Boulon, vis, lame de grattoir, agrafe : c’est une véritable quincaillerie qui s’est retrouvée dans les assiettes des Montréalais au cours des derniers mois, selon les enquêtes des inspecteurs des aliments de la Ville de Montréal.

Des pansements souillés et des insectes sont venus agrémenter le tout.

Le service municipal d’inspection a enregistré des dizaines de plaintes de citoyens qui ont détecté un « corps étranger » dans leur nourriture achetée dans un restaurant ou une épicerie de la métropole. La Presse a obtenu leurs rapports dans les dossiers qui se sont révélés fondés.

« Un morceau de métal se trouvant dans une pizza s’est planté dans ma gencive droite en bas, une infection s’est déclarée moins de 24 heures plus tard et j’ai dû être traité d’urgence hier chez le dentiste », a déploré un Montréalais, en mai dernier, après avoir commandé une pizza chez Double Pizza N.D.G. « L’infection de la blessure s’est propagée malgré mes tentatives de désinfecter. »

Une longue visite d’une inspectrice sur place n’a pas permis de détecter d’où venait le morceau de métal. Elle a tout de même déterminé qu’il s’agissait d’une « plainte fondée ». Double Pizza N.D.G. n’a pas donné suite aux appels ni au courriel de La Presse, hier.

Deux mois plus tôt, en mars, un autre Montréalais avait eu la surprise de trouver un morceau de métal dans son assiette : cette fois, il s’agissait d’un boulon.

J’ai commandé un plat à la cafétéria principale de Polytechnique Montréal, et en mangeant, j’y ai retrouvé un boulon métallique que j’aurais pu avaler !

Un Montréalais dans une plainte déposée le printemps dernier

L’enquête a permis de déterminer que le boulon provenait d’un « robinet de lavage » en cuisine. « Pourtant une équipe de maintenance de l’université serait passée juste avant l’incident et aucune mention d’équipement en mauvais état n’a été faite », a déploré l’inspectrice.

L’entreprise Aramark, qui exploitait à ce moment la cafétéria, n’a pas rappelé La Presse. Le nouvel exploitant s’est dégagé de toute responsabilité.

Pansements peu adhésifs

Moins dur sous la dent, mais plus troublant : le personnel de cuisine semble perdre assez souvent des pansements adhésifs dans les assiettes ou les préparations.

Ç’a été notamment le cas en novembre 2018 chez Houston (succursale Square-Victoria), où « un pansement adhésif a été retrouvé dans une salade ». Le cuisinier « avait le pansement toute la journée hier et avec l’eau et la préparation des aliments, le pansement doit être tombé », note le rapport. Voilà pourquoi le port des gants est nécessaire lorsque l’on porte un pansement adhésif.

Miguel Lopez, directeur de cette succursale, a indiqué à La Presse que l’incident avait été pris au sérieux et que tout le personnel avait suivi une formation sur les mesures d’hygiène en cuisine. « Ça a été pris en main », a-t-il dit.

Même scénario peu ragoûtant dans un falafel servi en avril dernier dans un restaurant végétalien du centre-ville. La contamination pourrait provenir du mélange, acheté chez un sous-traitant, selon l’inspectrice.

Laine d’acier problématique

Parmi les cas les plus fréquents : les clients qui trouvent des fragments de tampons à récurer en acier dans leurs repas. Cet outil de nettoyage est largement interdit dans les cuisines, mais semble encore populaire.

La plupart des établissements où ce type de tampon à récurer est trouvé s’en débarrassent et reçoivent un constat d’infraction.

Mais dans le cas d’un restaurant à déjeuner de l’Ouest-de-l’Île, l’inspectrice a eu plus de difficultés. « Même si je demande de ne plus utiliser la laine d’acier pour nettoyer, chaque fois le propriétaire jetait une laine d’acier, à chaque retour à la cuisine il avait dans ses mains une nouvelle laine d’acier », a-t-elle écrit dans son rapport, après une visite de plus de trois heures. Résultat : elle a fait fermer la cuisine.

— Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

Quelques cas peu ragoûtants

Des agrafes dans un sandwich

Vincent Sous-Marins, 6649, rue de Marseille

En septembre dernier, un client s’est plaint d’avoir retrouvé une agrafe dans son sandwich. « Le responsable pense que les broches ont été mises de façon intentionnelle de la part d’un cuisinier avant son départ ([il] ne travaille plus à ce restaurant) », a noté l’inspectrice responsable de l’enquête, après avoir visité la cuisine. Elle a demandé qu’un rappel soit fait aux employés et a déterminé qu’il s’agissait d’une plainte fondée. « Ce n’était pas fait de façon volontaire de notre part », a expliqué Louis Grammatikakis, propriétaire du restaurant, qui a dit ne pas se souvenir précisément de l’évènement. Il a affirmé que ce n’était pas lui qui avait donné l’explication à l’inspectrice et ne pouvait pas confirmer sa véracité.

Des kilos de fromage moisi

Poutineville Parc, 5145, avenue du Parc

La scène est peu ragoûtante : vous vous apprêtez à plonger votre fourchette dans votre poutine lorsque vous vous rendez compte que le fromage utilisé est gris-bleu. C’est ce qui est arrivé à un Montréalais en mai 2018 chez Poutineville (succursale avenue du Parc). « Je me suis senti nauséeux par la suite, avec des symptômes de la grippe », a-t-il dit, sans toutefois préciser s’il en avait ingéré. Le verdict de l’inspectrice qui s’est présentée sur les lieux est sans appel. « Le fromage râpé utilisé sur place est moisi, écrit-elle. 17 sacs de 500 g du duo Cheddar marbré râpé sont moisis. » En entrevue, l’un des copropriétaires a indiqué qu’il s’agissait d’une erreur de leur fournisseur de fromage, chez qui le stock avait été rapidement renvoyé.

Dumpling aux insectes

Restaurant Tong Por, 12 242, boulevard Laurentien

La découverte d’insectes dans un dumpling aux crevettes a entraîné la fermeture d’un restaurant asiatique du boulevard Laurentien, l’été dernier. L’inspectrice responsable d’enquêter sur ces allégations a trouvé des blattes vivantes, des blattes mortes et des excréments de blattes « dans la cuisine et près de la table de préparation des dumplings ». Le propriétaire du restaurant, Kim Hay Tain, a affirmé que le client à l’origine de la plainte n’avait aucune preuve de ce qu’il avançait.

Morceau de lame

Restaurant Chez la mère, 4028, rue Masson

En février dernier, une dame a acheté un sous-marin dans un restaurant de la rue Masson, dont elle a conservé une moitié au réfrigérateur. En ouvrant cette seconde moitié, « elle a trouvé une lame » à l’intérieur. Une visite des cuisines a permis de trouver un grattoir à plaque chauffante dont la lame était rompue. Un employé « constate que la lame des nouveaux [grattoirs] est beaucoup plus fragile que celle des anciens », a rapporté l’inspectrice. « Ces lames cassent assez facilement. » « C’est vraiment un imprévu, quelque chose [qui nous a déçus] », a dit Georgia, la patronne du restaurant. « On ne va pas mettre une lame dans notre bouffe, on n’est pas là depuis 45 ans pour faire ça. […] On fait tout pour bien faire. »

Une vis dans la salade

Ye Olde Orchard Pub et Grill, 20, rue Prince-Arthur Ouest

Bien des ingrédients peuvent entrer dans la préparation d’une salade, mais pas une vis. C’est pourtant ce qu’on a servi à un client du Ye Olde Orchard Pub et Grill, qui s’est rapidement plaint. Des membres de l’équipe du restaurant « ont essayé de trouver la source de la vis mais sans succès », explique le rapport. « Ce n’est que vers 17 h que le chef du soir a trouvé la provenance de la vis. [Quelqu’un] s’était aperçu que la vis provenait de la table froide où est préparée la salade. » L’établissement n’a pas donné suite à l’appel de La Presse.