

Il réalisera Mambo Italiano et De père en flic, Le sens de l’humour, Le vrai du faux, Père fils thérapie !, De père en flic 2 et Menteur, sorti cet été, qui bat des records.

Chaque fois, le public est au rendez-vous, sauf pour un film, Surviving My Mother, sorti en 2007. « C’était une comédie dramatique qui parlait de cancer, de pédophilie. C’était plus tough », dit le cinéaste, qui a travaillé avec Steve Galluccio pour le scénario, comme dans le cas de Mambo Italiano.

Parfois, quand il rêve encore à son Oscar ou à une présentation à Cannes, il pense à Molière ou à Sacha Guitry, ces grands humoristes qui ont su toucher tout le monde, et faire réfléchir tout le monde, tout en nous faisant rire.

« Ce que j’ai compris dans la vie, dit-il, c’est que quand tu es passionné, tu avances toujours. Et puis un jour tu te retrouves à des places et tu te dis : “Tiens, ici, je ne m’y attendais pas.” »

Émile Gaudreault en quelques choix

Un film : Sunset Boulevard de Billy Wilder

Un livre : Les grandes espérances de Charles Dickens

Un personnage historique : La femme politique Thérèse Casgrain

Un personnage contemporain : Michel Tremblay

Une phrase : « Je ne désire que ce que j’ai. » — Sacha Guitry

Une cause qui le ferait descendre dans la rue pour manifester : Les inégalités sociales. Sur sa pancarte : « À tous les mêmes chances ! »